Un célibat sacerdotal optionnel ? L'avis du Père Delhez (18/09/2022)

Du journal La Croix :

« C’est parce que je crois à la beauté du célibat qu’il doit devenir libre ! »

Interrogé dans le documentaire d’Arte sur le célibat des prêtres, le père Charles Delhez regrette qu’il développe une thèse à sens unique, « il faut renoncer à l’obligation du célibat pour les prêtres », en omettant la proposition longuement formulée au cours de l’entretien d’un « double clergé », célibataire et marié.

16/09/2022

Beaucoup de personnes ont pu voir, ce mardi 13 septembre, l’émission d’Arte intitulée « Le célibat des prêtres, calvaire de l’Église catholique ». En vue de celle-ci, j’ai été longuement interviewé par les journalistes. Selon les lois du genre, quelques minutes seulement ont été reprises. L’envie me brûle de mettre un peu plus de nuances, car le contexte dans lequel j’apparais me semble quelque peu réducteur de ma pensée.

Manifestement, en effet, cette émission développe une thèse : il faut renoncer à l’obligation du célibat pour les prêtres. Cela fait longtemps que je soutiens l’idée de retrouver, comme aux origines et dans les Églises orientales, un « double clergé », l’un marié et l’autre célibataire. Mais je soutiens tout autant la beauté du célibat, et sa convenance avec le « ministère presbytéral » – tel est le mot exact. Dans cette émission, pratiquement rien n’est dit à ce propos.

Dossier à charge

Un dossier à charge, donc. Et les réalisateurs n’y vont pas de main morte. La majorité des personnes interviewées mènent une double vie. Des prêtres vivent en couples, ou bien ont quitté l’état clérical tout en continuant à exercer leur ministère, ou bien encore ont des enfants, cachés ou assumés. L’Église apparaît systématiquement hypocrite… Certains choisissent une autre confession chrétienne pour pouvoir être prêtres mariés. De l’invention que tout cela ? Absolument pas. C’est une réalité, mais est-ce la seule ? N’y aurait-il donc aucun prêtre célibataire heureux, vivant son célibat dans la fidélité, ce qui ne signifie pas sans combat à mener ou sans manquements ?CHAQUE MATIN

Toute institution avance à coups de transgressions – réfléchies ou non – qui se répètent. La question est de savoir jusqu’où on peut aller sans que cela devienne une rupture. Actuellement, les autorités ferment les yeux. N’est-il pas urgent qu’une décision soit prise au niveau institutionnel afin d’éviter un schisme ? Ne pourrait-on pas anticiper ? Il ne faudrait pas que ce soit dans l’urgence que le changement advienne.

Célibat à option

Depuis longtemps, je souhaite que le célibat soit à option, mais je fais un lien avec un reformatage de l’Église elle-même. Notre société a changé, l’Église est devenue minoritaire et on revient progressivement aux « maisonnées » des premiers siècles, à des communautés de plus petite taille qui, au nom du Christ et de l’Évangile, se rassemblent. Ces communautés doivent pouvoir poser ce geste essentiel pour les chrétiens : la fraction du pain en mémoire du Christ mort et ressuscité. Il faut aussi qu’elles soient « présidées » et que cette présidence soit reconnue par les autres communautés, l’évêque étant chargé de veiller à leur unité.

Cette évolution aura des conséquences, bien sûr, sur le style de prêtres dont nous aurons besoin. La manière de fonctionner de l’Église de Corinthe fondée par saint Paul, avec ses anciens qui veillaient sur elles tandis que l’apôtre faisait le lien avec les autres communautés, peut servir de modèle.

La vocation au célibat est le propre de la vie religieuse (les pères, les frères, les sœurs). Il fut un temps où tout moine un peu instruit devait être ordonné prêtre, comme si c’était un grade supérieur. Or, la vie religieuse a son sens en elle-même, indépendamment du sacerdoce. Ne faut-il pas aussi retrouver un presbytérat indépendant du célibat tout en reconnaissant que ces deux vocations peuvent aussi aller de pair ? Bref, c’est parce que je crois à la beauté du célibat qu’il doit devenir libre !

Le père Charles Delhez vient de publier Église catholique. Renaître ou disparaître aux Éditions jésuites. Préfacé par Christine Pedotti.

09:05 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |