Xi Jinping est plus que jamais le « cœur » du Parti communiste chinois et de la nation. C’est sur ce postulat de base fondamental que le 6e plénum du comité central du Parti communiste chinois va se réu­nir à Pékin du 8 au 11 novembre. Ses 300 hauts cadres ratifieront une « résolution historique sur les succès du parti depuis 100 ans de lutte » que leur proposera le président. « Il s’agira d’une relecture historique sur la façon de penser le passé, le présent et l’avenir du parti dans le but de renforcer le pouvoir et la légitimité de Xi Jinping », analyse depuis Hong Kong le sinologue Jean-Pierre Cabestan, chargé de recherches au CNRS et chercheur associé à Asia Centre.

Pour prendre la mesure et la force de cette « résolution historique » en 2021, il faut rappeler que seulement deux résolutions de ce genre ont été ratifiées depuis la naissance du Parti communiste chinois, en 1921. La première le fut en 1945 par Mao, quatre ans avant la fondation de la République populaire de Chine, pour condamner ses rivaux et leurs erreurs idéologiques, préparant le terrain politique pour son installation au sommet de la hiérarchie communiste. La seconde n’a été ratifiée qu’en 1981 par Deng Xiaoping. Celui-ci avait osé y critiquer les erreurs de Mao durant la révolution culturelle, jugeant son leadership global à « 70 % de positif et 30 % de négatif », ouvrant la voie aux réformes et à l’ouverture de la Chine.

« Même si personne ne connaît encore la substance de ce texte qui s’annonce majeur, anticipe Mathieu Duchâtel, expert de la Chine et directeur du programme Asie à l’Institut Montaigne, cette résolution sera un indicateur très clair sur la façon dont Xi Jinping conçoit son pouvoir dans la nouvelle ère. Avec Mao, la Chine s’est levée ; avec Deng, la Chine s’est enrichie ; et avec Xi, la Chine est devenue une puissance. »

On peut s’attendre à des louanges et à une glorification du parti. Le très puissant département de la propagande de ce dernier a déjà publié l’été dernier, dans la perspective de ce plénum, des documents détaillant les « contributions historiques » du parti ces cent dernières années, insistant également sur la gestion exemplaire de Xi Jinping.

Pour Mathieu Duchâtel, il faudra voir si Xi Jinping osera critiquer, et avec quelle intensité, la période d’enrichissement de la Chine sous Deng Xiaoping, qui a engendré un pays profondément inégalitaire. Cela lui permettrait de justifier sa nouvelle politique de « prospérité commune » visant à redistribuer, bien souvent sous la contrainte, les richesses du pays. «Cette résolution pourrait introduire la » pensée Xi Jinping » dans une nouvelle phase historique du parti, explique encore Mathieu Duchâtel, et ce serait énorme ». D’autant que Xi a déjà préparé le terrain en prenant « le contrôle idéologique total de toutes les structures du parti comme de la société civile », ajoute Valérie Niquet, spécialiste de la Chine à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Ainsi, « en dépit de multiples tensions internes et d’une situation générale peu glorieuse pour la Chine » ajoute-t-elle, Xi Jinping renforce toujours plus son pouvoir dans la perspective du prochain congrès du Parti communiste, à l’automne 2022, qui l’intronisera, sauf surprise, « leader à vie ».

Jean-Pierre Cabestan reconnaît qu’il existe de nombreux mécontents au sein du parti – « depuis 2012, il s’est fait beaucoup d’ennemis au sein des élites et de la classe moyenne », dit-il –, mais il a su diviser pour mieux régner, instiller la peur dans les rangs des cadres et se débarrasser de responsables gênants. Les spéculations sur un coup d’État interne vont bon train mais, pour ce fin observateur de la scène politique chinoise basé à Hong Kong, « Xi contrôle tout, le comité central, les services de sécurité et l’armée… Ce n’est pas facile de fomenter un coup d’État en Chine. »