Outre la méthodologie retenue, il y a des arrières-fonds idéologiques particulièrement orientés. Comme cette attaque contre le sacerdoce, qui n’est en rien la mise en cause du cléricalisme, mais une pique contre le sacrement de l’ordre et la théologie sacramentelle. Car si la commission fut peut-être indépendante, mais elle n’a nullement été neutre et certainement pas étrangère à des lieux communs partagés par une théologie douteuse qui ne rêve que de “régler ses comptes” avec le sacerdoce. Derrière le masque de l’expertise, une véritable idéologie du soupçon où l’Église ne sort donc pas indemne.

Extrait:

Alors la Commission a beau écrire p. 319 « qu’elle n’entend nullement remettre en cause les fondements du sacrement de l’Ordre, ni la doctrine de l’Eucharistie… », elle prépare sa remise en cause, par des prises de position hors de sa compétence, comme de donner raison à une récente tribune du Père Laurent Stalla-Bourdillon qui donne la préférence à la formule « in personna Christi capitis » pour caractériser le ministère du prêtre, par rapport aux deux autres, et qui sait, à leur détriment (je n’ai pas lu le texte de toute la tribune), « alter Christus », et « ipse Christus ». On peut en tenir au moins deux ensemble, car je ne vois pas d’où il sort « ipse Christus » appliqué au prêtre, expression que je me garderais d’employer. Que certains prêtres se soient servis de l’autorité que confèrent de tels termes est abominable. Mais ce n’est pas là une raison pour en supprimer un, « alter Christus », parce qu’on estime qu’il est le plus dangereux. De plus, un tel principe étant acquis, et au nom de l’égalité baptismale, on finira par supprimer aussi celle qu’on veut garder en ce moment, par charité prévenante pour d’éventuelles futures victimes ! La doctrine catholique du ministère s’écroulera avec des conséquences qu’il n’est pas difficile d’imaginer.

Il y a bien d’autres attaques, même si elles ne sont pas forcément mentionnées dans cet ouvrage (comme la mise en cause par le rapport Sauvé du discours catholique sur la sexualité). Mais les objections qu’il soulève peuvent aider le catholique à s’interroger sur des arguments “massues”. On notera que le Père Viot se garde de toute attaque ad hominem contre Jean-Marc Sauvé, mais qu’il n’en est pas moins lucide sur la véritable machine à charge mise en place par un juriste certes éminent, mais déterminé.

S’il n’est pas question de nier la souffrance des victimes, les scandaleux silences qui ont couvert les abus sexuels, il fallait aussi remettre les pendules à l’heure. Surtout au moment où à Rome, on est réellement dubitatif sur le travail idéologiquement orienté de cette commission.

Père Michel Viot et Yohann Picquart, préface de Paul Deheuvels, Le rapport Sauvé, une manipulation ?, à paraître chez Via Romana le 20 mai 2022