La Belgique : le pays où l'on planifie sa mort (22/09/2022)

De Pierre Jova sur le site de l'hebdomadaire La Vie :

Euthanasie : Belgique, le pays où l’on planifie sa mort

Vingt ans après sa dépénalisation, l’euthanasie est entrée dans les mœurs du royaume. Ses conditions sans cesse étendues, malgré des critiques persistantes, ont bouleversé la société dans son rapport à la fin de vie. Enquête

21/09/2022

Un matin de septembre 2017, Amélie, 76 ans, habitant près de Liège, dans l’est de la Belgique, reçoit un faire-part dans sa boîte aux lettres. Pas d’annonce d’une naissance ou d’un mariage, mais de l’euthanasie de son beau-frère et de sa belle-sœur, le même jour à Knokke-le-Zoute, au bord de la mer du Nord. « Nous avons pris la décision de partir ensemble », lit-elle sur la carte, en français et en néerlandais. « Quinze jours avant, nous étions chez eux, sans qu’ils nous disent rien !, s’émeut-elle. Mon beau-frère avait des problèmes de dos. Ma belle-sœur avait aussi une mauvaise santé. Ils avaient nonante (90, ndlr) et nonante-deux ans. »

En y repensant, Amélie oscille entre colère et fatalisme. « Se tuer soi-même, c’est un crime ! Mon mari en a beaucoup souffert… Mais il y a tellement de gens qui le font que ça devient normal. »

Depuis 20 ans, la Belgique a dépénalisé l’euthanasie : un exemple grandeur nature offert aux législateurs français, tentés de dupliquer le « modèle belge » vanté par Emmanuel Macron lors de sa réélection de 2022. A contrario, les opposants à l’euthanasie y voient un pays en proie à des dérives incontrôlables.

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Qu’en est-il vraiment ? À la source de la loi belge, il y a la souffrance d’innombrables foyers, réelle, indéniable. « Voir souffrir ceux qu’on aime est la plaie la plus douloureuse qui soit », nous explique la veuve d’un Liégeois atteint d’un cancer et récemment euthanasié.

Lutte culturelle traditionnelle et clivage linguistique

Il y a aussi ces médecins comme François Damas, ancien chef du service des soins intensifs de l’hôpital la Citadelle, dominant la ville de Liège. « Quand on a commencé à débattre de la fin de vie, j’ai réagi comme tous les docteurs : de quoi se mêlent-ils ? Et puis, il y a eu un événement dans le service. »

En 2000, il a pris la défense de collègues accusés d’avoir pratiqué une euthanasie, alors illégale. « Je me suis rendu compte qu'il y avait une insécurité juridique majeure nécessitant de réviser la loi », raconte François Damas, aujourd'hui membre de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), fer de lance de la dépénalisation de l’euthanasie.

Et il y a cette lutte, aussi vieille que la Belgique, entre catholiques et libéraux. Unis pour s’affranchir de la domination des Pays-Bas en 1830, les deux camps ont chacun leur « pilier » culturel : l’Université catholique de Louvain (UCL), le quotidien La Libre Belgique, la démocratie-chrétienne pour les uns ; l’Université libre de Bruxelles (ULB), fondée par la franc-maçonnerie, Le Soir, le socialisme ou la droite libérale pour les autres. Un clivage complexifié par la querelle linguistique entre Flamands et Wallons, scindant les universités et les partis à la fin des années 1960.

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Mais en 1999, les élections portent au pouvoir une coalition « arc-en-ciel », entre écologistes libéraux et socialistes, sans les chrétiens-démocrates. « Nous avons bénéficié d’une fenêtre pour voter l’euthanasie, mais aussi le mariage et l’adoption pour couples de même sexe et la PMA », énumère Jacqueline Herremans, avocate bruxelloise et présidente de l’ADMD, qui a participé en coulisses à la rédaction de la loi.

Porté au Sénat notamment par Philippe Mahoux, élu socialiste de Namur, le texte est débattu deux ans avant d’être voté à la Chambre des représentants le 16 mai 2002, faisant de la Belgique le second pays d’Europe à autoriser l’euthanasie, après les Pays-Bas en 2001. « Nous n’avions pas de comparatif, et nous étions hantés par le doute : est-ce qu’on a raison ? », se souvient la présidente de l’ADMD. Le premier malade euthanasié est Mario Verstraete, souffrant de sclérose en plaques, le 29 septembre 2002.

