Grand carnaval et foutoir théologique à Saint-Sulpice (14/02/2022)

Du Père Danziec sur le site de Valeurs Actuelles :

Prière musulmane dans une église : est-ce bien sérieux ?

Les images de la rencontre organisée en l’église Saint-Sulpice à Paris entre catholiques et musulmans a légitiment soulevé une vague d’indignations. Peut-on raisonnablement discuter avec l’islam d’une façon aussi ingénue ? Pour notre chroniqueur, le Père Danziec, la réponse est résolument négative.

Aux éditions Buchet-Chastel, Soazig Quéméner et François Aubel, respectivement journalistes à Marianne et au Figaro, viennent de cosigner un ouvrage La dictature des vertueux au sous-titre évocateur : Pourquoi le moralement correct est devenu la nouvelle religion du monde. Une religion pour en chasser une autre ? Depuis cinquante ans en effet, on ne le voit que trop, l’influence de la religion catholique s’étiole. Les progressistes des années 70 avaient pour grand rêve de réconcilier l’Église avec le monde. Ils n’auront réussi qu’à la faire disparaître du champ des hommes. Finis les rites sacrés, la grande pompe liturgique et les mystères magiques qui subjuguaient les humbles, transportaient la nef et savaient édifier petits et grands.  Disparue l’aura intellectuelle de l’Église, experte en sagesse et en recul. La nature ayant horreur du vide, le progressisme s’est fait une place au soleil des renoncements des autorités ecclésiastiques. Le printemps merveilleux que l’esprit du concile Vatican II promettait de faire bourgeonner au-delà des sacristies aura finalement laissé place à un grand hiver au cœur même de l’Occident. Certains se féliciteront que l’Église ait perdu de sa superbe. Réalisent-ils seulement qu’elle a surtout perdu de sa saveur et de son goût. Or, « si le sel vient à s’affadir, avec quoi le salera-t-on ? » (Matthieu 5, 13).

Des jeunes adolescentes en niqab dans le chœur de l’église Saint-Sulpice

Oui, le moralement correct est une nouvelle religion et parmi ses prophètes, certains portent un col romain. Tandis que la culture de l’effacement contribue à façonner un nouvel ordre sociétal, les hommes d’Église font l’étalage de leurs carences et brillent par leur discrétion, hélas. Où se trouvent les veilleurs authentiques face à l’effondrement des murs porteurs de la société occidentale et chrétienne ? Trop de clercs donnent le sentiment d’être passifs et dépassés. Un grand nombre préfère nier le désastre quand d’autres se rangent eux-mêmes à la cohorte des destructeurs.

L’épisode atterrant du week-end dernier dans le chœur de Saint-Sulpice (VIe arrondissement de Paris) est à cet égard suffisamment éloquent pour être passé sous silence. Que s’est-il donc produit dans la plus grande des églises de la capitale le dimanche 6 février ? En apparence, chrétiens et musulmans se sont vus proposer un moment unique de fraternité. Prier ensemble, se rencontrer, dialoguer. En réalité, dans l’édifice sacré, un panneau indiquait même aux disciples de Mahomet qu’un lieu (temporaire) leur avait été réservé garantissant un « espace de silence pour la prière musulmane » (sic). Des lectures coraniques et des récitations de sourates eurent lieu à l’ambon. Le rassemblement islamo-chrétienne se clôturait par une danse autour de l’autel accompagnée de chants et de tapements de main. Le tout en compagnie de jeunes adolescentes en niqab dans le chœur. Qui peut se laisser séduire par un dialogue interreligieux vécu de la sorte ?

 

De ce grand carnaval et foutoir théologique, la vérité ne sort pas grandie. Outre l’indéniable fait qu’aucune autorité musulmane n’aurait laissé des chrétiens chanter l’Évangile dans une mosquée, on mesure la duperie d’un tel événement. Le document majeur Dominus Iesus, rédigé sous l’impulsion du futur Benoît XVI en l’an 2000, soulignait pourtant avec précision le « discernement attentif » auquel doivent être soumises les rencontres entre les communautés catholiques et les autres traditions religieuses. On peut supposer que l’intention d’une telle journée débordait de bons sentiments. Mais en laissant croire à l’erreur qu’elle a des droits, on finit par se faire le devoir de taire la vérité. Sous couvert d’ouvrir les portes, on abat charpente doctrinale et fondations de la Foi.

La dictature du relativisme fustigée par Benoît XVI

Pour Chesterton, « ce qui aigrit le monde, ce n’est pas l’excès de critique mais l’absence d’autocritique ». Les églises se vident, les fidèles votent avec leurs pieds en désertant les mauvaises farces qu’on leur impose. Comment leur donner tort ? À dire vrai, au-delà du projet de cette journée à Saint-Sulpice, les images vidéos de cette réunion interreligieuse sont absolument consternantes de naïveté. Le scandale de cet événement se situe probablement là. « La tolérance atteindra un tel niveau qu’on interdira aux personnes intelligentes de penser pour ne pas offenser les imbéciles », prévenait Dostoïevski. Or c’est bien se moquer de son prochain que de le prendre pour un imbécile. Les musulmans (comme les shintoïstes, les zoulous, les agnostiques ou les défenseurs des moustiques, des sapins et autres causes improbables) ont droit d’entendre avec clarté le message de la Tradition de l’Église. Et les baptisés ont le devoir d’annoncer le message unique et salvifique du Christ. Le texte Dominus Iesus cité plus haut rappelait l’importance pour l’Église de poursuivre la proclamation de l’Évangile du Christ, à temps et à contretemps : « Au terme du second millénaire, cette mission est encore loin d’être accomplie. Par conséquent, l’exclamation de l’apôtre Paul sur la tâche missionnaire de tous les baptisés est plus que jamais d’actualité : ‘Annoncer l’Évangile en effet n’est pas pour moi un titre de gloire ; c’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile !’ (1 Co 9,16). D’où l’attention particulière du Magistère à encourager et à soutenir la mission évangélisatrice de l’Église, vis-à-vis surtout des traditions religieuses du monde ».

Une tradition de proclamation, de zèle et d’élan qui puise ses racines dans le message même du Christ : « Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ». Depuis cette parole testamentaire sans équivoque, les missionnaires de tous les temps ont risqué leur vie, et parfois même offert leur mort, dans le but de faire connaître le Christ. Le faire connaître pour que les hommes puissent mieux l’aimer et, partant, mieux le servir. Dieu « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (I Timothée 2, 4). La vertu de Foi cheville donc à l’âme l’engageante conviction que le Christ est la voie, la vérité et la vie.

Hélas, l’épisode de Saint-Sulpice montre une fois encore combien l’annonce missionnaire de l’Église reste fragile et sa pérennité mise en péril. Les théories relativistes justifient le pluralisme religieux, non seulement de facto mais aussi de iure (en tant que principe). Elles retiennent surtout que certaines vérités enseignées par le Christ et la Tradition de l’Église sont dépassées. En son temps, Benoît XVI notait, en méditant sur le relativisme, que « la vérité ne vieillit jamais mais (que) les idéologies ont leurs jours comptés ». Il n’est pas interdit, en dénonçant ces dernières, de vouloir accélérer leur chute. Mon petit doigt me dit même qu’il serait tout à fait chrétien d’y travailler.

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