Allemagne : le Nonce Apostolique remet les montres à l'heure (28/02/2023)

Du site de la Conférence des Evêques d'Allemagne :

Mot de bienvenue de l'archevêque Dr. Nikola Eterović, nonce apostolique à l'occasion de l'Assemblée plénière de printemps de la Conférence des évêques d'Allemagne, le 27 février 2023 à Dresde

"Souvenez-vous de vos chefs qui vous ont annoncé la parole de Dieu !
Considérez le résultat de leur vie ! Imitez leur foi !
Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et à jamais.
Ne vous laissez pas égarer par des doctrines ambiguës et étrangères".
(Hébreux 13,7-9)

Éminences, Excellences, chers frères dans l'épiscopat !

Les paroles de l'épître aux Hébreux jettent également une lumière crue sur la situation ecclésiale actuelle. L'appel à la reconnaissance et à la gratitude envers nos supérieurs fait penser à la personne et à l'action du pape émérite Benoît XVI, qui est mort en rendant grâce à Dieu le 31 décembre 2022, dernier jour de l'année. Ce souvenir s'inscrit dans le processus synodal que toute l'Église vit en préparation de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques en octobre 2023 sur le thème : Pour une Église synodale : communion, participation et mission. L'Eglise catholique en Allemagne est sur le point de conclure le Chemin synodal, dont les réflexions seront confiées à une réflexion ultérieure lors du Synode de l'Eglise universelle mentionné. C'est dans ce climat de synodalité que les évêques de la Conférence épiscopale allemande ont effectué leur visite Ad limina Apostolorum du 14 au 18 novembre 2022.

C'est sur ces thèmes que je voudrais m'arrêter brièvement. Je le fais en soulignant la grande importance de la profession de foi christologique de l'auteur de la lettre aux Hébreux : "Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et à jamais !" (He 13,8). A cette confession est liée l'exhortation à rester fidèle au Seigneur Jésus et au dépôt de la foi : "Ne vous laissez pas égarer par des doctrines ambiguës et étrangères" (He 13,9), ce qui signifie les tentations qui accompagnent depuis toujours l'unique sainte Eglise catholique et apostolique.

Le pape Benoît XVI

Le Seigneur de la vie a rappelé à lui son serviteur Joseph Ratzinger - le pape Benoît XVI - le 31 décembre 2022, dans sa 96e année. Né le 16 avril 1927, il a consacré toute sa vie à la recherche du visage du Seigneur Jésus dans l'Église catholique et à la proclamation joyeuse de la beauté de l'Évangile. Il a continué à le faire durant son pontificat du 19 avril 2005 jusqu'à sa démission le 28 février 2013. Dans ce contexte, son œuvre Jésus de Nazareth, publiée durant son pontificat (de 2007 à 2012), est importante. Le Saint-Père François l'a souligné dans son homélie lors des exhortations sur la place Saint-Pierre, en indiquant que le pape Benoît XVI s'est laissé guider par l'Esprit Saint "dans l'effort passionné de communiquer la beauté et la joie de l'Évangile" (cf. Exhortation apostolique Gaudete et exsultate, 57 - Homélie du 5 janvier 2023).

Ce n'est pas le moment d'évoquer la personnalité étonnante et l'œuvre théologique impressionnante du pape Benoît XVI, dont témoigne d'ailleurs l'ensemble de son œuvre. Mon devoir en cette occasion est de remercier, au nom du Saint-Père François, les plus hauts représentants de la République fédérale d'Allemagne, en premier lieu Monsieur le Président fédéral Dr Frank-Walter Steinmeier, pour leur participation aux funérailles du pape d'Allemagne au Vatican. Merci également à tous ceux qui ont participé à la messe de requiem dans leurs archidiocèses/diocèses allemands respectifs et en particulier dans la basilique Saint-Jean-Baptiste de Berlin. Dans la foi en la résurrection des morts et en la vie éternelle, nous nous unissons dans la prière aux paroles du pape François : "Benoît, ami fidèle de l'Époux, que ta joie soit complète lorsque tu entendras définitivement et pour toujours sa voix" (ibid.).