La loi étendue à la « souffrance psychique insupportable »

Dans les cercles catholiques, ce texte fut d’abord perçu comme la vengeance de l’ULB sur l’UCL, mais les lignes de fracture étaient en réalité plus complexes : feu le chanoine progressiste Pierre de Locht, théologien en vue, était pour l’euthanasie, tandis que Jean-Louis Vincent, professeur de soins intensifs à l’université « libre-exaministe » bruxelloise, y est toujours opposé, 20 ans plus tard.

La loi, votée simultanément avec celles sur les soins palliatifs et sur les droits des patients, permettant de refuser les traitements, consacre l’autonomie du malade, qui peut demander l’euthanasie à un médecin pour « souffrance physique ou psychique insupportable » à caractère « incurable ». Elle ne se limite donc pas aux douleurs physiques ni à la fin de vie, prévoyant un délai d’un mois pour les maladies qui ne sont pas en phase terminale. Il n’est pas nécessaire d’être Belge pour obtenir d’être euthanasié, une quarantaine de Français en 2018 et 2019 y ont eu accès.

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Pour valider la demande, le médecin doit solliciter l’opinion d’un confrère, sans qu’il soit contraignant. Un troisième avis est nécessaire pour une maladie non terminale. Depuis une révision de la loi en 2020, le médecin objecteur de conscience doit rediriger les patients vers des associations spécialisées en matière d’euthanasie, comme le forum Eol (End Of Life pour « Fin de vie »), créé par l’ADMD, et les directives anticipées d’euthanasie sont illimitées dans le temps.

« L'inverse de la mort naturelle »

Concrètement, la mort planifiée s’effectue par intraveineuse : « L’anesthésiant endort, puis un barbiturique provoque l’arrêt respiratoire. Dans la plupart des cas, cela suffit. Par précaution, on peut ajouter un curare déclenchant l’arrêt cardiaque », détaille Corinne Van Oost, ex-médecin en soins palliatifs à la clinique Saint-Pierre d’Ottignies et membre d’Eol, auteure de l’ouvrage Médecin catholique, pourquoi je pratique l’euthanasie (Presses de la Renaissance, 2014), coécrit avec notre ancienne collaboratrice Joséphine Bataille. « C’est l’inverse de la mort naturelle, où il y a arrêt cardiaque, puis arrêt respiratoire. » Ce qui n’empêche pas le praticien de cocher « mort naturelle » sur le certificat de décès, aucune case spécifique à l’euthanasie n’étant prévue.

« C’est un privilège d’accompagner le patient jusqu’au bout », estime François Damas. Lorsque nous le rencontrons à Liège, le médecin de la Citadelle vient d’accomplir cinq euthanasies en quatre jours. « C’est comme l’avortement : tout le monde est d’accord, mais personne ne veut le faire ! », remarque-t-il. Pour d’autres, le geste est difficile à accomplir. « Ils font ça en fin de semaine, pour souffler après », assure une bénévole en soins palliatifs, horrifiée par la « frénésie mortifère du vendredi soir » de son hôpital wallon.

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« L’euthanasie reprend le pouvoir sur la mort en ôtant la vie d’un être », reconnaît Corinne Van Oost, soutenue par Gabriel Ringlet, célèbre prêtre et poète, ex-vice-recteur de l’UCL, qui accepte cette transgression éthique et propose une liturgie dédiée, avec bougies et huiles parfumées : « Il y a peu, le médecin que j’accompagnais s’est mis à pleurer. Il ne pouvait plus limiter l’acte à sa seule technicité, il avait besoin de spiritualité. » Du reste, l’Église belge affiche sa clémence envers les demandeurs d’euthanasie, tout en condamnant l’acte.

