Lorsque la vie bascule... Une fiction de Jean-Pierre Snyers (31/08/2022)

Lorsque la vie bascule...

Une fiction de Jean-Pierre Snyers :

Tout s'est passé très vite. Il n'aura fallu que quelques minutes pour que sa vie bascule. A 15 heures, il fumait tranquillement sa pipe, à 15 heures 10, il était menotté. Pourquoi? Il ne le savait pas. La seule raison donnée par les policiers fut qu'ils agissaient sur ordre du Parquet. Embarqué dans leur fourgon, il cherchait à comprendre de quel crime il était responsable. Certes, il était particulier et certes aussi, il avait ses idées (très souvent opposées à celles des médias), mais il ne se doutait pas qu'un jour, celles-ci le conduiraient entre quatre murs. Quoique... En regardant dans le rétroviseur du temps qui passe, il savait que le monde qui était devenu le sien aujourd'hui, ne ressemblait plus à celui qu'il connaissait dans sa jeunesse. Pas à pas mais sûrement, une espèce de police de la pensée s'était installée et, sous peine d'être muselé, inquiété, rejeté, on ne pouvait plus dire ce qu'on avait la liberté d'affirmer il y a quelques décennies. 
 
De nature tourmentée et souvent pessimiste, dans le véhicule entièrement automatisé et guidé par les ondes qui l'emmenait, il scruptait le paysage de glace et de neige qui s'offrait à ses yeux. En effet, suite au changement climatique sous nos latitudes, les courants chauds du Gulf stream ayant quasiment cessé d'exister, la période hivernale était devenue similaire à celle qui caractérisait la Suède 25 ans plus tôt. Fort heureusement, nos forestiers avaient été prévoyants et c'est ainsi qu'ils avaient planté en abondance des pins sylvestre et des épicéas de Serbie, capables de résister à la fois à des étés secs et torrides et à un froid scandinave. Quant à ceux qui avaient misé sur les châtaigniers, les chênes, les frênes, les ormes, les noyers, les tilleuls, voire même sur des essences méditerranéennes, inutile de préciser que leurs plantations ressemblaient à de grands cimetières.

Finalement, après plus d'une heure de trajet, il arrive à destination dans un quartier où il entend l'appel à la prière en haut d'un minaret.  Conduit dans la pièce d'un bâtiment où l'attend le substitut du procureur, il voit immédiatement celui-ci froncer les sourcils et l'entend dire d'une voix grave et peu amène: "Monsieur, asseyez-vous!... De nombreuses sources  convergentes nous indiquent on ne peut plus clairement que vous êtes un rebelle, un citoyen hostile à de nombreuses lois qui régissent notre société. C'est intolérable!   Je n'ai pas à vous apprendre que vous avez déjà reçu plusieurs avertissements de notre part. Suite à ceux-ci, non seulement vous ne réagissez pas mais vous continuez de plus belle à essayer de proférer vos idées nauséabondes à l'encontre de notre pays et même du monde en général. Où vous croyez-vous? Pour qui vous prenez-vous? Pour quelqu'un qui aurait le droit de se mettre en travers des obligations que doivent respecter tous ceux qui vivent dans notre Etat?"

Excusez-moi, Monsieur le Substitut: pourriez-vous me citer quelques uns de mes propos qui me valent d'être accusé? "En voici un pour commencer. Vous vous déclarez catholique, fidèle à la Tradition de l'Eglise et en plus, vous tenez à le faire savoir.  Dans quel siècle vivez-vous, Monsieur? Non seulement Benoît XVI fut le dernier pape qui la respectait, mais depuis lors, tous ses sucesseurs, l'ont évacuée. Et cela, définitivement.  L'actuel François IV dit à présent clairement que les dogmes, le Credo, les miracles et même la résurrection du Christ sont des inventions humaines et que la messe est désormais une assemblée composée d'hommes et de femmes, (dont beaucoup d'hommes devenus femmes ou de femmes devenues hommes), au service non plus d'un Dieu représenté par un christianisme qui a fait son temps, mais au service d'un royaume terrestre voulu aussi par notre société", Et cela, vous ne voulez pas l'entendre! Et, non seulement vous ne l'entendez pas, mais vous oser clamer ce que vous pensez, partout autour de vous! Réalisez-vous que vous êtes nuisible, que vos discours moyenâgeux sont préjudiciables, insupportables et condamnables par la Justice? J'ajoute que nous vivons actuellement dans un monde composé majoritairement d'athées (dont je suis) et de musulmans et que donc, votre littérature est totalement irrespectueuse de ces derniers et de ces premiers".  Monsieur le Substitut: à propos de l'athésime; croyez-vous qu'un meuble puisse fabriquer un menuisier? "Vous me prenez pour un imbécile?" Non, mais si vous ne pensez pas qu'à la base de tout, qu'à la base de l'univers, il existe depuis toujours un Etre qui EST la Vie, la Pensée et la Conscience d'être, et qui étant cela, peut seul permettre aux créatures dont nous sommes, d'avoir DE la vie, DE la pensée et De la conscience d'être, n'êtes-vous pas contraint de croire qu'un meuble peut fabriquer un menuisier?  "Je ne vous ai pas autorisé à parler! Passons au point suivant!...,

