L'importance et la pratique de l'avortement en Belgique (rapport 2020-2021) (03/03/2023)

Institut Européen de Bioéthique

Rapport avortement 2020-2021 en Belgique : note de synthèse

16.702 avortements ont été déclarés en 2021 en Belgique d’après le nouveau rapport de la Commission nationale d’évaluation de l’interruption volontaire de grossesse (ci-après “la Commission”). On note une légère hausse par rapport à 2020 où la Commission avait recensé 16.585 avortements déclarés. (...) Cependant, si on ajoute à ce chiffre le nombre de femmes belges qui ont recouru à l’avortement aux Pays-Bas (371) et les déclarations d’avortements introduites trop tard et qui ne sont pas comptabilisées (157), on obtient 17.095 avortements pour 2021. Ces chiffres sont à prendre avec un certain recul car la Commission souligne qu’elle est « tributaire des données qui lui sont fournies ».

Rapport de la Commission nationale d’évaluation de l’interruption volontaire de grossesse

(Note de synthèse de l'Institut Européen de Bioéthique)

2020-2021

16.702 avortements ont été déclarés en 2021 d’après le nouveau rapport de la Commission nationale d’évaluation de l’interruption volontaire de grossesse (ci-après “la Commission”). On note une légère hausse par rapport à 2020 où la Commission avait recensé 16.585 avortements déclarés. Cependant, si on ajoute à ce chiffre le nombre de femmes belges qui ont recouru à l’avortement aux Pays-Bas (371) et les déclarations d’avortements introduites trop tard et qui ne sont pas comptabilisées (157), on obtient 17.095 avortements pour 2021. Pour 2021, cela correspond à 7.8 femmes (1) pour 1000 femmes en âge de procréer qui ont eu recours à l’avortement. La province du Hainaut (9,9) et la région de Bruxelles (10,4) affichent le taux d’avortement le plus élevé. Ces chiffres sont à prendre avec un certain recul car la Commission souligne qu’elle est « tributaire
des données qui lui sont fournies ».

Les raisons du recours à l’avortement

Un quart des femmes (4 687) ayant avorté en 2021 ont expliqué leur démarche par le fait que «la grossesse n’(était) pas souhaitée ». Ce chiffre - le plus important évoqué dans les raisons personnelles qui conduisent à un avortement - est intéressant à rapprocher de l’état civil des femmes ayant recours à l’avortement. En 2021, 60% d’entre elles sont célibataires ce qui peut expliquer que la grossesse n’est pas souhaitée et illustre aussi l’importance de la stabilité d’un couple pour accueillir un enfant.

Par ailleurs, 3 210 (13.6%) femmes déclaraient pour leur part avoir une « famille complète ». A noter que 9 avortements ont été pratiqués entre 2020 et 2021 en raison du sexe de l’enfant(hors contexte médical).

À la suite de la nouvelle loi du 15 octobre 2018 qui supprimait la condition de détresse chez la femme, la Commission précise dans le document d’enregistrement d’un avortement que le médecin n’est plus tenu d’en mentionner les raisons. Or, c’est une interprétation de la Commission que d’associer la condition de détresse à la mention d’une raison pour l’avortement. La Commission est chargée par la loi d’évaluer la pratique de l’avortement dans le pays, et de ce fait est en droit de demander au médecin d’indiquer la ou les raisons qui ont amené la femme à avorter.

Ainsi, plus de 600 déclarations d’avortement n’ont mentionné aucune raison permettant de comprendre le choix de la femme. Il est dès lors difficile de poser un juste diagnostic sur les circonstances qui ont poussé les femmes à avorter. De nombreux centres rapportent que les « problèmes socio-économiques », les « difficultés familiales importantes », des « situations administratives irrégulières » ou des « situations psychosociales complexes » sont à l’origine de beaucoup de demandes d’avortement.

Ces situations appellent plus de temps et de moyens pour éclairer le choix de la femme. Or, les centres proposent de raccourcir le délai de réflexion à 48h et d’allonger le délai pour avorter sans raison médicale jusqu’au deuxième trimestre.

 

Dépassement du délai de 12 semaines

Le rapport mentionne que les femmes ayant dépassé le délai légal de 12 semaines de grossesse pour avorter sont dirigées vers des « structures relais » qui les prendront en charge à l’étranger. Si le délai légal étranger est dépassé, ces femmes se voient encouragées à choisir un accompagnement par des organismes afin de poursuivre leur grossesse et choisir si besoin l’adoption. On peut regretter que cet encouragement n'intervienne pas avant la proposition de se rendre à l’étranger pour contourner le délai légal belge.

D’autre part et depuis vingt ans, le nombre de femmes belges recourant à un avortement aux Pays-Bas est en constante diminution : contre 1 473 femmes en 2000, cette situation ne touchait plus que 371 femmes belges en 2021. Par ailleurs, le rapport ne mentionne aucune information scientifique expliquant la démarche de ces femmes.

Contraception

Le rapport présente des statistiques fouillées sur l’utilisation des méthodes de contraception en fonction de l’âge, de l’état civil, de critères familiaux et sociaux. 56% des femmes ayant recouru à l’avortement utilisaient une méthode de contraception. On lit aussi que 18% des femmes utilisaient correctement leur méthode de contraception lorsqu’elles sont tombées enceintes. Tout en soulignant qu’elle n’est pas efficace à 100%, les centres d’avortement préconisent de renforcer les moyens et l’accès à la contraception. Par ailleurs, une des raisons invoquées pour étendre les délais de l’avortement jusqu’au deuxième trimestre est que les femmes enceintes sous contraception n’ont pas de règles et découvrent trop tard leur grossesse. Ainsi donc, d’une part la contraception n’empêcherait pas toutes les grossesses non désirées qui se terminent par un avortement. D’autre part, cette même contraception, dans l’hypothèse où les délais pour avorter seraient allongés, conduirait à plus d’avortements chez les femmes sous contraceptifs qui découvrent leur grossesse plus tardivement.