Toute euthanasie est déclarée a posteriori à la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation (CFCEE), présidée depuis sa création par l’oncologue Wim Distelmans, artisan de la loi de 2002, et composée de huit médecins, dont Corinne Van Oost, quatre juristes, dont Jacqueline Herremans, et quatre personnes issues de milieux chargés de la problématique des maladies incurables. La CFCEE vérifie la conformité des déclarations, et publie des rapports sur les chiffres (voir encadré plus bas). Les trois quarts des euthanasies ont lieu en Flandre, massivement déchristianisée, prospère, individualiste… et plus transparente. Selon une étude de l’ULB néerlandophone et de l’université de Gand en 2012, 27 % des euthanasies flamandes n’étaient pas rapportées à la CFCEE, contre 42 % en Wallonie.

« Un renversement civilisationnel »

En 20 ans, l’euthanasie a créé un nouveau rapport culturel à la mort. « Souvent, le droit est en retard sur la société, ici, la loi prouve le contraire, en ayant fait évoluer les mentalités », se félicite Jacqueline Herremans. « Nous sommes de plus en plus contactés par la personne elle-même, qui organise ses obsèques en fixant la date », témoigne Jean-Philippe Altenloh, entrepreneur de pompes funèbres dans la capitale belge.

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« Les milieux catholiques n’y sont plus imperméables », abonde Olivier Bonnewijn, ex-supérieur du séminaire de Malines-Bruxelles, qui a été sollicité pour célébrer les obsèques d'une euthanasie 15 jours à l'avance. « Lors de la célébration, j’ai délicatement signalé que la défunte avait “arrêté” sa vie : certaines personnes étaient mal à l'aise, d'autres m’ont remercié pour avoir exprimé cette souffrance. »

Les mutuelles visitent les maisons de repos (Ephad) pour faire connaître l’euthanasie aux personnes âgées. « C’est un renversement civilisationnel. La mort, qui était un événement incertain, est désormais une décision programmée pour ne pas souffrir », souligne Léopold Vanbellingen, chercheur à l’Institut européen de bioéthique, groupe d’études critique de l’euthanasie. « Les promesses de 2002 ne sont pas tenues : il y a toujours des cas non déclarés, et l’exceptionnel est devenu la norme. »

À tel point que les risques de dérives inquiètent désormais plus à l’étranger qu’en Belgique. En 2012, des jumeaux anversois, sur le point de devenir aveugles, sont euthanasiés ensemble. En 2013, c’est au tour de Nathan Verhelst, transgenre, après une opération chirurgicale ratée. En 2015, Frank Van Den Bleeken, emprisonné pour meurtre, obtient la permission d’être euthanasié avant d’être finalement transféré en psychiatrie. Ces cas troublants s’évaporent dans une société façonnée, voire anesthésiée, par le compromis parlementaire.

La différence de perception culmine lors du vote de la loi autorisant l’euthanasie pour les enfants, le 13 février 2014. Défendu deux ans au Sénat par Philippe Mahoux, mais expédié en deux séances à la Chambre, le texte ajoute aux conditions l’avis d’un psychologue et l’accord des parents. L’émotion mondiale est considérable, le Congrès international des soins palliatifs pédiatriques s’insurge…

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Mais la loi est votée dans l’approbation générale, en dépit de la protestation de 160 pédiatres, et de la « carte blanche » (tribune) sarcastique du Dr Eric Sariban dans Le Soir : « Cette loi est très importante car elle concerne un grand nombre imaginaire d’enfants ». Huit ans plus tard, quatre mineurs ont été euthanasiés, dont un garçon de 9 ans atteint d’une tumeur au cerveau. « S’il n’y en avait qu’un concerné, cela justifierait de faire une loi ! », assure Philippe Mahoux.

