La Communauté Saint-Martin sous le coup d'une mission d'inspection envoyée par le Vatican ? (mise à jour) (20/05/2022)

De Bernadette Sauvaget sur Libération via le blog Il Sismografo :

Une mission d’inspection du Vatican chez les cathos identitaires de la communauté Saint-Martin

La communauté ultraconservatrice, à l’influence croissante sur le catholicisme français qui fait face à une crise sans précédent de recrutement de prêtres, est sous le coup d’une mission d’inspection, qui va démarrer prochainement. --  La communauté Saint-Martin, ultraconservatrice, qui pèse de plus en plus sur le catholicisme français, correspond-elle aux standards de l’Eglise catholique ? Pour le vérifier, le Vatican a décidé, selon un courrier officiel daté de fin avril et consulté par Libération, d’envoyer une mission d’inspection chez les prêtres de Saint-Martin et qui devrait démarrer très prochainement et qui durera au moins six mois.

«Il est tout à fait probable que des évêques français commencent à s’inquiéter sérieusement de la place prise par cette communauté», explique un théologien, professeur à la Catho de Paris, qui préfère rester anonyme. Cette mission d’inspection, confirmée par plusieurs sources de haut niveau, s’intéressera à la gouvernance, à la formation des nombreux séminaristes, aux finances, au patrimoine… «Dans ce genre de circonstances, tout est passé au crible et chaque membre de la communauté devrait être interrogé», explique un expert français de droit canonique. Ces dernières années, le Vatican a eu le souci d’inspecter ce qu’on appelle les communautés nouvelles, nées dans les années 70, où se sont produites de graves dérives sectaires et des violences sexuelles.

Fondée en 1976, la communauté Saint-Martin tente de ressusciter un catholicisme suranné et très identitaire avec des prêtres en soutane, célébrant généralement la messe en latin. Avec un effectif de 168 membres et une centaine de séminaristes en formation, elle déploie son influence sur le catholicisme français qui fait face à une crise sans précédent de recrutement de prêtres. De plus en plus d’évêques français, en manque de bras, font appel aux Saint-Martin pour s’installer dans leur diocèse même en ne partageant pas leur ligne.

Passer au peigne fin l’ensemble des dossiers

Si les révélations sur le scandale de la pédocriminalité dans les milieux catholiques se poursuivent depuis la remise du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, présidée par Jean-Marc Sauvé, début octobre, la mission d’inspection du Vatican n’aurait a priori pas été déclenchée par des signalements d’affaires de violences sexuelles au sein de la communauté Saint-Martin.

Pour mener cette inspection, le Vatican envoie une équipe très conséquente, composée de quatre personnes ; ce qui signe, selon un expert en droit canonique, la volonté de passer au peigne fin l’ensemble des dossiers de la communauté Saint-Martin. La mission est conduite par un évêque en exercice, Benoît Bertrand, à la tête du diocèse de Mende (Lozère). «L’objectif est de permettre à la communauté Saint-Martin de s’insérer au mieux dans l’Eglise catholique en France», explique le prélat, qui remettra son rapport à Rome. Il est assisté par un deuxième évêque, André Marceau, qui a récemment pris sa retraite après avoir dirigé les diocèses de Perpignan de 2004 à 2014 et de Nice de 2014 à 2022. «Ce ne sont pas deux évêques connus pour être des pro-Saint-Martin», remarque une source interne à l’Eglise catholique.

L’équipe est complétée par le supérieur du séminaire de Versailles, Matthieu Dupont et par la provinciale (c’est-à-dire la supérieure) pour la France des religieuses de l’Assomption, Anne Descours. «Depuis quelque temps, le Vatican a pris l’habitude d’adjoindre une femme dans le staff qui mène ce genre de missions», explique un expert. Cela risque bousculer un peu les Saint-Martin qui ne sont pas de grands promoteurs de la place des femmes dans l’Eglise catholique. A Evron (Mayenne), le siège de la communauté et du séminaire de formation se résume à un monde clos composé exclusivement d’hommes.

«Faire passer plus facilement la pilule»

D’après une lettre officielle émanant de la Congrégation pour le clergé que Libération a pu consulter, il apparaît que cette mission d’inspection fait suite aux visites ad limina (comme il est dit dans le jargon de l’Eglise) des évêques français qui ont eu lieu au Vatican à l’automne. Tous les cinq ans, les responsables de diocèse se rendent à Rome pour rencontrer le pape et les différents services de la Curie romaine. Contacté par Libération, l’abbé Paul Préaux, modérateur général de la communauté Saint-Martin (c’est-à-dire le supérieur) affirme que cette «visite pastorale périodique», comme elle est intitulée officiellement, se déroule à sa demande. «En mars, j’ai apporté mon bilan aux autorités à Rome dont nous dépendons, explique-t-il. Et j’ai demandé par deux fois que nous ayons cette visite pastorale. C’est important qu’une évaluation soit faite par des personnes extérieures à la communauté afin de vérifier que nous nous situons bien dans l’esprit de l’Eglise.»

Paul Préaux insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une visite canonique ; ce qui signifierait, selon les normes de l’Eglise catholique, qu’elle est imposée par le Vatican lui-même. «Employer officiellement le terme de visite pastorale périodique est un moyen de faire passer plus facilement la pilule», explique l’un des meilleurs experts français de droit canonique. Dans le courrier officiel consulté par Libération, l’archevêque Lazarus You Heung-sik, le patron à Rome de la Congrégation pour le clergé, ne mentionne pas que cette inspection a lieu à la demande de la communauté Saint-Martin mais qu’elle a été décidée par ses services.

