L'évêque d'Anvers à la remorque du chemin synodal allemand (10/03/2023)

D'Ilse Van Halst sur kerknet.be (Relevant) :

L'évêque Bonny en Allemagne : "Le processus synodal est un processus d'essais et d'erreurs".

8 MARS 2023

Du 9 au 11 mars, Mgr Johan Bonny, évêque d'Anvers, participera en tant qu'observateur à une session de la Voie synodale.

Du 9 au 11 mars, l'évêque Johan Bonny participera à nouveau en tant qu'observateur à une session de la Voie synodale, le processus de réforme que l'Église catholique en Allemagne a entamé en 2019. Il l'avait déjà fait à l'automne 2022. La Conférence épiscopale allemande invite toujours quelques observateurs de l'étranger. C'est ainsi que la question est entrée dans notre conférence épiscopale. "Je l'ai abordée parce que la synodalité et le fait que l'Église allemande soit la première à s'y engager me fascinent beaucoup", explique notre évêque.

"Lors de la session d'automne de la Voie synodale à Francfort, il y avait une certaine tension dans l'air", se souvient Mgr Bonny. "En effet, lors de cette quatrième session, certains documents étaient soumis au vote dans leur version finale. Ils avaient déjà été discutés en profondeur, pesés, soupesés et amendés. On s'attendait donc à ce qu'ils soient approuvés". Et en effet, le premier texte, le plus innovant, sur les relations humaines, la formation de la famille et la sexualité, a été largement approuvé par plus de 80 % des personnes présentes, évêques compris. Pourtant, un fléchissement s'en est suivi. "Il fallait également une majorité des deux tiers parmi les évêques, un accord conclu afin de reconnaître également le magistère de l'Église dans le vote", a expliqué M. Bonny. "Avec un peu moins de 60 % des voix, le texte n'a finalement pas pu être approuvé.

Questions

Ce moment de crise a soulevé de nombreuses questions. Pourquoi les évêques en désaccord n'ont-ils pas déposé d'amendements ? Ne se sont-ils pas parlé ? De plus, il s'est avéré qu'il y avait une majorité des deux tiers parmi les évêques, mais pas parmi les évêques auxiliaires, qui sont en Allemagne environ deux fois plus nombreux que les évêques. Les évêques pourraient-ils alors être supplantés dans leur prise de décision par leurs évêques auxiliaires ?

Un nouvel instrument

Certains de ces éléments donnent à réfléchir sur la méthode. "Cela montre que chaque processus synodal est un processus d'apprentissage, d'essais et d'erreurs, simplement parce qu'il s'agit d'un nouvel instrument dans l'action de l'Église", a déclaré M. Bonny. Les évêques allemands ont tiré des leçons de ce moment de crise. Ils ont appris qu'il faudrait une meilleure coordination, qu'ils auraient peut-être dû amender davantage, qu'il ne faut pas mettre immédiatement tous les thèmes sur la table, que les décisions les plus difficiles ne devraient peut-être pas être prises en premier, qu'en tant qu'épiscopat, ils ont une responsabilité, que les textes actuels ne sont pas des documents canoniques, mais des textes qui soutiennent le processus synodal mondial... Tous les autres textes ont été approuvés.

La voie à suivre

Deux semaines plus tard, notre évêque était à nouveau invité, cette fois à la réunion de la Conférence épiscopale allemande, pour partager ses impressions sur la Voie synodale. "L'Allemagne a été le fer de lance du lancement de la Voie synodale en 2019. Il était inévitable que cela entraîne des tensions. Car l'Église allemande avait besoin et doit élaborer des méthodologies qui n'existent pas encore : comment réunir laïcs, prêtres et religieux dans une large assemblée nationale autour de nouveaux thèmes, comme la relation et la sexualité ou les questions de genre. Et ce, dans un contexte fortement marqué par les abus dans l'Église allemande, qui peine à reconstruire une image crédible."

Seulement trois ans plus tard, le pape François, déjà inspiré depuis sa prise de fonction par une dynamique qui veut impliquer tout le monde, a exhorté l'Église mondiale à un synode sur le thème. "D'une part, le pape confirme ainsi que la voie synodale est celle de l'avenir pour l'Église. D'autre part, Rome s'adresse régulièrement à l'Église allemande. Cela crée une impasse et c'est dommage", estime Mgr Bonny, "car de toute façon, cette voie synodale allemande est un exercice concret de la synodalité dont parle le pape François. Quand on veut être sérieux dans un processus synodal, on se retrouve avec les méthodologies de travail, les thèmes, et à l'Ouest, même les conclusions de ce synode allemand."

Bonny poursuit : "Nous ne devons pas être angéliques. L'événement et les méthodologies s'inventent en même temps. Tant la Voie synodale que le Synode des évêques sur la synodalité se heurteront à leurs aléas et à leurs limites. C'est le prix de l'apprentissage que nous payons aujourd'hui pour une nouvelle dynamique dans l'Église. Tout comme lors du Concile Vatican II, nous avons payé des frais de scolarité pour la collégialité des évêques. À l'époque, tous les documents préparés ont été balayés de la table dès les premières sessions. D'ailleurs, personne n'aurait pu imaginer qu'il y aurait quatre ans de sessions agitées".