La polémique n’est cependant jamais loin. En 2008, Marcel De Ceuleneer s’indigne de l’euthanasie de sa mère, qui n’avait aucune maladie incurable, mais dont les « polypathologies », affections liées à l’âge, ont été jugées suffisantes par la CFCEE. Depuis 2017, Tom Mortier attend l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme à propos de l’euthanasie de sa mère dépressive par Wim Distelmans, en 2012. « On oublie qu’on est dans un corps social, commente Olivier Bonnewijn. Si ma mère demande l’euthanasie, ce n’est pas son problème à elle seule, mais à moi aussi ! »

Le malaise des infirmiers et des praticiens

En outre, l’ouvrage Euthanasie, l’envers du décor (Mols, 2019) a réveillé la controverse. Ses auteurs dénoncent, entre autres, l’absence de débat, le changement de mentalité des patients face aux soins palliatifs, le malaise des infirmières et des praticiens. « Nous le ressentons comme notre devoir de rester critiques et vigilants par rapport à cette nouvelle pratique ressentie par de nombreuses personnes comme une transgression », commentent son coordinateur Timothy Devos, hématologue à l’hôpital universitaire de Louvain, et son collègue Benoît Beuselinck, oncologue. « D’un côté, l’autonomie du patient est devenue un dogme, en vertu de sa souffrance subjective, réduisant l’application de la loi de façon plus stricte, pointe ce dernier. De l’autre côté, il arrive aussi que les médecins proposent l’euthanasie aux malades, comme étant la meilleure solution, alors que selon la loi, la demande devrait toujours émaner du malade ! »

De plus, l’extension de la loi aux patients en psychiatrie fait bondir les psychologues. « La demande d'euthanasie est encore une adresse à l’autre et tant qu'il y a adresse, l'autre doit y répondre. L’horizon de la mort ruine la thérapie, et l'on voit que l’offre change les rapports patient-clinicien et crée la demande, avance Ariane Bazan, professeure de psychologie clinique à l’ULB et à l’Université de Lorraine. Le suicide a d'autres ressorts. Deux tiers des suicidés sont des hommes. Pour l'euthanasie pour raison psychique, deux tiers sont des femmes, et beaucoup ont un parcours de trauma, de maltraitance et d'abus. Quelle ironie de leur offrir la sortie finale... »

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Tine Nys avait le profil-type. Après plusieurs thérapies, des tentatives de suicide et une rupture amoureuse, cette Flamande de 38 ans est euthanasiée en 2010 par Joris Van Hove, un médecin condamné en 2017 pour abus sexuels sur ses patients : « Il a demandé à notre père de tenir l’aiguille bien en place dans son bras… Une fois qu’elle était décédée, le médecin a demandé également à nos parents s’ils voulaient écouter avec le stéthoscope si son cœur battait encore », témoignent ses sœurs Sophie et Lotte à la télévision néerlandophone, en 2016. Deux mois avant sa mort, Tine avait été diagnostiquée autiste.

Estimant qu’elle n’avait pas reçu les soins adéquats, ses sœurs ont poursuivi les médecins. Ils seront acquittés au pénal en 2020, mais le procès continue au civil. « Une société qui ignore que ses lois créent des tragédies profondes finit par vivre dans le mensonge », plaide Willem Lemmens, philosophe et éthicien, qui a soutenu la famille Nys. De son côté, Wim Distelmans a pris ses distances avec la psychiatre inculpée, Lieve Thienpont, qui avait donné son feu vert à une centaine de cas similaires à celui de Tine.

La CFCEE sous le feu des critiques

Mais le président de la CFCEE demeure sous le feu des critiques. « Il est étonnant que depuis 20 ans, des personnes qui ont écrit la loi, et qui l’appliquent régulièrement, soient amenées à contrôler l’application de la loi. En conséquence, la Commission d’évaluation n’a jamais émis aucun avis restrictif ou aucune mise en garde », s'interroge Benoit Beuselinck. Outre sa tonalité idéologique, la CFCEE n’a pas les moyens de vérifier le nombre réel d’euthanasies : elle ne se fonde que sur la sincérité des médecins, une fois l’acte pratiqué. L’unique cas transmis au procureur du roi, en 2015, sur les 27000déclarés, illustre pour ses détracteurs la vacuité de son contrôle.

En 2018, une euthanasie sans consentement du patient et sans deuxième avis est validée par la majorité des membres du CFCEE, entraînant la démission du chirurgien Ludo Vanopdenbosch, qui dénonce l’« impunité terrifiante » laissée aux praticiens. « La Commission ne protège pas les patients, mais les médecins ! », rugit Fernand Keuleneer, avocat bruxellois qui y a siégé 10 ans. « C’est un écran entre eux et le parquet. Il faudrait transférer le contrôle de l’euthanasie au ministère de la Justice ! » Dans chacun de ses rapports bisannuels, la CFCEE renvoie la balle au législateur pour toute modification de la loi.

