Ratzinger : un saint Augustin moderne. Comment lire l'histoire à la lumière de la vie éternelle (17/01/2023)

Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso (traduction de Diakonos.be) :

Ratzinger, l’Augustin moderne. Comment lire l’histoire à la lumière de la vie éternelle

Dans la vie de Joseph Ratzinger, bien des choses sont similaires à celle de saint Augustin, le docteur de l’Église qu’il affectionnait entre tous. Ce n’est pas pour rien que dans l’encyclique « Spe Salvi » de 2007, celle qui lui ressemble le plus et qu’il a entièrement écrite de sa main, il relate sur Augustin précisément ce qui lui est arrivé à lui aussi, le fait d’être appelé sans s’y attendre à gouverner l’Église, plutôt que de se consacrer à une vie d’étude.

« Il voulait uniquement être au service de la vérité, il ne se sentait pas appelé à la vie pastorale, mais il comprit ensuite que l’appel de Dieu était celui d’être un pasteur parmi les autres, en offrant ainsi le don de la vérité aux autres » : c’est que qu’a dit Benoît XVI à l’audience générale du mercredi 9 janvier 2008 consacrée au « plus grand Père de l’Église latine ».

Mais depuis qu’il est évêque et ensuite comme pape, Ratzinger est toujours resté théologien. Et « Spe salvi », consacrée à l’espérance chrétienne, est l’un des joyaux de son enseignement. En confrontation directe avec la culture moderne. Contre l’illusion qu’il y ait une solution terrestre aux injustices du monde, parce qu’au contraire – écrit le pape – « la question de la justice constitue l’argument essentiel, en tout cas l’argument le plus fort, en faveur de la foi dans la vie éternelle ».

Dans l’essai qui va suivre, Roberto Pertici, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bergame, analyse jusqu’au bout la vision de l’histoire que Joseph Ratzinger nous a léguée avec cette encyclique. Et dont nous devrions nous inspirer, en ces temps difficiles pour l’humanité et pour l’Église.

Cet essai a été rédigé, dans une première mouture, peu après la sortie de « Spe salvi ». Mais il est toujours d’une extraordinaire actualité. Le voici réédité sur Settimo Cielo. Bonne lecture !

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Benoît et l’histoire

de Roberto Pertici

« Spe salvi », publiée par le Pape Benoît XVI le 30 novembre 2007, représente une nouveauté substantielle dans le genre « encyclique » auquel il appartient. Son style fluide et sa réponse dense et explicite à plusieurs éléments de la culture contemporaine, chrétiens et autres, renvoient à la forte personnalité du pape. Si on a parfois pu se poser la question de l’identité du véritable auteur de certaines encycliques des pontificats précédents, nous nous trouvons ici face à un texte de toute évidence « d’auteur », médité et rédigé par le Ratzinger théologien et pasteur. Dans ce texte, il entend reproposer avec force l’espérance chrétienne à un monde où les grandes religions politiques du vingtième siècle sont « silence et ténèbres » et dans lequel la seule véritable alternative semble rester celle du scientisme sous ses diverses manifestations.

Comme je suis spécialisé en histoire, je me bornerai à proposer quelques réflexions sur la vision de l’histoire humaine que Benoît manifeste dans son encyclique. Et ceci parce que je crois que la dimension historique et la problématique de la « justice dans l’histoire » sont au centre de l’encyclique et que le Pape propose une solution qui renvoie à ce que sont pour le Pape quelques-uns des fondements du christianisme.

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On retrouve deux archétypes dans la conception chrétienne de l’histoire. Augustin d’Hippone la conçoit comme une lutte éternelle entre deux « cités » : la cité divine et la cité terrestre, qui coexistent et seront en conflit jusqu’à la fin des temps : elles ne seront distinguées qu’au moment du jugement final. La critique d’Augustin reste la plus radicale de tous les millénarismes, c’est-à-dire de toutes ces conceptions qui ont à plusieurs reprises prétendu que la cité divine était censée prévaloir, dans un futur plus ou moins proche et de manière irrévocable, sur la cité terrestre, et qu’elle cela se réaliserait dans le monde. Augustin nie que l’humanité, marquée par le péché originel, puisse connaître dans l’histoire une libération intégrale du mal : chaque génération doit ainsi renouveler son combat pour faire triompher le bien, tout en sachant qu’un tel triomphe ne sera jamais définitif et que, au contraire, des moments de « retour à la barbarie » sont toujours susceptibles de se produire.  Il s’agit d’une vision tragique, qui n’est pas consolatrice : « Le monde est comme un pressoir à huile », dit Augustin, « dont sortent le marc destiné à l’égout et l’huile qui sera recueillie dans des vases. Mais il est inévitable de passer au pressoir. ».

