Un juif et un chrétien face à l’euthanasie : «  la fin de vie n’est pas absurde  » (10/03/2023)

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Propos recueillis par Fabrice Madouas ( site web de France Catholique, vendredi 10 mars 2023) :

« Face au rouleau compresseur de la mort programmée, les opposants peinent à se faire entendre. Quels arguments utiliser pour réveiller la conscience [des Français] ? Débat entre Grégor Puppinck, juriste et catholique, et Elie Botbol, médecin et talmudiste.

Les sondages et le vote intermédiaire de la Convention citoyenne sur la fin de vie laissent entendre que les Français seraient favorables à la légalisation de l’euthanasie. Qu’en pensez-vous ?

Élie Botbol : Les sondages donnent un état de l’opinion à l’instant T, qui n’est pas forcément éclairé par une réflexion préalable. La Convention citoyenne me paraît un outil plus intéressant : elle est censée nourrir la réflexion de ses membres en leur fournissant des données objectives aussi bien que des avis. Elle permet la confrontation des arguments. Cela dit, ses premières conclusions me semblent refléter surtout l’esprit de transgression propre aux sociétés sécularisées. Les vents dominants peuvent influencer aussi le jugement…

Grégor Puppinck : Il y a ce que l’on dit, et il y a ce que l’on vit. En matière de fin de vie, il est prudent de distinguer les idées de l’expérience. Une personne peut avoir une conviction quand elle est en bonne santé et changer d’avis à l’approche de la mort : on aurait tort de ne pas en tenir compte.

Cela étant, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière d’euthanasie et de suicide assisté me paraît refléter assez bien l’état de l’opinion publique occidentale : choisir les conditions de sa mort serait un droit reconnu à tous ceux qui voudraient, selon les juges européens, éviter une fin de vie indigne et pénible. Ce «  droit  » est donc justifié par la peur de la déchéance physique et morale. Comment expliquer cette peur sinon par l’absence, par la disparition de l’espérance ? J’y vois la conséquence de la sécularisation de la société, et de sa médicalisation. La sécularisation rend la vie absurde, la médicalisation la prolonge. Il n’est pas étonnant que la population, face à l’absurdité de la vie, et plus encore d’une fin de vie subie, veuille exprimer ce qui lui reste d’humanité en décidant de sa mort. D’un point de vue matérialiste, maîtriser sa mort, c’est exprimer sa volonté, c’est donc agir humainement en prenant le contrôle de sa vie dans ses ultimes instants. Subir sa mort serait inhumain et absurde, la décider serait humain et volontaire. À cette évolution, qui peut sembler inéluctable, j’oppose l’expérience de la fin de vie de nos proches, qui peut nous montrer que la fin de vie n’est pas absurde, malgré ce que l’on en dit.

Les partisans du suicide assisté fondent leur revendication sur la liberté de l’homme ; ceux qui défendent l’euthanasie disent agir par compassion, pour abréger les souffrances. Ces arguments vous semblent-ils recevables ?

B.Je crois qu’il faut revenir aux fondamentaux. Si l’on considère la vie pour ce qu’elle nous apporte de jouissances, il est logique qu’on soit prêt à y mettre un terme dès lors qu’elle procure plus de désagréments que de joies. Mais si l’on considère que la vie est un bien en soi, qu’elle a une valeur propre, alors les sacrifices qu’entraîne la fin de vie, les abandons auxquels oblige la vieillesse, sont plus facilement acceptés. Et cela nous renvoie à ce que dit la Bible – que l’homme est à l’image de Dieu. C’est fantastique ! Cela signifie que la vie de l’homme est indisponible, et que la vie du corps et celle de l’esprit sont indissociables. Si la vie participe du divin, si la vie ne se résume pas à nos humaines contingences, si elle est si grande qu’elle échappe à notre échelle de valeur, alors l’homme ne doit la «  manipuler  » qu’avec d’extrêmes précautions, à son début comme à sa fin. Si l’on considère la vie comme un bien inaltérable, inaliénable, incessible, alors nous sommes prêts à trouver les moyens de rendre sa fin acceptable en la sublimant, en y associant les valeurs de réparation ou de rédemption.

Ref.  la fin de vie n’est pas absurde  

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