31/12/2022
TRIBUNE – Après avoir donné le cap doctrinal du long pontificat de Jean-Paul II, le cardinal Ratzinger entama en tant que pape d’importantes réformes consistant à épurer le passif né de Vatican II, analyse le journaliste et écrivain Philippe Maxence.
Philippe Maxence est journaliste et écrivain, rédacteur en chef de «L’Homme Nouveau».
Il faudra certainement encore du temps pour mesurer exactement la portée de l’œuvre de Benoît XVI. Sa renonciation en 2013 avait pu laisser croire qu’il prenait définitivement le chemin du silence, voire celui de l’oubli. Certainement, l’avait-il voulu lui-même ainsi. Mais, sur ce point également, il avait dû apprendre à ne plus s’appartenir. Même silencieux, même retiré, même reclus, Benoît XVI restait une référence.
Peu de temps après avoir répondu à l’appel de Jean-Paul II en 1981 pour prendre la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, Joseph Ratzinger se vit affubler du sobriquet de « Panzer-Kardinal ». Parlante, l’expression faisait choc. Mais elle était fausse. Tous ceux qui ont pu le rencontrer peuvent en témoigner. L’homme était physiquement petit. Seuls un sourire avenant et des yeux pétillants d’intelligence cachaient une sorte de timidité. En lui, rien d’un char d’assaut déferlant sur la France en 1940. Rien non plus d’un inquisiteur tel que se l’imaginent ceux qui repeignent l’ère médiévale de couleur sombre. Tout, en revanche, d’un « cardinal sourire ».
À la tête de l’ex-Saint-Office, le cardinal Ratzinger donna le cap doctrinal du long pontificat de Jean-Paul II. Les rôles semblaient partagés. Au pape, le devant de la scène, les bains de foule, les voyages, l’évangélisation des peuples et des nations quasiment en prise directe. Des actes aussi salués par le monde mais qui restent incompris d’une partie des fidèles comme les réunions interreligieuses d’Assise ou le baiser au Coran. Au cardinal, en revanche, le travail de bureau, les explications de la doctrine catholique, la réalisation d’un catéchisme universel, le fignolage des encycliques papales pour éviter de donner prise à des interprétations hétérodoxes. Des avertissements et des condamnations aussi. À chaque fois, du point de dentelle, du sur-mesure, du cousu main. De l’art à l’état pur, dans une époque qui ne vivait plus que de la grosse industrialisation à la chinoise. Le hiatus était inévitable.
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Quand Jean-Paul II rendit son âme à Dieu, Joseph Ratzinger lui succéda. Ce fut une surprise et pourtant c’était inévitable. Le pape défunt avait laissé une telle empreinte qu’il était impossible de lui imaginer un successeur qui ne fut pas un proche. Il fallait aussi un homme de l’intérieur du système ecclésial afin de le réformer. Il y avait urgence car la marmite pontificale était prête à exploser. Le cardinal Ratzinger était l’homme tout désigné. Il l’était d’autant plus qu’il n’avait pas craint lors du Vendredi Saint 2005 d’évoquer clairement la fange qui salissait l’Église.
Élu rapidement, Joseph Ratzinger prit le nom de Benoît XVI. On attendait donc de lui qu’il réformât la curie tambour battant. L’attente était légitime mais c’était décidément mal connaître le nouveau Souverain Pontife. Il voyait les choses de haut. De trop haut ? Peut-être ! Il préféra une réforme de grande ampleur, une réforme bénédictine qui visait à restaurer l’unité de l’Église et la paix en son sein à travers quelques actes décisifs.« Autre geste historique, Benoît XVI décida en 2007 de mettre fin à la querelle liturgique née du changement du rite de la messe en 1969… Il rappela que l’ancienne messe n’avait jamais été interdite et que tout prêtre pouvait la célébrer. »