Ce constat illustre bien les limites de la contraception comme mesure phare pour prévenir l’avortement.

Age des femmes

L’âge moyen des femmes qui ont recouru à l’avortement pendant ces deux années est de 29 ans. La plupart d'entre elles avaient entre 25 et 35 ans. On aperçoit une nette baisse du nombre d’avortements pour la tranche d’âge de 15-29 ans depuis les années 2010-2011, et une relative stagnation pour la tranche d’âge 30-39 ans.

Méthodes d’avortement et complications

Le recours à la pilule abortive (avortement chimique) comme méthode d’avortement est en nette augmentation et atteint 38% (contre 29% en 2019) des avortements. (Voy. à l'égard de ce procédé le Flash Expert de l’IEB)

Un peu plus de 1% des femmes ayant avorté ont subi des complications, toutes méthodes d’avortement confondues. En 2021, 116 femmes ont souffert de pertes de sang supérieures à ½ litre, 4 femmes ont souffert de perforations de l’utérus, 4 femmes de déchirure du col utérin.122 femmes ont souffert d’autres complications parmi lesquelles la rétention et des restes placentaires, l’hémorragie, les saignements abondants, les fortes douleurs ou crampes abdominales insupportables, une septicémie et une embolie pulmonaire, un arrêt cardiaque, un problème neurologique, un malaise vagal, …

Avortements pour raisons médicales

144 avortements pour raison médicale (dits « IMG ») au-delà de 12 semaines ont été rapportés à la Commission en 2021. Parmi les « périls graves » invoqués pour la femme, on retrouve notamment la « situation psychosociale difficile (indication psychiatrique) », ainsi que la décompensation psychique, et parmi les « affections graves et incurables de l’enfant », la Trisomie 21.

La Commission souligne que les avortements réalisés pour raisons médicales sont sous-déclarés et dans un rapport précédent, elle estimait qu’il fallait multiplier ce chiffre par 8 au minimum sur la base des statistiques d’EUROCAT. La Commission rappelle à cet égard que ces IMG devraient lui être
déclarées.

L’avortement, « une pratique (…) parfois lourde à porter »

Un hôpital rapporte que « certains gynécologues ressentent un sentiment de saturation psychologique et émotionnelle car ils sont soumis à de très nombreuses demandes d’interruptions de grossesse ». En cause, « la pratique récurrente de l’acte (qui) est parfois lourde à porter ». Malgré cet avertissement en provenance du terrain et la présence de complications comme énoncé plus haut, les centres préconisent d’introduire dans les facultés de médecine, un « module de formation sur les centres de planning, l’interruption de grossesse et la contraception (en ce inclus le rapport coût-efficacité) ». Ceci permettrait de pallier le manque de médecins pratiquant des avortements.

D’autre part, les centres et la Commission proposent de renforcer la possibilité pour les femmes de recourir aux interruptions de grossesse médicamenteuses à domicile. La difficulté évoquée par les gynécologues à propos de la pratique de l’avortement serait donc de façon préoccupante davantage reportée sur les femmes.

Deux recommandations « phares » de la Commission 

La Commission propose d’accroître « l’accessibilité de la contraception, en ce compris d’urgence et de longue durée ». Elle propose ainsi d’autoriser la délivrance sans ordonnance de la pilule d’urgence par le personnel médical et les sage-femmes.

Pour favoriser l’accès à l’avortement et surtout pallier le manque de personnel, la Commission préconise aussi que les sage-femmes puissent réaliser les deux méthodes d’avortement (chimique et chirurgical). Cette ouverture de la pratique de l’avortement aux sage-femmes interroge sur la généralisation d’un acte que les médecins eux-mêmes qualifient de lourd à porter.

Recommandations du Dr Chantal Kortmann

Le rapport de la Commission se termine par l’exposition des recommandations (minoritaires) de l’un de ses membres, le Docteur Chantal Kortmann. Le Dr Kortmann invite les décideurs politiques à rééquilibrer l’information donnée aux femmes en présentant davantage les solutions alternatives comme l’adoption. Ceci permettrait de prendre le temps de mûrir son choix et d’envisager toutes les possibilités en dehors de la pression des délais pour l’avortement.

Afin de garantir une réelle liberté de choix aux femmes concernant la contraception, le Dr Kortmann propose de diversifier les méthodes en faisant connaître aussi une contraception non hormonale comme la méthode Sensiplan® (2). Cette méthode devrait être remboursée au même titre que la contraception hormonale.

Pour une analyse approfondie de la pratique de l’avortement en Belgique, voy. Dossier de l’IEB : Avortement – 28 ans d’application de la loi en Belgique

1 Taux obtenu en multipliant par 1000 le nombre de femmes en âge de procréer et en divisant le nombre obtenu par le nombre de femmes domiciliées de la même catégorie.

2 Sensiplan® est une méthode naturelle basée sur la symptothermie qui permet aux femmes, par l’observation des signes de leur corps, de déterminer les jours fertiles et infertiles.

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