La domination de la volonté sur l’être
À présent, ignorant l’âme et la dignité inhérente de chaque vie humaine prénatale, et même l’individualité de l’être conçu et porté, le discours sur l’avortement se réduit souvent à une affirmation unilatérale de la volonté individuelle, comme en témoignent l’expression « un enfant si je veux, quand je veux », et les slogans de la campagne gouvernementale de 2015 : « Mon corps m’appartient », « IVG, mon corps, mon choix, mon droit ». Une telle campagne ne vise pas la prévention de l’avortement, mais bien plus sa promotion, comme s’il n’était pas un mal à éviter, mais une liberté, un bien à posséder. Dans quel but ?
Promouvoir l’avortement comme une liberté exprime un choix philosophique fondamental : celui de la domination de la volonté sur l’être, choix qui s’avère être le fondement de la postmodernité. Ce choix dépasse, par ses enjeux, la question de la régulation des naissances.
La pratique légale et massive de l’avortement transforme le rapport de notre société à la vie humaine : elle la désacralise et dénature la procréation ; elle libèrerait ainsi l’homme de son respect superstitieux envers la nature. L’avortement ouvre alors la voie à la maîtrise rationnelle de la vie humaine considérée comme un matériau ; l’humanité accroît sa faculté de se façonner elle-même, elle est davantage « maitre et possesseur de la nature » dans le prolongement du projet cartésien. Pierre Simon, le principal artisan de la libéralisation de la contraception et de l’avortement en France, déclarait en 1979 : « La vie comme matériau, tel est le principe de notre lutte », « il nous appartient de le gérer », « comme un patrimoine »[1].
En brisant, par l’avortement, l’icône du respect de la vie, la société accède à une « liberté » nouvelle : à la liberté scientifique qui conduit à la maîtrise de la procréation et de la vie, mais aussi à la liberté sexuelle qui est facilitée par la contraception, mais garantie par l’avortement. Point alors de « libertés » scientifique et sexuelle sans avortement.
L’avortement condamne la société au matérialisme en nous interdisant d’envisager, sous peine de nous condamner nous-mêmes, que l’être humain ait une individualité et une âme, dès avant la naissance, indépendamment de son état de conscience. Cette condamnation au matérialisme est aussi perçue comme une libération qui ne sera complète que lorsque l’avortement sera totalement accepté, si cela pouvait être. Ainsi s’explique le refus d’entendre la souffrance des femmes confrontées à l’avortement et la volonté de banaliser cet acte.
La négation du corps au profit de l’esprit
L’avortement est aussi devenue un dogme car, en libérant la sexualité de la procréation et la femme de la « servitude de la maternité » (Margaret Sanger, fondatrice du Planning familial), cette transgression émanciperait l’humanité de l’instinct sexuel et reproductif et l’élèverait au-dessus de ce qui reste de son animalité. Ainsi, l’humanité progresserait dans le processus d’évolution qui mène de la matière à l’esprit.
L’avortement serait aussi nécessaire en ce qu’il réduit en plus grande proportion la descendance des femmes les plus pauvres, des populations les moins « évoluées » : il conserverait la vertu sociale de juguler la misère à la source. Bien avant d’être porté par le discours féministe, le matérialisme, le malthusianisme puis l’eugénisme ont été les premiers promoteurs de l’avortement.
Ainsi, le véritable objet du « birth control » n’est pas tant la planification des naissances que la prise de contrôle rationnel de l’instinct sexuel, de la procréation et de la vie, comme vecteur de progrès de l’humanité.
Par contraste, les opposants à l’avortement ne seraient que des idolâtres de la vie et des ennemis du progrès, car ils n’auraient pas admis que la vie n’est que matière, tandis que la conscience est esprit, le propre de l’homme et son seul bien véritable.
Cette conception du progrès résulte d’une mise en opposition du corps et de l’esprit. Cette dialectique, profondément ancrée dans l’imaginaire humain, est destructrice de l’unité humaine : la volonté ne peut pas, sans souffrance, se retourner contre son propre corps, ni s’élever contre lui. Affirmer « l’IVG est ma liberté » revient à s’imposer une mutilation ; mais celle-ci, pas plus que les piercings et les tatouages, ne parvient à spiritualiser le corps.
Cette négation du corps au profit de l’esprit est l’aspiration angélique, antique et manichéenne ; elle a une dimension métaphysique.
Cette négation du corps au profit de l’esprit, le Christ y a répondu en s’incarnant. En se faisant chair, le Verbe, l’esprit de Dieu, a élevé le corps à une dignité qui dépasse tout ce que l’homme peut atteindre par ses propres forces. Chaque fois que l’Eucharistie est consacrée, la matière la plus ordinaire est élevée à la plus haute dignité ; chaque fois qu’une femme et un homme communient à l’Eucharistie, chaque fois qu’ils s’unissent et transmettent la vie, ils participent à l’unité vitale des personnes divines dans la Trinité.
Ainsi parle Yahvé « je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance » (Deutéronome 30, 19).
[1] Pierre Simon, De la vie avant toute chose, éd. Mazarine, Paris, 1979.
Commentaires
CITATION : "Promouvoir l’avortement comme une liberté exprime un choix philosophique fondamental : celui de la domination de la volonté sur l’être, choix qui s’avère être le fondement de la postmodernité. Ce choix dépasse, par ses enjeux, la question de la régulation des naissances."
Métaphysique 27 ─ Est-ce que le bébé est une personne humaine (53 mn).
https://youtu.be/NFl8nqCPk68
La définition des embryons au plan métaphysique depuis les lois sur l’avortement : « Il n’est une personne que si sa mère le désire ». Les effets prévisibles de cette métaphysique et la mise en danger de la vie des petits non désirés.
Analyse métaphysique de la personne du point de vue de la substance et de son développement. La personne se définit-elle par la « relation » aux autres ?
Approche de théologie catholique : Qu’en dit la foi catholique ? Le moment de la création de l’âme.
Écrit par : Arnaud Dumouch | 30/06/2022
C'est ainsi que dans nombre de mêmes cliniques, vous avez un service "obstétrique" avec des propositions de préparation à la naissance dès le début de la grossesse (haptonomie, gestes et attitudes qui font du bien à l'enfant à naitre, etc etc, ET quelques étages plus haut ou plus bas, la gynécologie où d'autres femmes enceintes attendent d'être délivrées de leur fardeau comme on attendrait d'être vermifugé pour faire partir un ténia.
Les incohérences de ce monde le rendront psychotique.
J'en ai de plus en plus la certitude.
Écrit par : Anne-Christine R | 01/07/2022