Depuis le printemps 2021, la communauté Saint-Martin a fait surtout parler d’elle à cause de son implantation prochaine au Mont-Saint-Michel (Manche). Installé dans ce haut lieu du tourisme avec ses deux millions et demi de visiteurs chaque année, l′un des membres de la communauté, Maurice Franc, ancien curé de Biarritz, a mené une mission exploratoire afin de déterminer les modalités de l’arrivée des Saint-Martin. Pour le moment, le diocèse de la Manche n’a toujours pas officialisé l’implantation des Saint-Martin. «Cela prend plus de temps que prévu», dit-on dans l’entourage de Laurent Le Boul’ch, l’évêque du lieu.

Famille Chrétienne dément la version des faits présentée par Libération :

Fausses rumeurs à propos d'une visite d'inspection de la communauté Saint-Martin

Camille Lecuit et Antoine-Marie Izoard

Contrairement aux informations diffusées par Libération, la Communauté Saint-Martin ne doit pas faire l’objet d’une visite d'inspection dans les prochaines semaines. Il s’agit d’une visite pastorale, réclamée par la communauté elle-même.

« La communauté Saint-Martin, ultraconservatrice, qui pèse de plus en plus sur le catholicisme français, correspond-elle aux standards de l’Eglise catholique ? Pour le vérifier, le Vatican a décidé d’envoyer une mission d’inspection », a affirmé Libération dans un article publié le 18 mai au soir. Le quotidien ferait en réalité beaucoup de bruit pour rien, d’après les informations recueillies par Famille Chrétienne.

Une visite « tout à fait classique »

« Il s’agit d’une visite tout à fait classique », indique une source vaticane proche du dossier. Et non, comme l’indique Libération en évoquant un courrier de la congrégation pour le Clergé, d’une visite d'inspection. « Le Vatican n’a fait qu’accéder à la demande de la communauté Saint-Martin, qui a réclamé un peu comme un audit il y a longtemps et à plusieurs reprises», poursuit la source de Famille Chrétienne. La demande émane de Don Paul-Préaux lui-même, le modérateur général de la communauté réélu le 20 avril pour un troisième et dernier mandat« C’est tout à fait sain de la part de la communauté Saint-Martin de demander un regard extérieur sur leur manière de vivre, de former, d’exercer les ministères dans les différents diocèses », souligne encore notre informateur.

Du côté de Saint-Martin, on confirme également qu’il s’agit bien d’une « visite normale » comme il y en a régulièrement et non d’une visite apostolique ou canonique. « En mars, j’ai apporté mon bilan aux autorités à Rome dont nous dépendons, explique Don Paul Préaux à Libération. Et j’ai demandé par deux fois que nous ayons cette visite pastorale. C’est important qu’une évaluation soit faite par des personnes extérieures à la communauté afin de vérifier que nous nous situons bien dans l’esprit de l’Eglise. » Contactée par Famille chrétienne, la communauté ne souhaite pas réagir davantage à l’article de Libération.

La visite confiée à deux évêques

La visite aurait été confiée à Mgr Benoît Bertrand, évêque de Mende (Lozère). « L’objectif est de permettre à la communauté Saint-Martin de s’insérer au mieux dans l’Eglise catholique en France», explique le prélat à Libération. Il sera épaulé par Mgr André Marceau, ancien évêque de Nice à la retraite depuis peu. « Ce ne sont pas deux évêques connus pour être des pro-Saint-Martin », rapporte le quotidien multipliant au passage les piques à l’encontre de la communauté.

Une femme devrait également se joindre à l’équipe, la provinciale pour la France des religieuses de l’Assomption, Anne Descours. « Cela risque de bousculer un peu les Saint-Martin qui ne sont pas de grands promoteurs de la place des femmes dans l’Eglise catholique, tacle encore le quotidien. A Evron (Mayenne), le siège de la communauté et du séminaire de formation se résume à un monde clos composé exclusivement d’hommes. »

Aucun lien avec les abus sexuels

Libération précise tout de même que « la mission d’inspection du Vatican n’aurait a priori pas été déclenchée par des signalements d’affaires de violences sexuelles au sein de la communauté Saint-Martin », contrairement à ce que pourrait laisser penser le contexte de crise des abus sexuels dans l’Eglise« Il n’y a pas de problème derrière, confirme l’informateur romain à Famille Chrétienne, mais il est certain que lorsqu’une communauté se développe elle a envie de faire cela correctement, de sorte à grandir de la manière qui soit la plus heureuse possible ».

Comment expliquer une telle charge de Libération si la visite s’avère en réalité aussi banale ?  Depuis des mois, le quotidien a la communauté  Saint-Martin dans le viseur. Surtout depuis sa sollicitation par Mgr Laurent Le Boul’ch pour une installation au Mont Saint-Michel.

L’article pointe du doigt une communauté « ultraconservatrice », qui « tente de ressusciter un catholicisme suranné et très identitaire avec des prêtres en soutane, célébrant généralement la messe en latin » et « déploie son influence sur le catholicisme français qui fait face à une crise sans précédent de recrutement de prêtres ». Comptant 168 membres et une centaine de séminaristes, elle est le premier vivier d’ordinations diaconales et sacerdotales, avec le nombre particulièrement impressionnant de 26 prêtres ordonnés sur 130 en France l’an dernier.

A priori, la visite devrait commencer dans les prochaines semaines et durer au moins six mois. Pas sûr qu’elle fasse autant de bruit que ce que Libération prévoit.

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