Visite ad limina

Du 14 au 18 novembre 2022 a eu lieu la visite Ad limina Apostolorum des membres de la Conférence épiscopale allemande, c'est-à-dire la visite au Saint-Père et à ses proches collaborateurs de la Curie romaine. Les visites des tombes des saints princes des apôtres Pierre et Paul sont intégrées dans ce voyage. Cette visite a revêtu un caractère particulier, car après avoir rencontré le pape François, les évêques ont ensuite eu un entretien avec les préfets des dicastères de la Curie romaine. Dans ce contexte, deux documents ont été publiés : la déclaration commune du 18 novembre 2022 et la lettre des cardinaux Pietro Parolin, secrétaire d'État, Luis Francisco Ladaria Ferrer, préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, et Marc Ouellet, préfet du dicastère des évêques, datée du 16 janvier 2023. Cette lettre était accompagnée du compte rendu de l'entretien susmentionné entre les évêques allemands et les préfets des dicastères de la Curie romaine.

En ce qui concerne le contenu de ces documents, je me permets d'attirer l'attention sur deux thèmes : l'actualité de l'exhortation apostolique Ordinatio sacerdotalis (I) et la question de l'éventuelle mise en place de nouvelles structures synodales (II).

1) Les trois dimensions de l'Église selon le pape François

Lors de la rencontre avec le Saint-Père François ainsi que lors de la discussion du 18 novembre 2022, le contenu de la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis du 22 mai 1994, adressée par le Saint-Père Jean-Paul II aux évêques catholiques "sur l'ordination sacerdotale réservée aux hommes", a été abordé. Quelques jours plus tard, et en référence à l'échange de vues avec les évêques allemands, le pape François a précisé sa pensée le 28 novembre 2022 dans une interview accordée à la revue American Magazine de la Compagnie de Jésus (SJ). En réponse à l'observation selon laquelle de nombreuses femmes souffrent de ne pas pouvoir être ordonnées prêtres dans l'Église catholique, le Saint-Père a répondu : "C'est un problème théologique. Je crois que nous amputons l'essence de l'Eglise si nous ne prenons en compte que le chemin des ministères ordonnés dans la vie de l'Eglise. Le chemin n'est pas seulement celui du ministère ordonné. L'Église est femme, l'Église est épouse. Nous n'avons pas développé de théologie de la femme qui reflète cela. La dimension du ministère ordonné, nous pouvons le dire, est celle de l'Église pétrinienne. Je me réfère ici à une catégorie théologique spécifique. Le principe pétrinien est celui du ministère. Mais il y a un autre principe encore plus important, dont on ne parle pas, et c'est le principe marial, le principe du féminin dans l'Église, de la femme dans l'Église, dans lequel l'Église se reflète parce qu'elle est femme et épouse. Une Église avec uniquement le principe pétrinien serait une Église dont on pourrait penser qu'elle se réduit au ministère ordonné, rien de plus. Au lieu de cela, l'Église est bien plus que cela. Elle est le peuple de Dieu tout entier, l'Église est femme, l'Église est épouse. Ainsi, la dignité de la femme se reflète sur ce chemin". (American Magazine, 28 novembre 2022, d'après la traduction anglaise).

A ces deux dimensions mariale et pétrinienne, l'évêque de Rome en a ajouté une troisième, dite administrative : "Et puis il y a un troisième aspect : celui de l'administration ... qui n'est pas une affaire théologique, mais l'affaire d'une administration normale. Et dans ce domaine, je pense que nous devons donner plus de place aux femmes. Ici, au Vatican, tous les endroits où nous avons nommé des femmes fonctionnent mieux. Au Conseil économique, par exemple, il y a six cardinaux et six laïcs. Il y a deux ans, j'ai nommé cinq femmes parmi ces six laïcs ; et cela a été une révolution. Le vice-gouverneur du Vatican est une femme. Lorsqu'une femme se lance dans la politique ou dirige des choses, elle réussit généralement mieux. Beaucoup d'économistes sont des femmes, et ces femmes renouvellent l'économie de manière constructive. Il y a donc trois principes, deux de nature théologique et un de nature administrative. Le principe pétrinien représente la dimension du ministère ordonné, mais l'Église ne peut pas fonctionner uniquement avec cela. Le principe marial, c'est celui de l'Église sponsale, de l'Église comme épouse, de l'Église comme femme. Et puis il y a le principe de l'administration, qui n'est pas théologique.

Et pourquoi une femme ne peut-elle pas entrer dans le ministère ordonné ? Parce que le principe pétrinien n'offre pas de place pour cela. Oui, c'est vrai, nous devons être dans le principe marial, qui est plus important. La femme est plus, elle ressemble plus à l'Église, qui est femme et mère. Je pense que nous avons trop souvent échoué dans notre catéchèse lorsque nous avons expliqué ces aspects. Nous nous sommes trop appuyés sur le principe administratif pour expliquer, ce qui ne fonctionne pas à long terme. C'est une explication très succincte, mais je voulais mettre en avant les deux principes théologiques : le principe pétrinien et le principe marial, qui constituent l'Église. En ce sens, le fait que les femmes n'entrent pas dans la vie des ministères n'est pas un défaut : non. Leur place est une place bien plus importante, et nous devons encore développer cela de manière catéchétique dans le sens du principe marial". (ibid.)