Il existe également une autre ligne, celle de la tradition eschatologique des premiers temps du christianisme, qui attendait une réalisation historique du règne de la justice. Elle a été reprise – un siècle avant Dante – par Joachim de Fiore, qui annonçait un développement providentiel du processus historique vers un âge de l’Esprit, dans lequel l’humanité se serait pleinement réalisée. On sait comment une série d’érudits du vingtième siècle (de Karl Löwith à Eric Voegelin) ont vu dans le Joachimisme un moment décisif de l’historicisation de l’eschatologie chrétienne, et donc une prémisse de la philosophie de l’histoire du dix-neuvième.

Benoît XVI reste dans le cadre d’une conception augustinienne de l’histoire : la critique qu’il porte contre l’idée de progrès, production typique de la modernité, le confirme bien. Le pape fait la distinction entre développement matériel (technologique, scientifique, économique) et progrès moral. Le premier est indéniable et a apporté de nombreux bienfaits à l’homme, mais il présente également un côté ambigu : « Sans aucun doute, le progrès offre de nouvelles possibilités pour le bien, mais il ouvre aussi des possibilités abyssales de mal – possibilités qui n’existaient pas auparavant. Nous sommes tous devenus témoins de ce que le progrès, lorsqu’il est entre de mauvaises mains, peut devenir, et est devenu de fait, un progrès terrible dans le mal » (§22). Mais dans le domaine moral ? Peut-on émettre l’hypothèse de quelque chose de semblable à l’accumulation de connaissance qu’on retrouve dans la science, un progrès, comme le dit Benoît « qui se peut additionner » ? Est-il possible de construire sur les choix éthiques posés par les générations précédents, les considérer comme irrévocablement réalisée et donc réduire progressivement, dans le monde, la possibilité du mal, jusqu’à le faire disparaître ? L’homme du XXIe siècle constitue-il un progrès moral par rapport à celui du XVIIIe parce qu’il aurait décrété l’abolition de la peine de mort, prôné le respect de l’environnement et de l’égalité entre les sexes ? S’il en était ainsi, alors le christianisme ne serait qu’une étape sur le chemin de l’humanité, importante si l’on veut, mais vouée à être dépassée par quelque chose de supérieur, et le but à atteindre du « surhomme », prôné, de manières différentes, par Marx comme par Nietzsche, aurait une certaine plausibilité.

Le Pape affirme au contraire que : « Dans le domaine de la conscience éthique et de la décision morale, il n’y a pas de possibilité équivalente d’additionner, pour la simple raison que la liberté de l’homme est toujours nouvelle et qu’elle doit toujours prendre à nouveau ses décisions. Jamais elles ne sont simplement déjà prises pour nous par d’autres – dans un tel cas, en effet, nous ne serions plus libres. La liberté présuppose que, dans les décisions fondamentales, tout homme, chaque génération, est un nouveau commencement ». D’où également la possibilité de retours en arrière au niveau moral, étant donné que les nouvelles générations peuvent certainement « puiser au trésor moral de l’humanité entière. Mais elles peuvent aussi le refuser, parce que ce trésor ne peut pas avoir la même évidence que les inventions matérielles » (§24). Il n’y a donc pas de progrès dans la nature humaine, cette dernière ne peut pas progressivement se libérer des limites qui lui sont consubstantielles.

