Alors que le Parlement français a voté l’extension du délai légal de l’avortement de 12 à 14 semaines (cf. Avortement : Les députés adoptent définitivement la PPL Gaillot), et que le recours à l’avortement est au plus haut depuis 30 ans en France, avec plus de 230.000 IVG pratiquées chaque année, Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ, plaide pour la mise en œuvre d’une véritable politique de prévention de l’avortement. Il a dirigé la rédaction de Droit et prévention de l’avortement en Europe (LEH, 2016).
A ce jour, on estime à plus d’un milliard le nombre d’avortements réalisés dans les pays qui disposent de données statistiques. Chaque année, l’avortement met un terme à un tiers des grossesses européennes, avec 4,5 millions d’avortements contre 8,5 millions de naissances dans les pays du Conseil de l’Europe. Au regard de l’ampleur du phénomène, de ses causes et de ses conséquences, notamment démographiques, l’avortement est un problème social de santé publique majeur auquel la société peut et doit répondre par une politique de prévention.
Il faut d’emblée souligner que la cause première de l’avortement n’est pas la grossesse, mais le contexte dans lequel elle survient. Une femme avorte non pas à cause de la grossesse – qui n’est qu’un facteur déclencheur, mais en raison des circonstances particulières, et la même femme, placée dans d’autres circonstances, n’aurait pas nécessairement recours à l’avortement. L’avortement est donc largement le résultat d’un ensemble de circonstances dont la société est en partie responsable.
En effet, 75 % des femmes qui ont avorté indiquent y avoir été poussées par des contraintes sociales ou économiques. Ce constat met en doute l’existence et l’efficacité des politiques de prévention de l’avortement, qui devraient en principe chercher à répondre de manière adéquate aux causes de ce phénomène.
La prévention de l’avortement, un engagement des Etats
Les gouvernements ont l’obligation juridique de prévenir le recours à l’avortement, sur la base notamment de leurs obligations générales de protéger la famille, la maternité et la vie humaine.
S’agissant de la protection de la famille, les Etats ont pris l’engagement international de garantir le « droit de se marier et de fonder une famille », lequel implique « la possibilité de procréer ». Ils se sont engagés à accorder une « protection et une assistance aussi larges que possible à la famille », « aussi longtemps qu’elle a la responsabilité de l’entretien et de l’éducation d’enfants à charge ». L’Etat a donc l’obligation de porter assistance aux femmes et aux couples qui ne se sentent pas capables d’accueillir un enfant.
Les Etats ont aussi pris l’engagement de protéger la maternité, avant comme après la naissance. Ainsi, par exemple, en ratifiant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les Etats reconnaissent qu’une « protection spéciale doit être accordée aux mères pendant une période de temps raisonnable avant et après la naissance des enfants ».
De façon plus précise, les Etats ont pris l’engagement de réduire le recours à l’avortement. Ainsi, lors de la Conférence internationale sur la population et le développement de 1994, dite Conférence du Caire, les gouvernements se sont engagés à « réduire le recours à l’avortement » et à « prendre des mesures appropriées pour aider les femmes à éviter l’avortement ». Le Conseil de l’Europe a également invité les Etats européens « à promouvoir une attitude plus favorable à la famille dans les campagnes d’information publiques et à fournir des conseils et un soutien concret pour aider les femmes qui demandent un avortement en raison de pressions familiales ou financières » (APCE, 2008).
Une politique de prévention de l’avortement doit répondre aux causes sociales et économiques par lesquelles une grossesse en vient à être dite « non désirée » : immaturité affective, fragilité des familles, précarité économique, exigüité du logement, difficultés et contraintes professionnelles, etc. Or, à la plupart de ces causes devraient, en principe, répondre les différents « droits sociaux » que les Etats se sont engagés à garantir. Ainsi, la Charte sociale européenne et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels garantissent notamment le droit au logement, la protection de la famille, la protection de la maternité, la protection de la vie avant la naissance ou encore la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, etc.