Vatican II

Pour M. Bonny, le processus synodal est une étape logique après le Concile Vatican II. "Le Concile contient des prémices de la doctrine de l'Église qui n'ont pas été développées plus avant. Ils sont présents en bref, mais aucun modèle n'a jamais été associé à leur réalisation pratique. Prenons le concept de 'peuple de Dieu'. Lumen Gentium, la Constitution sur l'Église, a élaboré la théologie du peuple de Dieu. Mais jusqu'à présent, ce peuple de Dieu rassemblé n'a jamais eu d'existence en tant que sujet. C'était le cas pour les sous-groupes, tels que les religieux, les prêtres, les laïcs ou les missionnaires, mais le peuple en tant que sujet total n'a jamais reçu de forme opérationnelle. C'est précisément ce qui est aujourd'hui sur la table".

Pour que cela devienne une réalité, M. Bonny estime qu'une dynamique conciliaire doit être lancée. "Cependant, cela ne peut pas prendre la forme d'un Vatican II, comme une sorte de répétition, mais avec une plus grande portée. Ce serait outrageusement clérical et ne refléterait pas la diversité de la vie réelle, ce qui est précisément ce que le pape veut faire ressortir avec le synode des évêques sur la synodalité. Nous avons besoin d'un nouveau type de concile", affirme l'évêque. "C'est pourquoi je considère que des exercices préliminaires tels que le processus synodal actuel sont nécessaires au développement de la vie et du travail communautaires dans l'Église. Un processus synodal avec une dynamique partagée par les évêques, les religieux, les laïcs et tout le peuple de Dieu, avec une dynamique diversifiée dans laquelle la spécificité des pays et des continents peut être abordée - ne serait-ce que parce que les questions sur les relations, la famille, l'écologie, la justice sociale ? sont différentes pour chaque pays et continent - et avec une dynamique œcuménique avec d'autres Églises et chrétiens, qui sont plus que de simples observateurs".

Synthèse

En ce sens, l'évêque se réjouit de la synthèse publiée par le Secrétariat du Synode des évêques à Rome des rapports soumis par les conférences épiscopales européennes, qui a été discutée en février, juste après la mise sous presse de ce numéro. "Non pas parce qu'il s'agit du meilleur résumé possible, mais parce que le format, dans lequel toutes les Églises ont la parole, recherche des fils conducteurs, tout en tenant compte du contexte par pays et par continent", a déclaré M. Bonny. "L'un de ces fils conducteurs est la question des femmes dans l'Église. Chez nous, cette question est tout à fait à l'ordre du jour, alors qu'ailleurs, elle arrive parfois en deuxième ou troisième position. Nous devrons en discuter, tout en tenant compte de la diversité. Dès que vous commencerez à parler, il s'avérera que les positions sur les thèmes soulevés dans le texte de synthèse diffèrent davantage dans la réalité. Ainsi, vous ferez bientôt partout l'expérience de ce que l'Allemagne vit actuellement, à savoir que des tensions apparaîtront, que ce soit au sein de votre propre Église, entre les Églises ou avec Rome".

Entre-temps, le pape a ajouté une année supplémentaire au processus synodal, mais en gardant à l'esprit que Vatican II a finalement duré quatre ans, cela ne suffira pas, prédit M. Bonny. En outre, dans cette quête de synodalité, il faudra également travailler sur la relation entre la synodalité du peuple de Dieu et la collégialité des évêques. En effet, les évêques ont leur propre autorité et doivent pouvoir formuler une politique commune. Leur collégialité se situe précisément entre la primauté de l'évêque de Rome, le pape François, qui garantit l'unité de l'Église mondiale, et le dynamisme vivant du peuple de Dieu rassemblé."

Vivre d'abord, philosopher ensuite

Il va sans dire qu'il s'agit là d'un exercice d'équilibre difficile. "Mais, affirme Bonny avec optimisme, le meilleur signe que cette synodalité commence à fonctionner quelque part, c'est que les questions et les tensions font surface. En attendant, il espère que notre pays suivra les traces de l'Allemagne. "Nous sommes sur la même longueur d'onde en ce qui concerne tous les thèmes qui y sont discutés. Si l'on traduit les textes allemands en néerlandais, on entre directement dans le vif du sujet. Seulement, nous n'avons pas la même capacité d'organisation que nos collègues allemands. L'individualité belge joue également un rôle. "La vie ne change pas si on en parle différemment, mais si on la fait différemment", estime Bonny. "Primum vivere, deinde philosophari - d'abord vivre, ensuite philosopher - tel est l'adage que nous suivons. Il ne s'agit pas de grands mots, il faut sentir avec son cœur et son bon sens quelle est la meilleure solution, et ensuite la mettre en œuvre".

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