L’homme peut encore moins espérer que la solution de son existence puisse provenir de l’extérieur, du changement de la société. Non pas qu’une lutte pour une société meilleure soit inutile, elle est au contraire souhaitable et nécessaire, et la politique peut grandement contribuer à la « minimisation » du mal, cependant elle ne peut pas le détruire à la racine ni résoudre le problème de la liberté humaine. Le pape écrit : « le règne du bien définitivement consolidé n’existera jamais en ce monde. Celui qui promet le monde meilleur qui durerait irrévocablement pour toujours fait une fausse promesse ; il ignore la liberté humaine. […] S’il y avait des structures qui fixeraient de manière irrévocable une condition déterminée – bonne – du monde, la liberté de l’homme serait niée, et, pour cette raison, ce ne serait en définitive nullement des structures bonnes » (§24).

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L’idée d’un progrès moral sans limite appartient à la modernité. Et donc la critique qu’en fait Benoît XVI entraîne-elle, de la part de l’Église, le retour à une attitude polémique envers le monde et la pensée moderne, et la fin de cette attention aux « signes des temps » qui furent l’un des fruits du tournant conciliaire ? En effet, on n’a nulle part ailleurs parlé avec tant d’insistance bienveillante de « monde moderne », de « pensée moderne », de « modernité » que dans le monde catholique de ces dernières décennies.

Mais la pensée catholique postconciliaire avait ses raisons : elle voulait mettre un terme à l’époque des oppositions, celle dans lequel un « monde moderne » abstrait s’opposerait à une autre abstraction, celle de « chrétienté » : autrement dit la chimère d’une société organique, fortement empreinte dans ses institutions civiles de la présence catholique, qui renverrait à un Moyen Âge mythique à restaurer. Pendant des siècles, la pensée catholique s’était appropriée – en l’inversant – l’arbre généalogique que la « pensée moderne » s’était donné d’elle-même : de la réforme protestante au rationalisme des Lumières en passant par la Révolution française, le libéralisme, le socialisme et le communisme. Ce que la modernité avait considéré comme étant un processus d’émancipation, la pensée catholique le considérait comme un enchaînement de tragédies historiques qui était en train de précipiter l’humanité dans le désastre. En découlait – il faut le souligner – une prise de distance également envers les institutions libérales et les valeurs qui le sous-tendaient : liberté de conscience, pluralisme religieux, etc.

Mais on ne retrouve nulle trace de tout cela dans « Spe salvi ». Il faut avant tout souligner que Benoît ne condamne pas la modernité, mais qu’il l’invite à « une autocritique […] dans un dialogue avec le christianisme et avec sa conception de l’espérance » (§22) et, dans ce dialogue, il pose également l’exigence d’une « autocritique du christianisme moderne » parallèle. Mais attention ! Ce que le Pape entend par « modernité » n’a rien à voir avec celle qui a fait l’objet des anathèmes du catholicisme antimoderne. Dans sa réflexion sur l’histoire moderne, la réforme protestante n’est même pas mentionnée et Luther n’est cité qu’une seule fois, pour discuter de son interprétation d’un extrait de la Lettre aux Hébreux.

Pour Ratzinger, la « modernité » a un autre géniteur : il s’agit de Francis Bacon. C’est dans sa pensée – écrit-il – que « les composantes fondamentales des temps modernes […] apparaissent avec une clarté particulière. » Et quelles sont-elles ?

  • Le caractère non plus contemplatif mais instrumental du savoir, qui permet à l’homme, à travers l’expérience, de connaître les lois de la nature et à les plier à sa volonté.
  • La transposition de cette conquête sur le plan théologique : c’est par la science, et non plus par la foi en Jésus Christ, que l’homme peut retrouver cette suprématie sur la nature que le péché originel lui avait fait perdre ; de fait c’est la science qui « rachète ».
  • La foi devient donc sans importance pour le monde et se voit reléguer dans la sphère privée.
  • L’espérance change de nature : la science promet un processus continu d’émancipation des limites de la vie et une amélioration, un « progrès » à l’infini de la condition humaine.
  • Cette attitude transparaît sur le plan politique : tout comme la science garantit le dépassement progressif de toute dépendance à la nature, l’émancipation de tout conditionnement social, politique et religieux apparaît comme toujours plus nécessaire.
  • L’émergence de la perspective d’une révolution qui établit le règne définitif de la raison et de la liberté. (§17-18).

