L'éthique que promeut l'Académie Pontificale pour la Vie est contraire à la morale catholique (13/12/2022)

De Luisella Scrosati sur la Nuova Bussola Quotidiana :

Académie pour la vie, l'éthique contre la morale catholique

13-12-2022

Le texte de base de l'Académie Pontificale pour la Vie est incompatible avec l'encyclique Veritatis Splendor de 1993 de St Jean Paul II. Le nouveau cours de l'Académie pontificale pour la vie réfute l'affirmation selon laquelle il existe des actions qui ne peuvent jamais devenir bonnes. Aller au-delà de ces absolus moraux conduit à renverser tout l'enseignement de l'Église sur le péché, sur le mérite, sur la réalité de l'enfer, sur le sens de la création et de l'incarnation rédemptrice. Et aussi sur le martyre, dont le sens disparaît. Réflexions en conclusion de la conférence Une réponse à l'Académie pontificale pour la vie.

Le texte de base, esquissé pour le séminaire d'étude (30 octobre - 1er novembre 2021) promu par l'Académie pontificale pour la vie, récemment publié dans le volume Éthique théologique de la vie, est à toutes fins utiles un renversement de Veritatis Splendor. La preuve la plus claire en a été fournie au cours de la conférence de trois jours intitulée "A Response to the Pontifical Academy for Life's Publication : The Theological Ethics of Life. Écriture, tradition, défis pratiques", qui a vu, entre autres, la participation de Mgr Livio Melina, doyen de l'Institut Jean-Paul II depuis dix ans, et du père José Granados, actuellement professeur de théologie du sacrement du mariage au même institut.

"Je ne peux pas oublier que Franz Böckle, alors parmi les principaux théologiens moralistes de langue allemande, [...], en vue des décisions possibles de Veritatis Splendor, a déclaré que si l'encyclique avait décidé qu'il y a des actions qui doivent toujours et en toutes circonstances être considérées comme mauvaises, contre cela il aurait élevé la voix de toutes ses forces. Le bon Dieu lui a épargné l'accomplissement de son dessein ; Böckle est décédé le 8 juillet 1991. L'encyclique a été publiée le 6 août 1993 et contenait en fait la déclaration selon laquelle il existe des actions qui ne peuvent jamais devenir "bonnes". C'est ainsi que Benoît XVI s'était exprimé dans les fameuses "notes" publiées en 2019 dans le Klerusblatt. L'encyclique de Jean-Paul II avait vraiment été publiée dans l'intention spécifique de blinder l'affirmation des absolus moraux face à des arguments qui trouvaient de plus en plus d'espace dans la théologie morale académique; des positions qui voulaient souligner la présence de circonstances et de situations pouvant conduire à des exceptions à la règle morale générale (VS, 56). L'encyclique les avait à l'esprit, tout comme elle avait à l'esprit les "solutions dites "pastorales"", le "créateur" herméneutique, une idée de l'option fondamentale dissociée des choix individuels concrets (VS, 65), "de fausses solutions, liées notamment à une compréhension inadéquate de l'objet de l'action morale" (VS, 75), de facture proportionnaliste et conséquentialiste. Veritatis Splendor les avait présentés et explicitement condamnés.

La conférence a mis en évidence cette incompatibilité irrésoluble entre le Texte de base (TB) et l'encyclique de 1993, entre l'anthropologie qui sous-tend les thèses du premier et celle portée par l'encyclique. On ne peut passer sous silence le fait que VS exprime l'enseignement du Magistère de l'Église de manière positive et "négative", avec la condamnation explicite de certaines erreurs ; on ne peut non plus passer sous silence le fait que l'encyclique elle-même considère "la question de la moralité des actes humains" et, en particulier, "l'existence d'actes intrinsèquement mauvais" comme des aspects décisifs, car en eux "se concentre en un certain sens la question même de l'homme, de sa vérité et des conséquences morales qui en découlent" (VS, 83).

