Le pape et l'avortement : quelque chose ne colle pas (14/07/2022)

De Riccardo Cascioli sur la Nuova Bussola Quotidiana :

Le pape et l'avortement, quelque chose ne colle pas

14-07-2022

Les interviews du pape François sortent désormais en flux continu, un phénomène dommageable pour l'Église. Il convient toutefois de noter son attitude étrange à l'égard de l'avortement : très sévère pour condamner cette pratique, extrêmement douce pour en tirer les conséquences.

Franchement, les interviews du pape François ne suffisent pas. Ils sortent tout le temps maintenant. Rien qu'au cours de ces derniers jours, nous en avons eu trois tonnes : l'une avec l'agence argentine Telam, puis avec l'agence britannique Reuters (publiée en plusieurs fois), et enfin avec le radiodiffuseur mexicain Televisa/Univision. En bref, il ne se passe guère de jour sans que l'on doive discuter de telle ou telle sortie du pape François. Un fleuve de paroles qui déferle : des concepts qu'il répète depuis des années déjà ; quelques opinions improvisées sur la situation politique mondiale - souvent discutables sinon embarrassantes, comme ses mots doux à Televisa à l'égard du régime cubain - ; quelques jugements ecclésiaux ou moraux, qui génèrent parfois différentes interprétations et controverses.

Même les fans les plus extrémistes du pape devraient se rendre compte qu'il s'agit d'interviews qui, au-delà de leur contenu, sont en fin de compte préjudiciables à l'Église et à l'institution de la papauté. Parce que de cette façon, l'autorité du Pape est diminuée, réduite au rang d'un simple expert (il y a des années, il y avait déjà la blague sur le monsieur qui demandait "A-t-il dit quelque chose sur la campagne d'achat de Roma ?"). Mais surtout, elle génère chez les fidèles - et non pas chez eux - une confusion entre ce qui relève de l'opinion personnelle (légitime, mais discutable) et ce qui relève au contraire de l'enseignement de l'Église, qui devrait être la seule véritable préoccupation du Pape.

Il serait donc bon qu'il arrête ces interviews et, s'il ne le peut vraiment pas, que les journalistes comprennent au moins qu'il n'est pas commode pour eux non plus de vendre un "produit" aussi gonflé.

Cela dit, malgré toute son importance, il faut au moins noter l'attitude étrange du pape à l'égard de l'avortement. D'une part, il est très radical dans son jugement : dans l'interview à Reuters, il a répété un concept déjà exprimé dans le passé, "c'est comme engager un tueur à gages" ; et ensuite : "Est-il licite, est-il juste d'éliminer une vie humaine pour résoudre un problème ?". Mais dans la même interview, il reste neutre par rapport à l'arrêt de la Cour suprême qui a nié le droit à l'avortement : le pape dit qu'il "respecte l'arrêt" mais ne peut pas entrer dans les questions technico-juridiques. Une réponse "diplomatique" incompréhensible, étant donné qu'il n'y a rien de difficile à comprendre dans le sens de l'arrêt. Puis, pire encore, il lance une torpille contre l'évêque de San Francisco, Monseigneur Cordileone, qui - en accord avec le Catéchisme et le Code de droit canonique - a décidé de refuser la communion à la leader démocrate Nancy Pelosi pour son soutien ouvert à l'avortement : " Quand l'Église perd sa nature pastorale, quand un évêque perd sa nature pastorale, cela crée un problème politique ", a déclaré le pape. Et quelques jours plus tôt, il avait ouvertement désavoué Monseigneur Cordileone, accueillant Pelosi au Vatican et la laissant communier à la messe de Saint-Pierre que le pape lui-même avait commencé à célébrer (au milieu de la messe, il a demandé à un cardinal de poursuivre la célébration).

Cependant, face à l'escalade de la guerre contre l'avortement aux États-Unis que le président Biden lui-même encourage, le pape est revenu sur le sujet dans son interview à Televisa, expliquant que, en tant que catholique, Biden est "incohérent" dans son soutien à l'avortement, mais qu'il s'en remet à "sa conscience" : "Parlez de cette incohérence à votre évêque, à votre pasteur, à votre curé".

La question qui se pose est la suivante : si Biden, au lieu de déclarer la guerre aux enfants à naître, signait un décret ordonnant à la patrouille frontalière de tirer sur les immigrants illégaux entrant aux États-Unis depuis le Mexique, le pape dirait-il encore que Biden est incohérent, mais le laisserait-il faire avec sa conscience ? Ou bien lancerait-il le tonnerre et la foudre ? Rappelons que pour beaucoup moins, sur les politiques migratoires, en février 2016, le pape François avait qualifié le président américain de l'époque, Donald Trump, de "non-chrétien".

C'est ce double standard sur l'avortement qui laisse perplexe et, en fin de compte, soulève des doutes sur la pensée réelle du Pape en la matière : on dirait presque que d'un côté il fait plaisir aux pro-vie en prononçant des mots très lourds contre l'avortement (parfois même exagérés), mais qu'ensuite il utilise cela pour avoir une approche pastorale très douce, à la limite de la complicité.
Le problème posé par Mgr Cordileone et d'autres évêques n'est pas du tout politique : si l'avortement est un péché très grave, comme l'affirme également le pape François, ceux qui communient sans s'être d'abord repentis, réconciliés avec Dieu et avoir changé de comportement, "mangent et boivent leur propre condamnation", selon saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens. C'est une question de vie éternelle. Le pape est-il vraiment indifférent à la condamnation éternelle de Biden et Pelosi ? Ou est-ce Saint Paul qui a tort ?

De plus, la question est beaucoup plus large et concerne tout le monde : s'il est permis de recevoir la communion avec un péché public aussi grave, alors il est permis à toute personne en état de péché mortel, pour autant qu'elle se sente en accord avec sa conscience. Pourquoi devrait-il en être autrement pour ceux qui blasphèment, volent, trompent leur conjoint, tuent leurs parents, vendent de la drogue ou incitent à le faire ?

Ici, la politique n'a rien à voir, la vraie question est d'abord la signification de l'Eucharistie, si oui ou non elle est vraiment la présence réelle de Jésus, avec tout ce que cela implique. Et si, par ailleurs, on est convaincu de ce qu'est l'Eucharistie, le problème devient le véritable jugement sur l'avortement : est-ce vraiment ce meurtre horrible, ou pense-t-on que, finalement, ce n'est pas si grave ?

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