2) La structure synodale de l'Église

Le Synode des évêques offre un bon exemple d'une telle structure dans l'Église catholique. Les assemblées synodales organisées par le Secrétariat général du Synode des évêques sont des événements ponctuels dans la vie de l'Église catholique, qui atteignent leur point culminant lors des assemblées générales, qui durent en général trois semaines et sont présidées par le Saint-Père. Depuis l'institution du Synode des évêques en 1965, 29 assemblées générales ont été tenues à ce jour : trois assemblées générales extraordinaires, onze assemblées générales spéciales et quinze assemblées générales ordinaires. Bien entendu, chaque assemblée nécessite un temps de préparation puis de mise en œuvre des propositions qui seront retravaillées et confiées au Saint-Père en vue de la publication d'un document, généralement une Exhortation Apostolique Post-Synodale. A cet effet, avant la fin d'une assemblée synodale, certains membres sont élus, en général 12 à 15, dans un Conseil ordinaire, extraordinaire ou spécial. Cela se fait plus régulièrement pour le Conseil ordinaire, car les Assemblées générales ordinaires sont plus fréquentes. En plus d'assister le Saint-Père dans la préparation de l'Exhortation Apostolique Post-Synodale, ce Conseil a également pour tâche de préparer l'Assemblée Générale Ordinaire suivante, convoquée en général tous les trois ans. Au début de la nouvelle Assemblée générale ordinaire, le mandat du Conseil ordinaire susmentionné prend fin, notamment parce qu'un nouveau Conseil est élu à la fin de l'Assemblée synodale et reste en fonction, en règle générale, pendant les trois années suivantes. Dans tous les cas, le conseil susmentionné a une fonction consultative et, comme nous l'avons mentionné, sa durée est limitée.

Si l'on voulait transposer cette pratique à la réalité de la voie synodale de l'Église catholique en Allemagne, il faudrait, par analogie et pour une durée limitée, mettre en place un comité synodal à caractère consultatif chargé d'évaluer les documents, car le manque de temps ne permet pas une étude approfondie pendant la voie synodale. S'il s'agit de décisions importantes, ces documents devraient être approuvés par une majorité des deux tiers des membres de la Conférence épiscopale allemande.

Mais surtout, la synodalité dans l'Église est plus une question d'esprit et de style que de structures. Plutôt que de créer de nouvelles institutions, au risque d'accroître encore la bureaucratie, il convient de faire vivre dans un esprit synodal les organismes diocésains déjà existants, tels que le Conseil presbytéral, le Collège des consulteurs, le Conseil pastoral ou le Conseil pour les affaires économiques, etc. C'est également le sens de la lettre déjà mentionnée des trois cardinaux du 16 janvier 2023 aux évêques allemands, qui a été approuvée in forma specifica par le Saint-Père François. J'ai donc été chargé d'office de préciser que, selon une interprétation correcte du contenu de cette lettre, même un évêque diocésain ne peut pas ériger un conseil synodal au niveau diocésain ou paroissial.

Éminences, Excellences, chers confrères, nous vivons des temps dramatiques dans l'histoire de l'humanité, marquée par tant de guerres - certains parlent actuellement de 59 conflits armés dans le monde -, dont l'agression de la Fédération de Russie en Ukraine nous concerne de manière particulière en raison de la proximité géographique en Europe et de ses conséquences dans le monde. Dans ce contexte historique difficile, l'unité de l'Église catholique apparaît d'autant plus comme le grand trésor, notamment pour la paix dans le monde et l'unité de l'humanité. Nous ne voulons donc pas renforcer les forces centrifuges, mais l'unité entre les évêques, qui "sont le principe visible et le fondement de l'unité dans leurs Églises particulières" (Lumen gentium, 23) et avec le pape à Rome, qui "en tant que successeur de Pierre, est le principe visible perpétuel et le fondement de l'unité de la multiplicité des évêques et des fidèles" (ibid.). Cette unité dans l'amour a son fondement en Jésus-Christ, qui "est le même hier, aujourd'hui et à jamais" (He 13, 8).

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