Les enjeux du voyage du pape à Chypre et en Grèce (2-6 décembre) (02/12/2021)

Dans la capitale chypriote, les mots de Jean-Paul II appelant à « construire des ponts, et non des murs » n’ont rien perdu de leur force. Et pour cause : la maison qui abrite le représentant du Saint-Siège est située près de la « ligne verte », cette frontière de barbelés et de murs qui coupe Chypre en deux. Plus précisément dans la « zone tampon », qui s’étend tout au long de la double frontière, turque et grecque. C’est ici, à Nicosie, que le pape François atterrira jeudi 2 décembre pour inaugurer un voyage de quatre jours, au cours duquel il se rendra également en Grèce.

→ LES FAITS. Le programme du pape à Chypre et en Grèce

À Chypre, où Benoît XVI s’était rendu en 2010, François sait qu’il s’engagera sur un terrain diplomatique et politique extrêmement sensible. « On a tous l’espoir que la réunification puisse avancer, mais il semble que le pape ne s’y aventurera pas », relève une source diplomatique. « Nous soutenons la réunification de l’île, mais elle semble plus loin que jamais », renchérit, lucide, une source vaticane. En cause : les durcissements des relations entre les deux parties, encore renforcées par la pandémie, expliquent plusieurs observateurs locaux.

Durcissement des relations

Le pape interpellera-t-il directement la Turquie ? En Grèce comme à Chypre, ceux que les autorités locales désignent parfois comme « le voisin oriental » – sans même prononcer son nom – fait figure d’adversaire. Si le Saint-Siège entretient avec Ankara des relations délicates, elles sont réelles et Rome n’entend pas les mettre à mal. La question de la réconciliation a d’ailleurs à peine été abordée lors de la présentation du voyage, mardi 30 novembre. Sauf coup d’éclat inattendu, le pape ne se rendra donc vraisemblablement pas au nord, dans la zone turque.

Même s’il n’est pas exclu que François encourage les responsables de l’île à bâtir des ponts plutôt que des murs, c’est bien la crise des migrants qui sera au centre de ce déplacement. Certes, le gouvernement chypriote a tout fait pour rester en dehors de la carte de la crise migratoire. « Chypre a été complètement oubliée des passeurs pendant toute la phase chaude du conflit syrien », confirme une source sur place. Mais les flux de réfugiés ont grossi depuis 2019. Les migrants constituent aujourd’hui 4 % de la population chypriote.

Dans le cadre d’un accord négocié entre le Vatican, Chypre et l’Italie, une cinquantaine d’entre eux devraient gagner Rome à partir de mi-décembre, via le mouvement Sant’Egidio. La proposition du pape est vue d’un bon œil par les autorités chypriotes, qui y voit une manière de manifester sa solidarité aux pays en première ligne dans la crise migratoire. « C’est une manière de dire à toute l’Europe qu’elle doit être solidaire, et de ne pas laisser les petits pays faire tout le travail », résume un diplomate. Un geste qui rappelle celui du pape qui avait décidé en 2016, à la surprise générale, de ramener en Italie trois familles de réfugiés syriens musulmans dans son avion, juste après sa visite à Lesbos.

« J’ai promis aux réfugiés de retourner à Lesbos »

Dimanche 5 décembre, sur l’île grecque, le pape retrouvera des campements qui n’ont plus rien à voir avec ceux qu’il a connus. En septembre 2020, celui qui abritait près de 12 000 personnes a été incendié. Désormais, 4 000 demandeurs d’asile vivent dans le nouveau camp de Mavrovouni. Pourquoi François y retourne-t-il ? « J’ai promis aux réfugiés de retourner à Lesbos », a-t-il affirmé en privé à plusieurs reprises.

Les autorités grecques craignent de voir le voyage réduit à ce seul thème. Elles avaient proposé d’organiser la visite du pape au Parthénon, symbole de la culture grecque sur laquelle s’est érigée l’Europe. Mais le pape a préféré se concentrer sur la rencontre avec une Église catholique qui fait figure de quantité négligeable face à l’hégémonique Église orthodoxe (1).

En son sein, ce sont les grecs-catholiques (6 000 fidèles) qui provoquent les plus grandes tensions avec les orthodoxes. Cette branche du catholicisme, vue comme « un cheval de Troie de Rome », n’a pas le droit de pratiquer le prosélytisme. Dans ce contexte, l’œcuménisme sera l’un des points d’attention du voyage : plusieurs rencontres sont prévues avec les plus hauts responsables orthodoxes.

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Le programme du pape

Jeudi 2 décembre, à Chypre, le pape François rencontrera notamment le président de la République, Níkos Anastasiádis. Le lendemain, il s’entretiendra en privé avec Chrysostome II, le primat de l’Église orthodoxe de Chypre. Samedi 4 décembre, François s’envolera pour Athènes, où il sera reçu par la présidente Ekateríni Sakellaropoúlou et le premier ministre Kyriákos Mitsotákis. Dans l’après-midi, il rencontrera notamment Hiéronyme II d’Athènes, l’archevêque orthodoxe d’Athènes et de toute la Grèce. Dimanche 5 décembre, François se rendra sur l’île de Lesbos pour rencontrer des réfugiés et prononcera dans le camp l’angélus dominical. Il regagnera Rome lundi 6 décembre.

(1) Le pays compte 130 000 catholiques – essentiellement de rite latin – sur une population de 10,8 millions d’habitants.


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