Synodalité, liturgie et souverains poncifs (05/08/2022)

D'Antonio Spadaro sur Avvenire.it :

Le Pape : J'ai vu les évêques unis et familiers entre eux et avec les autochtones.

4 août 2022

Dans Civiltà Cattolica, le père Spadaro raconte la rencontre de Bergoglio avec les jésuites au Québec. Du véritable sens du chemin synodal de l'Église à la liturgie, des abus à la moralité

Dans le nouveau numéro "double" (numéros 4131-4132) de la revue "La Civiltà Cattolica", le directeur, le Père Antonio Spadaro, raconte le dialogue du Pape avec ses confrères jésuites lors de son récent voyage au Canada. La réunion s'est déroulée selon le format questions-réponses. Voici des extraits de l'article publié dans "La Civiltà Cattolica".

Nous sommes le 29 juillet, le dernier jour du voyage apostolique du pape François au Canada. L'étape au Québec est sur le point de se terminer et celle d'Iqaluit, dans le Nord, où la rencontre avec les Inuits doit commencer. L'entretien avec les jésuites est prévu pour 9 heures, mais le pape entre dans le hall du palais archiépiscopal avec un quart d'heure d'avance. Sont présents 15 jésuites de la province canadienne, qui couvre le pays et Haïti. La Congrégation provinciale, prévue depuis un certain temps, est en cours, et le Père provincial est donc absent. Après les premières salutations spontanées dès l'entrée du Pape, le Père Marc Rizzetto, de la communauté de Québec, a adressé un accueil cordial à François au nom des personnes présentes et des plus de 200 jésuites de la Province. (...) À la fin, il offre au pape un cadeau : la photo d'un papillon, que le pape admire, tout en faisant une blague : "Voir cette belle photo me fait douter". Il est si beau qu'il pourrait être un piège des Jésuites. Je ne sais pas si c'est un papillon ou une chauve-souris !". Et il provoque ainsi l'hilarité des personnes présentes (...).

Saint Père, nous sommes dans un processus de réconciliation qui n'est pas terminé. Nous sommes en voyage. Quelles sont les consolations de votre pèlerinage ?

(...) Vous voyez, le plus important est précisément le fait que l'épiscopat a accepté, a relevé le défi et est allé de l'avant. Celui-ci du Canada était un exemple d'épiscopat uni. Et lorsqu'un épiscopat est uni, il peut alors bien faire face aux défis. Je témoigne de ce que j'ai vu. Je tiens donc à le souligner : si tout va bien, ce n'est pas à cause de ma visite. Je suis juste la cerise sur le gâteau. Ce sont les évêques qui ont tout fait avec leur unité. Il est alors bon de signaler humblement que la partie autochtone est vraiment capable de bien traiter la question et de s'engager. En bref, ce sont les miracles qui peuvent se produire lorsque l'Église est unie. Et j'ai constaté une certaine familiarité entre les évêques et les autochtones. Bien sûr, il ne faut pas se le cacher, il y a des gens qui travaillent contre la guérison et la réconciliation, dans la société comme dans l'Église. Même ce soir, j'ai vu un petit groupe traditionaliste protester, et dire que l'église est autre chose... Mais cela fait partie des choses. Je sais seulement que l'un des pires ennemis de l'unité de l'Église et des épiscopats est l'idéologie. Poursuivons donc ce processus sur la route. J'ai aimé la devise du voyage, qui le dit clairement : Marcher ensemble. Marchez, mais ensemble. Vous connaissez le dicton : "Si vous voulez aller vite, allez-y seul, si vous voulez aller en sécurité, allez-y accompagné".

Vous parlez de pèlerinage, de réconciliation et d'écoute. Tout cela façonne-t-il votre vision synodale de l'Église ? C'est de ça que vous parlez ?