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Même le thème de la « négativité » de l’Illuminisme (un autre trait caractéristique du catholicisme antimoderne) n’est pas développé par le Pape : au contraire, il met en évidence que le rapport entre cette pensée et la Révolution française fut quelque peu problématique. « L’Europe de l’Illuminisme – écrit-il – dans un premier temps, s’est tournée avec fascination vers ces événements, mais face à leurs développements, elle a dû ensuite réfléchir de manière renouvelée sur la raison et la liberté ».

Ratzinger évoque pour illustrer les « deux phases de la réception de ce qui s’était déroulé en France », deux écrits de Kant dans lequel le philosophe réfléchissait sur ces événements. Dans un premier texte de 1792, Kant pose un regard positif sur les événements en France et sur l’entreprise de laïcisation de l’Assemblée constituante élue pour deux ans : cette dernière – de son point de vue – marque le dépassement de la « foi ecclésiastique », désormais remplacée par le « foi religieuse », autrement dit par la simple foi rationnelle. Mais dans son essai de 1795, son jugement est très différent : nous sommes au lendemain de la chute de Robespierre, l’Europe abasourdie a assisté aux politiques de déchristianisation violentes et à l’avènement des cultes révolutionnaires : le pendant politique de cette phase a été la Terreur. Dans l’esprit du philosophe, une autre éventualité se dessine : celle qu’avec la fin violente du christianisme, pourrait advenir « la fin renversée de toutes choses au point de vue moral » (§19). Il est inutile d’ajouter comment la pensée libérale des premières décennies du dix-neuvième siècle est née de ce changement d’opinion.

Le cheminement d’importants secteurs de la pensée moderne est donc – pour Ratzinger – différent de cette généalogie de la modernité contre laquelle la culture catholique a polémiqué pendant des siècles. Ce dernier trouve sa source avec la première émergence du scientisme moderne chez Bacon ; il se développement dans certains des secteurs les plus radicaux des Lumières et dans le « constructivisme » antireligieux de la Terreur jacobine avant de découcher dans la « société opulente » et ses idéologies : scientisme, technocratie, consumérisme, hédonisme de masse.

Sur ce chemin, il y a également Karl Marx, mais l’approche ratzingerienne sur la pensée du révolutionnaire allemand est tout autre que méprisante. Pour Ratzinger, Marx est – pour ainsi dire – le Bacon du prolétariat : « Le progrès vers le mieux, vers le monde définitivement bon, ne provient pas simplement de la science, mais de la politique – d’une politique pensée scientifiquement, qui sait reconnaître la structure de l’histoire et de la société, et qui indique ainsi la voie vers la révolution, vers le changement de toutes les choses » (§20).

Mais les résultats des révolutions communistes du XXe siècle constituent également le premier véritable échec de ce courant de pensée post-baconien et ce n’est pas un hasard. Il dérive de la logique interne à la pensée marxiste : en réduisant l’individu à une série de rapports sociaux, Marx était convaincu que la mutation de la société « avec l’expropriation de la classe dominante, avec la chute du pouvoir politique et avec la socialisation des moyens de production » aurait « ipso facto » créé l’homme nouveau. Après une brève phase intermédiaire de dictature, cela aurait été la nouvelle Jérusalem dans laquelle l’homme aurait enfin été lui-même. Les résultats de cette pensée ne se sont pas réalisés. L’échec du marxisme n’a pas été accidentel : il dérive de son matérialisme constitutif, du fait de ne pas avoir compris que « l’homme n’est pas seulement le produit de conditions économiques, et il n’est pas possible de le guérir uniquement de l’extérieur, en créant des conditions économiques favorables » (§21).

