Benoît XVI : les mathématiques, la beauté, la sainteté comme « voies » vers Dieu  (03/01/2023)

Du Père Lombardi sur le site de l'hebdomadaire La Vie :

Décès de Benoît XVI : les mathématiques, la beauté, la sainteté comme « voies » vers Dieu 

Pour Benoît XVI, l’expérience de la science, de la beauté et de la sainteté sont des chemins privilégiés apprendre à reconnaître Dieu. Par Federico Lombardi, jésuite, président de la fondation Joseph Ratzinger-Benoît XVI et ancien porte-parole du Vatican.

2/01/2023

Dieu existe-t-il vraiment ? Je ne cherche pas une « démonstration de l’existence de Dieu », mais une « voie » qui me conduise vers lui. Cela, bien évidemment, à partir de questions qui se sont posées à moi avec force au cours de mon cheminement. Ou plutôt, à partir d’expériences d’émerveillement qui ont suscité en moi des questions auxquelles je ne pouvais pas et ne peux pas me dérober.

J’ai retrouvé l’écho de quelques-unes de ces expériences dans certains propos de Joseph Ratzinger qui m’ont aidé à les exprimer et à y réfléchir. Je voudrais en signaler trois : les mathématiques, la beauté, la sainteté.

La science et la foi

Dans ma jeunesse, j’ai étudié les mathématiques et, à la fin de mes études, je me suis demandé : comment se fait-il que nous parvenions, avec les instruments mathématiques que notre esprit a élaborés, à décrire la réalité du monde qui nous entoure et son fonctionnement, comment parvenons-nous à le faire, en fin de compte, tellement bien que nous pouvons entrer en relation avec cette réalité, influer sur elle, aller sur la Lune et utiliser l’énergie présente dans les atomes ?

C’est un fait qui me semble merveilleux et qui me paraît indiquer que notre esprit et la nature qui nous entoure ont une origine commune… 

J’ai retrouvé exactement ma question et mon début de réponse dans ce que Benoît XVI a dit à un élève de lycée scientifique qui l’interrogeait à propos de la science et de la foi : « Il me semble presque incroyable qu’une invention de l’esprit humain et la structure de l’univers coïncident : les mathématiques, que nous avons inventées, nous donnent réellement accès à la nature de l’univers et elles nous permettent de l’utiliser. La structure intellectuelle du sujet humain et la structure objective de la réalité coïncident donc : la raison subjective et la raison objective dans la nature sont identiques… Bien entendu, personne ne peut prouver – comme on le prouve par l’expérience, dans les lois techniques – que les deux sont réellement le fruit d’une unique intelligence, mais il me semble que cette unité de l’intelligence, derrière les deux intelligences, apparaît réellement dans notre monde » (entretien avec les jeunes du diocèse de Rome, 6 avril 2006).

Devant l’alternative qui se présente, Benoît XVI invite le jeune homme à ne pas opter pour « la priorité de ­l’irrationnel », mais à ­reconnaître que derrière tout, au début de tout, il y a « une grande Intelligence, à laquelle nous pouvons nous fier ». Cela, c’est le choix fait par le christianisme.

Merveilles naturelles et artistiques

De même, j’ai toujours pensé quelque chose de ce genre lorsque j’ai vécu l’expérience de la beauté dans ses diverses dimensions, en contemplant les spectacles merveilleux de la nature ou les manifestations les plus élevées de l’art humain.

Benoît XVI nous invite, lui aussi, à reconnaître dans cette expérience le point de départ d’un chemin à parcourir vers la vérité, dans un monde où le trop grand nombre d’argumentations contradictoires nous plonge dans l’incertitude.

« La rencontre avec la beauté peut devenir la flèche qui atteint l’âme et qui, de cette façon, lui ouvre les yeux » (message au ­Meeting pour l’amitié entre les peuples, à Rimini, en 2002), dit Benoît XVI ; et il raconte que, au terme d’un mémorable concert de musique de Bach, après la dernière note, son regard avait croisé celui de l’évêque évangélique assis à côté de lui.

Spontanément, il s’était dit : « Lorsque l’on a entendu cela, on sait que la foi est vraie », car « on pouvait percevoir dans cette musique une force tellement extraordinaire de réalité présente que l’on se rendait compte, non plus grâce à des déductions, mais grâce au choc ressenti par le cœur, que cela ne pouvait pas provenir du néant, mais que cela ne pouvait naître que grâce à la force de la vérité »

Il en est de même lorsque l’on contemple les richesses de notre immense patrimoine culturel européen, les églises, les châteaux… Benoît XVI nous rappelle que ce patrimoine est le fruit d’une manière de voir qui « a clairement mis en lumière le fait que la raison ne s’arrête pas à ce que voit l’œil, mais qu’elle est attirée par ce qui se trouve au-delà, ce à quoi nous aspirons profondément : l’Esprit, pour ainsi dire, de la création » (château de Prague, 26 septembre 2009).

L'exemple des saints

Enfin une troisième « voie » que j’ai expérimentée comme une foule de gens est celle de la rencontre avec des personnes dont la vie est devenue transparence de l’Évangile, dans la charité, dans le pardon, dans la fécondité spirituelle, dans la gratuité joyeuse… Au-delà de tout raisonnement complexe, la vérité de ce en quoi ils croient prend la force de l’évidence. 

Benoît XVI a répété à plusieurs reprises que la véritable apologie de la foi chrétienne, l’explication la plus convaincante de l’Évangile, la démonstration la plus efficace de sa vérité, ce sont les saints. En effet, aujourd’hui, le plus grand défi contre la foi est la présence du mal dans le monde : comment est-elle compatible avec la rationalité d’un créateur ?

Ici, nous avons réellement besoin d’un Dieu qui se fait chair et qui nous montre qu’il est amour, capable de répondre au mal. En plus de cela, nous devons voir que cet amour peut entrer en jeu pour transformer véritablement la vie, y compris sur cette terre.

Et c’est justement cela que nous disent les saints, que ce soient ceux qui ont déjà parcouru leur chemin, ou ceux qui marchent parmi nous, mais en qui nous reconnaissons une présence plus grande que ce que nous pouvons expliquer. Cela nous ouvre à l’espérance. 

Le mouvement de l'espérance

Benoît XVI nous a rappelé une belle homélie de saint Bonaventure, dans laquelle celui-ci compare le mouvement de l’espérance « au vol de l’oiseau, qui déploie ses ailes le plus possible et les agite de toutes ses forces : en un certain sens, il devient lui-même entièrement mouvement pour s’élever et voler. Espérer, c’est voler. Mais l’espérance exige que tous nos membres deviennent mouvement et se projettent vers la véritable hauteur de notre être, vers les promesses de Dieu. Celui qui espère doit relever la tête, dirigeant vers le haut ses pensées, vers le sommet de notre existence, c’est-à-dire vers Dieu » (homélie pour le premier dimanche de l’Avent, lors de la visite pastorale de Benoît XVI à Bagnoregio, le 6 septembre 2009).

La raison créatrice est amour et cet amour, c’est Dieu. Nous devons lever les yeux pour apprendre à le reconnaître peu à peu, de mieux en mieux, à ­travers l’expérience de la science, de la beauté et de la ­sainteté.

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