Les conquérants et colonisateurs espagnols ne sont-ils venus en Amérique que pour piller et décimer ses peuples ? (26/04/2023)

De Claudia Peiró sur Herodote.net :

L'Histoire bafouée

La langue espagnole victime de la « légende noire »

25 avril 2023.

La « légende noire » (leyenda negra) née dans l’Amérique anglo-saxonne, raciste et ségrégationniste, fait son grand retour en Amérique latine, le continent par excellence du métissage. Comme dans le reste de l'Occident, les blancs (ici les Espagnols) s'y voient accusés des pires méfaits au nom de la cancel culture et à l'encontre de la vérité historique…

Lors du dernier Congrès international de la langue espagnole (Cadix, 27-30 mars 2023), deux orateurs, un Argentin et un Mexicain, journalistes et écrivains, ont proposé de changer le nom de la langue espagnole au motif qu'il est parlé dans plus de vingt pays et que la langue espagnole, qui est à proprement parler le « castillan », serait une langue coloniale imposée « par le sang et le feu ».

Dans de nombreuses villes des États-Unis, animées par des communautés italiennes, le Columbus Day ou « Jour de Colomb » était célébré chaque année le deuxième lundi d'octobre : ​​c'était une source de fierté qu'un Génois - Christophe Colomb - ait été le premier Européen à fouler le sol américain le 12 octobre 1492. Mais en 2017, cette célébration a été annulée dans certaines villes comme Los Angeles.

En Argentine aussi, l'iconoclasme anti-hispanique a conduit en 2014, sous la présidence de Cristina Kirchner, au déplacement du monument érigé en hommage à Christophe Colomb devant la Casa Rosada, siège du gouvernement national. Cet ensemble de sculptures était un don de la communauté italienne.

Ce changement soudain de perspective vient de la montée des revendications identitaires et de la nouvelle sensibilité woke

Main dans la main avec le mouvement afro-américain Black Lives Matter, qui a gagné en force à partir de 2014, le wokisme a émergé aux États-Unis, de l'anglais woke ou awake, c'est-à-dire « éveillé » et lucide sur les injustices sociales, les discriminations et le racisme. Il s'est concentré sur la détection des préjugés cachés ou innés : par exemple, le blanc naît privilégié à cause de sa couleur de peau et s'il ne l'avoue pas, c'est qu'il est raciste ; un homme qui a des gestes chevaleresques ou courtois envers une femme se rend coupable d’une forme de machisme. Et ainsi de suite.

L'autre leitmotiv du wokisme est l'exigence de repentir et une demande de pardon pour les crimes commis dans le passé. Sans se soucier de tomber dans l'anachronisme, les militants des groupes identitaires et même les gouvernants exigent le mea culpa public des descendants de ceux qui dans le passé auraient exploité, soumis et discriminé les ethnies et autres minorités que les « éveillés » prétendent représenter.

D'où la renaissance de la « légende noire » : elle postule, à l'encontre de la réalité historique, que les conquérants et colonisateurs espagnols ne sont venus en Amérique que pour piller et décimer ses peuples, commettant vols, destructions et génocides. Le plus piquant est que cette légende a été formulée il y a déjà plusieurs siècles par les Anglo-Saxons qui, eux, ont pour de bon exterminer leurs Indiens.

un extrait :

L’acclimatation de la « légende noire » en Amérique latine tient à l'influence culturelle des États-Unis (soft power) mais aussi à la montée des mouvements populistes de gauche dans les deux premières décennies de ce siècle. À la présidente argentine Cristina Kirchner, qui a lancé la vindicte contre Christophe Colomb, s'ajoutent le Bolivien Evo Morales qui a promu un racisme rétrograde et revanchard, et plus récemment, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador, fils d'immigrés espagnols qui ne se lasse pas d'exiger des excuses du roi d'Espagne et de l'évêque de Rome. (...) 

Les gouvernements hispano-américains ne voient pas que la « légende noire » nie leur Histoire. En effet, à la différence de l’Amérique anglo-saxonne, toutes les nations hispaniques sont le résultat du métissage issu de la Conquête et voulu par les gouvernants espagnols. Ces nations doivent leur spécificité à des décisions comme celle des Rois Catholiques d’accorder aux Indiens le statut de vassaux de la Couronne, d’interdire leur asservissement et, surtout de favoriser le métissage dès le départ. « Mariez des Espagnols avec des Indiennes et des Indiens avec des Espagnoles », ordonna Isabelle de Castille en 1503 à Nicolás Ovando, gouverneur d'Hispaniola (aujourd'hui la République dominicaine et Haïti), jugeant les mariages mixtes « légitimes et recommandables car les Indiens sont des vassaux libres de la couronne espagnole ».

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