Là encore, on ne peut laisser dans l'ombre le désir particulier de Jean-Paul II d'appeler les pasteurs, les théologiens et les fidèles à sentire cum Ecclesia sur les questions traitées dans l'Encyclique, lorsqu'il a voulu souligner qu'il avait donné cet enseignement en se référant à l'autorité conférée au Pape pour confirmer ses frères : "Chacun de nous connaît l'importance de la doctrine qui représente le noyau de l'enseignement de cette Encyclique et qui est rappelée aujourd'hui avec l'autorité du Successeur de Pierre. Chacun de nous peut sentir la gravité de ce qui est en jeu, non seulement pour les personnes individuelles mais aussi pour la société dans son ensemble, avec la réaffirmation de l'universalité et de l'immuabilité des commandements moraux, et en particulier de ceux qui interdisent toujours et sans exception les actes intrinsèquement mauvais".

Maintenant, soyons sérieux : approuver les "nouveaux" éléments du Texte de base, soutenir le soi-disant "nouveau paradigme" signifie avant tout discréditer l'Eglise elle-même dans son Magistère ; cela signifie penser que l'Eglise a constamment enseigné et réaffirmé avec l'autorité du successeur de Pierre une doctrine qui concerne "la question même de l'homme", pour rappeler encore une fois l'encyclique, qui était au contraire erronée. En effet, il n'y a pas de développement - malgré les protestations continues du contraire - entre un document qui soutient que la spécification morale d'un acte ne dépend pas de l'intentionnalité propre à cet acte et une encyclique qui rejette au contraire la thèse de ceux qui soutiennent qu'"il est impossible de qualifier de moralement mauvais selon son espèce - son "objet" - le choix délibéré d'une conduite ou d'un acte déterminé, indépendamment de l'intention pour laquelle le choix est fait ou de la totalité des conséquences prévisibles de cet acte pour toutes les personnes concernées" (VS, 79).

Le point sur lequel TB renverse VS n'est pas seulement central pour l'encyclique, il est central pour la vision de l'homme de l'Église, pour l'enseignement de l'Église sur l'homme. Il a été amplement souligné au cours de la conférence que l'affirmation de la qualification morale d'un acte selon son espèce implique en définitive la reconnaissance de l'anthropologie biblique et le rejet d'une anthropologie gnostique. Elle implique la reconnaissance du fait que notre corps est créé et possède donc son propre langage ; par conséquent, les actes qui entrent en conflit avec ce langage ne peuvent jamais être ordonnés au bien de la personne : c'est pourquoi ils sont toujours intrinsèquement mauvais. C'est la limite ultime qui ne peut jamais être franchie, car la franchir signifierait le mal de celui qui l'accomplit : nos actes, que nous accomplissons dans notre corps, nous changent, façonnent en nous une identité morale. De cela dépend tout l'enseignement de l'Église sur le péché, sur le mérite, sur la réalité de l'enfer, sur le sens de la création et de l'incarnation rédemptrice. Le sens du martyre en dépend aussi : s'il n'y a pas d'actes toujours mauvais, si les actes "extérieurs" ne caractérisent pas moralement la personne qui les accomplit, alors pourquoi le martyre ?

C'est pourquoi Benoît XVI, dans ces "notes" qui ont provoqué de nombreux maux d'estomac, a lié l'idée du martyre à des absolus moraux : "Il y a des valeurs qu'il n'est jamais licite de sacrifier au nom d'une valeur encore plus élevée et qui sont au-dessus même de la préservation de la vie physique. Dieu est plus que la survie physique. Une vie qui s'achète au prix du reniement de Dieu, une vie basée sur un mensonge ultime, est une non-vie. Le martyre est une catégorie fondamentale de l'existence chrétienne. Le fait qu'après tout, selon la théorie défendue par Böckle et bien d'autres, elle ne soit plus moralement nécessaire, montre que l'essence même du christianisme est ici en jeu".

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