Ratzinger, le pape qui a mis en garde contre l'extinction du christianisme (04/01/2023)

De Giovani Maria Vian sur El País via Il Sismografo :

Ratzinger, le pape qui a mis en garde contre l'extinction du christianisme

Critique envers l'institution à laquelle il appartient, Benoît XVI a été lucide en prévoyant un avenir minoritaire pour le catholicisme dans un monde occidental où la foi s'éteint. Il a laissé des œuvres importantes, dont la trilogie sur "Jésus de Nazareth", et est resté ouvert, bien qu'il ait été qualifié de traître à Vatican II, puis de grand inquisiteur. En 1999, j'ai rencontré le cardinal Ratzinger pour la première fois à l'occasion du lancement d'une revue sur l'histoire des années saintes que j'avais coordonnée. Je n'ai pas été surpris par la gentillesse et la simplicité avec lesquelles il a accepté de la présenter, car ces caractéristiques lui étaient familières. Nombreux étaient ceux qui, au Vatican, avaient l'habitude de le voir, vêtu comme un simple prêtre avec son béret noir, traverser rapidement la place Saint-Pierre pour se rendre au travail, saluant ceux qui le reconnaissaient d'un léger sourire. À d'autres moments, le cardinal, qui était devenu très romain, s'arrêtait pour regarder d'un air amusé les chats qu'il rencontrait lors de ses promenades autour du Vatican.

Cependant, lors de cette première rencontre, j'ai été frappé par le fait que le cardinal était resté un professeur, habitué à s'exprimer sans filtre, clairement, animé par la curiosité, comme tout véritable intellectuel. Son langage n'avait rien de clérical, et encore moins de curial, alors qu'il était à la curie depuis près de 20 ans, depuis que Jean-Paul II l'a appelé après qu'il ait survécu à la tentative d'assassinat et qu'il l'a nommé, fin 1981, préfet de l'ancien Saint-Office, c'est-à-dire gardien de la foi catholique. Le théologien bavarois est ainsi devenu le principal conseiller théologique du pontife slave et, bien plus tard, son successeur, lorsqu'en 2005, en moins d'une journée, les cardinaux réunis en conclave ont élu un Allemand pour succéder au pape polonais.

Ainsi se terminent les suites de la Seconde Guerre mondiale, déclenchée par l'agression de l'Allemagne nazie contre la Pologne (et deux semaines plus tard contre l'Union soviétique). À l'âge de 16 ans, Ratzinger, né dans une modeste famille catholique totalement étrangère au nazisme, a également participé aux deux dernières années de la guerre. Séminariste, il est contraint de servir comme auxiliaire anti-aérien à partir de 1943 et est ensuite envoyé dans un camp de travail. Engagé dans l'infanterie, il déserte et est arrêté par les Américains. Il réagit à son emprisonnement comme un étudiant modèle, composant des vers grecs au crayon dans un cahier. Et c'est au crayon qu'il a beaucoup écrit tout au long de sa vie, dans une écriture minuscule pleine d'abréviations que seules sa sœur Maria et, plus tard, sa secrétaire, Birgit Wansing, pouvaient déchiffrer et transcrire.

Il a laissé derrière lui des œuvres importantes, parmi lesquelles la trilogie sur Jésus de Nazareth (2007-2012), écrites alors qu'il était déjà pape, mais qu'il considérait comme le fruit de recherches personnelles et donc ouvertes à la critique.

L'homme que j'ai connu était doux mais direct, habitué à aller à l'essentiel et à toujours parler et écrire clairement, comme le confirme son testament, publié le soir même de sa mort, à la fin de l'année. Un texte qui rappelle les méditations de Marc-Aurèle, lorsque l'empereur philosophe, au début du célèbre livre, remercie ses parents, mais aussi un autre testament papal extraordinaire, celui de Paul VI. Et c'est Montini lui-même, le pape du Concile, qui, un an avant sa mort en 1977, a changé la vie du théologien de 50 ans en le nommant archevêque de Munich et en le faisant cardinal. Ratzinger était déjà célèbre depuis l'époque du Concile Vatican II (1962-1965), où il avait participé en tant que conseiller théologique du vieux cardinal Frings, archevêque de Cologne, l'un des principaux représentants de la formation réformiste et anti-curiale.

Ratzinger est toujours resté très ouvert, bien qu'il ait été qualifié de traître à Vatican II et plus tard de grand inquisiteur. Il avait une conception radicale de l'Église, alourdie, selon lui, par trop d'appareils et par la "saleté" des abus, qu'il a dénoncés le Vendredi saint 2005, peu avant d'être élu pape. Critique à l'égard de l'institution à laquelle il appartenait, ce théologien doux et inébranlable était lucide en prévoyant un avenir minoritaire pour le catholicisme dans un monde occidental où la foi s'éteint. Fin connaisseur de la tradition chrétienne, Ratzinger l'a toujours considérée comme une réalité en mouvement et ouverte sur l'avenir, et non comme quelque chose d'immobile.

En 2012, il m'a permis de présenter en avant-première dans l'Osservatore Romano la préface de ses écrits conciliaires, publiée quelques mois plus tard dans ses œuvres complètes. Dans ce texte, le pape décrit un christianisme déjà fatigué, mais que le concile Vatican II, qu'il n'a jamais renié en tant que développement de la tradition, a cherché à revitaliser par sa "mise à jour".

La gouvernance n'a jamais été le point fort de Ratzinger, et il s'est trop appuyé sur certains collaborateurs qui ne l'ont pas aidé comme ils auraient dû. En revanche, Benoît XVI a été très décisif et efficace dans la gestion du scandale des abus, notamment dans le cas du fondateur criminel des Légionnaires du Christ et en Irlande. Il a assumé des fautes qui n'étaient pas les siennes et a demandé le pardon en tant que chef de l'Église, même après sa démission historique de la papauté.

*** Giovanni Maria Vian est un expert en histoire de l'Église et ancien rédacteur en chef du quotidien L'Osservatore Romano.

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