Ecoutez, cela me dérange que l'adjectif "synodal" soit utilisé comme si c'était la recette de dernière minute pour l'Eglise. Quand on dit " Église synodale ", l'expression est redondante : l'Église est synodale ou n'est pas Église. C'est pourquoi nous sommes venus à un Synode sur la synodalité (...). Il me semble fondamental de répéter, comme je le fais souvent, que le synode n'est pas une réunion politique ni une commission de décisions parlementaires. C'est l'expression de l'Église dont le protagoniste est l'Esprit Saint. S'il n'y a pas de Saint-Esprit, il n'y a pas non plus de synode. Il peut y avoir une démocratie, un parlement, un débat, mais il n'y a pas de "synode". Si vous voulez lire le meilleur livre sur la théologie synodale, relisez les Actes des Apôtres. On peut y voir clairement que le protagoniste est le Saint-Esprit. C'est ce qui est expérimenté dans le synode : l'action de l'Esprit. La dynamique du discernement se produit. On fait l'expérience, par exemple, que parfois on va vite avec une idée, on se dispute, et puis il se passe quelque chose qui ramène les choses ensemble, qui les harmonise de manière créative. C'est pourquoi j'aime préciser que le synode n'est pas un vote, une confrontation dialectique d'une majorité et d'une minorité. Le risque est aussi de perdre la vue d'ensemble, le sens des choses. C'est ce qui s'est produit avec la réduction des thèmes du synode à une question particulière. Le synode sur la famille, par exemple. Elle aurait été organisée pour donner la communion aux divorcés remariés. Mais dans l'Exhortation post-synodale sur ce thème, il n'y a qu'une seule note car tout le reste est constitué de réflexions sur le thème de la famille, comme par exemple sur le catéchuménat familial. Il y a donc tellement de richesse : on ne peut pas se concentrer dans l'entonnoir d'une seule question. Je le répète : si l'Église est telle, alors elle est synodale. Il en est ainsi depuis le début (...).

En parlant d'abus. Je m'occupe du droit canon. Vous avez effectué de nombreux changements. Certains vous appellent le Pape des changements. Vous avez également apporté des changements au niveau pénal, précisément en ce qui concerne les abus, et ils ont été bénéfiques pour l'Église. J'aimerais savoir comment vous voyez l'évolution des choses à ce jour et si vous prévoyez d'autres changements à l'avenir.
Oui, je le fais. Il a été constaté que des changements devaient être apportés, et ils l'ont été. Law ne peut pas être conservé dans un réfrigérateur. Le droit accompagne la vie et la vie continue. Comme la moralité : elle est en cours de perfectionnement. Avant, l'esclavage était légal, maintenant il ne l'est plus. L'Église a déclaré aujourd'hui que même la possession de l'arme atomique est immorale, et pas seulement son utilisation. Avant, cela n'était pas dit (...). La vision de la doctrine de l'Église comme un monolithe à défendre sans nuance est erronée. C'est pourquoi il est important de respecter la tradition, la tradition authentique. Quelqu'un a dit que la tradition est la mémoire vivante des croyants. Le traditionalisme, quant à lui, est la vie morte de nos croyants (...). Il faut prendre l'origine comme une référence, et non une expérience historique particulière prise comme un modèle perpétuel, comme s'il fallait s'arrêter là. "Hier, on faisait comme ça" devient "on a toujours fait comme ça". Mais c'est le paganisme de la pensée ! Et ce que j'ai dit s'applique également aux questions juridiques, au droit (...).

Je voudrais vous poser une question sur la liturgie et l'unité de l'Église. Je suis étudiant en liturgie et j'aimerais savoir quelle est l'importance de cette étude dans la formation. Je fais également référence à notre travail pastoral en tant que Jésuites.
Lorsqu'il y a conflit, la liturgie est toujours malmenée. En Amérique latine, il y a trente ans, il y avait des déformations liturgiques monstrueuses. Puis ils sont tombés du côté opposé avec l'intoxication "indietrist" des anciens. Une division a été établie dans l'Église. Mon action dans ce domaine a visé à suivre la ligne adoptée par Jean-Paul II et Benoît XVI, qui avaient admis l'ancien rite et avaient demandé une vérification ultérieure. La vérification la plus récente a mis en évidence la nécessité de discipliner la question, et surtout d'éviter qu'elle ne devienne une question de "mode", comme on dit, et qu'elle reste une question pastorale. Puis viendront les études qui affineront la réflexion sur la question qui importe : la liturgie est la louange publique du peuple de Dieu !

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