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Précisément, le parti flamand Open VLD (droite libérale), de l’actuel premier ministre Alexander De Croo, veut étendre l’euthanasie aux personnes démentes, sous condition de directives anticipées, ainsi qu’aux personnes ayant le sentiment d’avoir « accompli leur vie »« Je partage cette philosophie, confie Jacqueline Herremans. Un jour, peut-être, la société pourra l’accepter, en veillant que cette décision ne soit pas prise par défaut. » De leur côté, des médecins de Charleroi envisagent l’euthanasie pour nourrissons en fin de vie.

Un tabou économique

En attendant, un tabou économique pèse sur les discussions : lors d’une réunion interne du Mouvement réformateur (droite libérale) wallon en 2019, son président Georges-Louis Bouchez aurait plaisanté en suggérant que l’euthanasie « serait une solution pour les pensions ».

Derrière la boutade, le financement des retraites donne des sueurs froides à la Belgique, où les plus de 65 ans passeront de 18 % en 2018 à 26 % en 2040. Ce compte à rebours a inspiré au metteur en scène Pierre-André Itin sa pièce À la vie, à la mort, jouée à Bruxelles avant le Covid, dans laquelle il développe le concept d'« écothanasia ». « Des pensionnés choisissent l’euthanasie pour léguer leur retraite à des start-up », résume l’homme de théâtre. « Dans la salle, ça riait jaune, car ce n’était pas éloigné de la réalité », se souvient un spectateur.

La réalité dépasse déjà la fiction selon Eric Vermeer, infirmier en soins palliatifs et psychothérapeute : « Une vieille dame ayant un cancer du foie, qui pesait 33 kg, me demandait l’euthanasie en disant : “Je suis un poids pour la société !” Ses filles voulaient hériter de sa maison… » Si elle réfute que la loi ait une responsabilité dans ce glissement, Jacqueline Herremans déplore la disparition de la solidarité avec les plus fragiles. « On mesure la grandeur d’une civilisation à la manière dont elle traite les personnes âgées », rappelait cet été Paul Magnette, président du PS wallon, dans Le Soir. Voilà un sujet sur lequel la Belgique, pays du compromis, aurait besoin de se mettre d’accord.

Une exception européenne

Les Pays-Bas (depuis 2001), la Belgique (2002) et le Luxembourg (2008) ont longtemps été les seuls en Europe à permettre l’euthanasie. Ils ont été rejoints par l’Espagne en 2021. En Suisse, l’assistance au suicide fournie par des associations est tolérée, mais l’euthanasie est interdite. Ailleurs, l’euthanasie est autorisée en Colombie (2015), au Canada (2016), dans six États australiens (2017-2022) et en Nouvelle-Zélande (2020). Le suicide assisté est enfin autorisé dans huit États américains.

L’euthanasie belge en chiffres

Selon la CFCEE, le nombre d’euthanasies déclarées chaque année est passé de 235 en 2003 à 2699 en 2021, soit environ 2,5 % des décès en Belgique. En 2021, 74,3 % des déclarations provenaient de Flandre. Elles ont lieu à domicile (54,3 %), à l’hôpital (29,6 %) et dans les maisons de repos (14,3 %). Les demandeurs augmentent avec l’âge : 8,4 % de quinquagénaires, 19,9 % de sexagénaires, 27,6 % de septuagénaires, 29,3 % d’octogénaires. Les cancers (62,8 %) et les « polypathologies » (17,7 %) sont les premières causes invoquées. Par ailleurs, 50 personnes souffrant d’affections psychiatriques (schizophrénie, autisme, dépression…) ou de troubles cognitifs (Alzheimer…) ont été euthanasiées.

À lire

La Mort choisie. Comprendre l’euthanasie et ses enjeux, de François Damas, Mardaga, 2013. Le plaidoyer d’une figure du CHR de la Citadelle de Liège, en faveur de l’euthanasie.

Euthanasie, l’envers du décor, sous la direction de Timothy Devos, Éditions Mols, 2019.

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