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Au cours des deux derniers siècles, l’athéisme a pris des dimensions de masse. Mais dans de nombreux cas, il ne dérive pas, à tout le moins au début, d’un matérialisme conscient. Cela a plutôt été – écrit Benoît XVI – « un moralisme : une protestation contre les injustices du monde et de l’histoire universelle. Un monde dans lequel existe une telle quantité d’injustice, de souffrance des innocents et de cynisme du pouvoir ne peut être l’œuvre d’un Dieu bon. Le Dieu qui aurait la responsabilité d’un monde semblable ne serait pas un Dieu juste et encore moins un Dieu bon. C’est au nom de la morale qu’il faut contester ce Dieu. Puisqu’il n’y a pas de Dieu qui crée une justice, il semble que l’homme lui-même soit maintenant appelé à établir la justice » (§42).

On reconnaîtra dans cette analyse de l’athéisme en tant que moralisme des échos d’un certain progressisme catholique de la moitié du vingtième siècle. Ce dernier ce serait positionné comme la religion du salut individuel et aurait renoncé à poser sur un plan historique universel le problème du sens de l’existence et donc de la souffrance humaine : « Par-là, il a restreint l’horizon de son espérance et n’a même pas reconnu suffisamment la grandeur de sa tâche » (§25 et 22, 42).

Voilà donc l’autocritique à laquelle le Pape invite le christianisme contemporain et voilà pourquoi « Spe salvi » pose à nouveau la grande question de « l’injustice dans l’histoire ». Et les thèmes de l’augustinisme ratzingerien reviennent alors : si « le monde est comme un pressoir », quel sens donner aux souffrances de ceux qui pendant des millénaires ont été « pressés » ? Les philosophies de l’histoire des siècles passés en ont fait le « matériau » sur lequel le progrès construisait laborieusement son chemin : l’homme parvenu à sa perfection aurait pu tourner la tête vers eux et leur dire : « Nous sommes finalement parvenus à notre but, mais si nous le sommes, c’est également grâce à vos tribulation ». Ce qui attribuait une valeur simplement instrumentale à ces innombrables existences, mais il s’agissait quand même d’un certain sens. À présent, avec la crise irréversible de ces conceptions historiques, avec la reconnaissance diffuse que l’histoire n’a pas de « sens », toutes ces vies risquent de perdre définitivement la moindre signification.

La question que Benoît pose à l’homme contemporain est donc la suivante : devons-nous nous résigner au fait que l’injustice ait le dernier mot dans l’histoire humaine ? Que les souffrances des siècles passés et du présent soient sans rachat ? C’est dans cette perspective qu’il parle à nouveau avec force du « jugement final », non pas dans une optique apocalyptico-punitive, mais comme raison d’espérer, susceptible de rétablir un équilibre dans l’économie de l’histoire du monde. « Je suis convaincu – dit-il en se mettant en jeu à la première personne – que la question de la justice constitue l’argument essentiel, en tout cas l’argument le plus fort, en faveur de la foi dans la vie éternelle. Le besoin seulement individuel d’une satisfaction qui dans cette vie nous est refusée, de l’immortalité de l’amour que nous attendons, est certainement un motif important pour croire que l’homme est fait pour l’éternité, mais seulement en liaison avec le fait qu’il est impossible que l’injustice de l’histoire soit la parole ultime, la nécessité du retour du Christ et de la vie nouvelle devient totalement convaincante. »

La perspective du jugement dernier – le Pape insiste également sur ce point – n’implique pas une résignation contre les injustices du présent mais au contraire « appelle à la responsabilité » de chacun (§44), et nous pousse à une éthique qui ne soit pas platement eudémoniste mais à « préférer, même dans les petits choix de la vie quotidienne, le bien à la commodité – sachant que c’est justement ainsi que nous vivons vraiment notre vie ». Une telle éthique « ascétique » nous est parfois indiquée par de nombreuses attitudes charitables contemporaines : « Mais dans les épreuves vraiment lourdes, où je dois faire mienne la décision définitive de placer la vérité avant le bien-être, la carrière, la possession », bref quand la vie est en jeu, « la certitude de la véritable, de la grande espérance, dont nous avons parlé, devient nécessaire » (§39).

L’espérance chrétienne – dans l’encyclique de Benoît XVI – réacquiert ainsi une dimension supra-individuelle, cosmico-historique pourrait-on dire. Elle se présente comme la seule qui soit en mesure de donner un sens à l’histoire universelle.

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