Deuxième infraction. Vous contestez par la parole et par vos lamentables écrits, la loi qui veut que les femmes puissent avorter jusqu'à l'accouchement (et au-delà de ce délai dans certaines situations). Et du droit de disposer de leur corps, vous en faites quoi?" Disons que si cette loi avait existé au temps de nos ancêtres, vous ne seriez peut-être pas né..." Taisez-vous! Je reprends. Et la majorité sexuelle accordée à des jeunes de 11 ans, ça ne vous convient pas non plus? Sachez, monsieur, que dans les années à venir,  grâce à de nombreux députés progressites, celle-ci sera autorisée dès l'âge de 8 ou 9 ans! N'est-ce pas là une manière efficace pour réduire le nombre de pédophiles?" Heu...A ce tarif-là, dès l'âge du berceau, ce ne serait-ce pas encore mieux? "Ca suffit! Bouclez-là avant que je ne vous boucle pour longtemps en cellule!"

"Troisième grief! Au temps déjà lointain où, hélas, la presse vous permettait de vous exprimer, vous avez notamment manifesté votre hostilité à l'égard des sanctions occidentales à l'encontre de la Russie. Vous estimiez que celles-ci contribaient gravement à la chute du pouvoir d'achat des citoyens européens (hausse des prix alimentaires, de ceux qui pétrole et du gaz, de l'électricité, etc, etc..). Refusez vous d'admettre que ces sanctions et les armements envoyés étaient aussi nécessaires que les frappes de l'Otan en Syrie, en Irak, en Serbie ou encore en Libye? Croyez-vous naïvement que des intérêts financiers aient en partie motivé ces frappes? De même, pensez-vous tout aussi naïvement que nos voitures exclusivement électriques, la multiplication générale sur tout notre territoire des éoliennes, ou les panneaux photovoltaïques devenus obligatoires sur chaque habitation, soient dans l'intérêt de lobbys ou de multinationales qui se consacrent généreusement à rendre notre planète plus verte?  Bon, il est certain que nos portefeuilles sont amincis depuis près de trois décennies, mais, comme le disent les Ecolos (et avec eux Greta Thunberg bientôt à l'âge de la retraite), mieux vaut protéger les orchidées que les enfants à naitre, non? "Ca suffit! Et de surcroît, comble de votre langage délirant, vous êtes à la fois raciste et islamophe!" Mais, Monsieur le Substitut, retrouvons le sens des mots! Sachant que le racisme est, contrairement à ce que je pense, le fait de prétendre que sa race est supérieure à toute les autres, et que le mot "islamophe" désigne la peur (et non la haine) qu'on peut ressentir à l'égard de l'Islam, que pourrait-on me reprocher? De même, quelqu'un qui a la phobie des chiens ne signifiant pas qu'il les déteste mais simplement qu'il en a peur serait-il condamnable?" Stop! Maintenant, fin de l'entretien! " Excusez-moi, je ne pourrais pas..."  Assez! taisez-vous une bonne fois pour toutes! Vous avez eu largement le temps de vous exprimer au cours de cette conversation! A présent, signez cette déclaration stipulant que vous jurez devant le peuple et ses plus hauts responsables, que vous abjurez vos erreurs préjudiciables et que vous vous engagez désormais à souscrire de "A" à "Z" aux lois exemplaires de notre pays"! Non, je ne signerai pas! "Vous ne signerez pas?... Tant pis pour vous!...Permettez, je passe un coup de fil. Allo, l'asile psychiatrique de la liberté? J'ai un patient pour vous. Non, non, pas pour deux semaines, pour dix ans fermes avec un isolement complet! Vous venez le prendre tout de suite? Très bien, il est toujours menotté au radiateur, je vous attends"...

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