Les fins dernières : un entretien avec Mgr Léonard (11/12/2021)

De larges extraits d'un article paru sur le site de Présent sont reproduits sur le Forum Catholique :

Entretien avec Mgr André Léonard

extraits

— Monseigneur, nous avons quitté le mois de novembre, mois spécialement dédié aux âmes du purgatoire. Est-ce à dire qu’il n’est plus besoin de prier pour elles ?

— Non ! La prière pour ceux qui nous ont précédés dans la mort ne doit pas se limiter au 2 novembre, jour de la commémoraison des fidèles défunts, ni même à la totalité de ce mois. Elle peut être quotidienne. C’est le cas, tout spécialement, lors de la célébration de la messe. Lors de chaque Eucharistie, le prêtre et l’assemblée prient pour les défunts. (...)

— Le purgatoire est une réalité bien oubliée de nos jours. Pourquoi cette amnésie ? Comment réagissent les jeunes à qui vous en parlez ?

— Cet oubli est pour une part lié au fait que l’on parle relativement trop peu des « fins dernières » dans la prédication chrétienne en Occident, sous le prétexte fallacieux que priorité absolue doit être accordée à nos engagements terrestres. Mais les fidèles, eux, s’interrogent toujours sur le sort de leurs chers disparus. Ils n’ont pas tort. Quant aux jeunes, cette question les taraude chaque fois que décède un de leurs compagnons. Certains cherchent des réponses dans des pratiques dangereuses de spiritisme. D’autres croient trouver une solution dans la réincarnation, sous prétexte que la vie sur terre est trop courte pour s’ajuster à Dieu, s’il existe… Mais c’est peine perdue. Car, même après de multiples vies en ce monde, les créatures seront toujours aussi peu ajustées à l’infinité de Dieu. Il en va tout autrement de la purification exercée en direct par l’Amour de Dieu, au-delà des vicissitudes de la vie terrestre.

— Garde-t-on un lien avec nos proches passés dans l’autre monde ?

— Assurément ! Mais la bonne méthode n’est pas le spiritisme ou l’évocation des esprits, comme le roi Saül s’en rendit coupable (cf. 1 S, 28, 3-20). C’est plutôt la prière pour les défunts lors de la messe et, surtout, au moment de la communion. Nous y sommes en profonde communion avec Jésus. Et nos défunts sont aussi en communion avec lui dans l’au-delà. Nous leur sommes donc unis dans une même communion au Seigneur ! (...)

Pourquoi l’Eglise refuse-t-elle la crémation des corps des défunts en temps normal ?

— A vrai dire, elle ne refuse pas la crémation. Mais elle la tolère, tout en ayant une nette préférence pour l’inhumation. Car le symbolisme de l’enterrement est plus éloquent et encourageant que l’incinération. Celle-ci évoque une disparition pure et simple du corps, qui se dissout en fumée et en cendres. Tandis que l’inhumation évoque la semence jetée en terre, qui meurt et porte du fruit. Même si ce qui se passe dans un cercueil n’est pas joli, Paul Claudel a voulu que soit inscrit sur sa tombe : « Ici repose la semence de Paul Claudel. » Je note au passage que les musulmans et les juifs refusent presque tous d’être incinérés. Ils sont plus cohérents et courageux que les chrétiens qui choisissent la crémation parce qu’elle coûte moins cher… (...)

— Un thème qui prime dans notre monde actuel est le sauvetage de la planète, sujet fort bon en lui-même. Mais ne décèle-t-on pas une tendance à la déification de « Mère Nature » ?

— Notre planète doit être traitée avec ménagement et sobriété, car nous n’en avons qu’une, si bien qu’il importe de transmettre aux générations qui nous suivront une Terre habitable. Mais ceci n’implique aucune « vénération » de la Terre-Mère. Car celle-ci est aussi une marâtre impitoyable. Elle appartient à ce monde déchu qu’évoque admirablement Paul dans sa lettre aux Romains (Rm 8, 18-27). Un monde livré à la vanité et à la servitude de la corruption, où les vivants sont voués à la mort et ne survivent qu’en tuant d’autres vivants, plantes ou animaux. Donc, de grâce, pas de vénération de la Pachamama, fût-ce en Amazonie. De tout temps, notre planète, qui nous nourrit et a ses beaux côtés, est aussi sauvagement meurtrière. De tout temps, elle est riche en moyens de nous détruire : tremblements de terre, tsunamis, éruptions volcaniques, inondations à répétition, virus dangereux, bactéries nocives, etc.

Quel sera le sort de la nature, des animaux, par exemple, à la fin du monde ?

— J’espère de toute mon âme que les cieux nouveaux et la terre nouvelle dont parle l’Apocalypse (cf. Ap 21, 1) comporteront un monde végétal et animal, et pas seulement un univers humain. Je rêve d’y retrouver, notamment, les animaux domestiques avec qui nous aurons eu un lien familier. Mais ne me demandez pas sous quelle forme précise ! Je n’ai pas encore été voir… Un peu de patience. Je sais seulement ceci : « Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est même pas monté dans le cœur de l’homme, voilà ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (cf. 1 Co, 2, 9).

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