BELGICATHO

François et la présidente du conseil italien ont pris la parole, vendredi, lors d'un colloque romain à propos d'une démographie italienne en chute libre.

C'est une première. Giorgia Meloni et le pape François se sont retrouvés sur une même tribune romaine, vendredi 12 mai, pour participer aux «Etats Généraux de la Natalité». Si l'immigration oppose la première ministre, souverainiste, à l'évêque de Rome, le dossier de la natalité les réunit. L'auditorium de la Conciliation où ils se sont exprimés, elle vêtue d'un long tailleur blanc crème, le pape en soutane blanche, n'a jamais aussi bien porté son nom, en tout cas pour la natalité. Le sujet est capital pour le pape, il l'évoque sans cesse. Il est une «priorité» nationale, tous partis confondus désormais, dans la péninsule italienne.

Les chiffres, de fait, sont plus qu'alarmants : Entre 2008 et 2022, les naissances ont chuté de 68% en Italie. En 2022, le pays a connu 719.000 décès pour 393.000 naissance, soit 1,81 décès pour 1 naissance. Si la baisse de la natalité italienne se poursuivait, il y aurait bientôt deux décès pour une naissance en Italie… En dix ans, ce pays vient d'ailleurs de perdre 1,5 million d'habitants. Le président de l'Istat, l'institut italien de la statistique, Giancarlo Blangiardo, a confirmé que les 59 millions d'Italiens actuels ne seront plus que 48 millions dans quatre décennies.

Pour sa part, Gianluigi De Palo, président de La Fondation pour la Natalité qui organise ce colloque national depuis trois ans pour alerter l'opinion, a annoncé une conséquence concrète pour le système scolaire : «il manquera 110.000 étudiants à la rentrée prochaine». Dans dix ans, les étudiants passeront de 7,4 millions à 6 millions. L'objectif, pour cette fondation, serait de retrouver d'ici 2030, le niveau de «500.000» naissances par an. Ce qui était celui de 2014.

Dans son intervention, Giorgia Meloni a rappelé les mesures financières déjà prises. Elles sont fiscales notamment car le système en place défavorisait les familles. Elles sont sociales même si c'est son prédécesseur, Mario Draghi, qui lança en 2021 des allocations familiales, inexistantes jusque-là ! Elles sont politiques, enfin, avec un «ministère de la famille, de la natalité et de l'égalité des chances» qu'elle a créé pour marquer une «priorité qui dépasse les partis» puisque la natalité est «une valeur ajoutée» pour «tous les secteurs d'activités du pays». C'est pourquoi «encourager la natalité n'est pas un caprice, ni accorder un privilège, mais c'est une question d'avenir», a-t-elle martelé, appelant à une «inversion de tendance» contre «la culture dominante» dont elle refuse «la camisole de force idéologique.»

Assis à ses côtés, le pape François avait déjà participé l'an passé à ces rencontres en présence de Mario Draghi. Il a confirmé : «nous nous trouvons face à une culture peu amie, sinon ennemie, de la famille». Et a lancé de concert : «nous ne pouvons pas accepter passivement que tant de jeunes aient tellement de mal à concrétiser leur rêve de fonder une famille et se contentent de substituts médiocres : faire de l'argent, viser la carrière, voyager, se garder jalousement son temps libre.»

Tout cela conduit, selon le pape, à créer une «société de la fatigue» où dominent «des aspirations individuelles enracinés dans l'égoïsme qui portent à la fatigue intérieure et qui anesthésie les grands désirs.» François, pour finir, s'est érigé contre «la grisaille et le pessimisme stérile» et s'est réjoui de voir «le monde de la politique, de l'entreprise, des banques, du sport, du spectacle, du journalisme réunis ensemble pour réfléchir sur la façon de passer de l'hiver au printemps démographique et recommencer à naître, non seulement physiquement mais intérieurement.»

Présidente du parti Fratelli d'Italia, Giorgia Meloni, ouvertement catholique, n'avait pas ménagé ses critiques sur le pontificat lors de la campagne électorale qui l'a conduit au pouvoir fin septembre 2023. Sa victoire avait fortement inquiété le Vatican qui était plutôt à son aise avec le président du Conseil précédent, Mario Draghi. Giorgia Meloni fut toutefois reçue en audience protocolaire par le pape le 10 janvier 2023.