La "méthode Tucho Fernandez" : tordre le cou à la doctrine en transformant la doctrine en pratique (11/11/2023)

De Tommaso Scandroglio sur la Nuova Bussola Quotidiana :

La "méthode Tucho" : tordre le cou à la doctrine par la pratique

Dans une frénésie de fuite en avant, ce qui était perçu hier encore comme hérétique, sera jugé évangélique par la conscience collective. Synodalement ou non, à condition de rompre avec le passé...

11_11_2023

Revenons au document signé par le pape François et le cardinal Víctor Fernández, préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, et intitulé 'Réponses à certaines questions de S.E. Monseigneur José Negri, évêque de Santo Amaro, concernant la participation au sacrement du baptême et du mariage des transsexuels et des personnes homo-affectives' (3 novembre 2023). De nombreuses réflexions pourraient être formulées à ce sujet : nous n'en proposons ici que quelques-unes.

À première vue, il semblerait que la réponse du cardinal Fernández soit la mise en œuvre de l'esprit du Synode qui vient de s'achever. Et ce, principalement pour deux raisons. La première concerne le thème très cher aux pères, frères et sœurs synodaux : l'homosexualité et la transsexualité. La deuxième raison concerne l'approche du problème : pas d'interdiction, seulement de la permission. Une approche également typique du Synode, ouvert à l'accueil, pour dire la vérité, pas indiscriminé, mais très discriminant : feu vert pour le nouveau ; feu rouge pour tout ce qui sent l'ancien.

En réalité, les paroles de Mgr Fernández ne sont pas la mise en œuvre du synode, bien au contraire. C'est à ce dernier, ainsi qu'à son second volet en octobre prochain, qu'il incombe de mettre en œuvre ce qui a été décidé au sommet. Essayons de mieux nous expliquer. Depuis des années, le Magistère ordinaire adopte des positions, disons, désinvoltes à l'égard de la doctrine saine et droite. Cette orientation, pleine d'orientations hétérodoxes, qui est le fait non seulement du Pontife, mais aussi des dicastères, des conseils pontificaux, etc., doit devenir la sève de la pastorale universelle, doit être mise en œuvre de manière capillaire du Brésil à l'Australie, de la Pologne au Canada. Par conséquent, l'une des tâches du Synode est de faire de ce que le Magistère ordinaire a enseigné ces dernières années une pastorale universelle concrète. Et cela se fera, comme beaucoup l'ont déjà compris, en initiant des processus, c'est-à-dire non pas tant en changeant la doctrine, mais en commençant à transformer la doctrine en pratique.

A force de fuir en avant, ce qui était perçu comme hérétique hier encore, la conscience collective le jugera évangélique. Dans cette perspective, les paroles du préfet sont une indication pastorale précise que tous les évêques, appelés à marcher ensemble, devront mettre en œuvre. Le post-synode doit donc traduire les commandements d'en haut en actions concrètes et diffusées dans le monde entier. Le magistère ordinaire est la tête, les évêques sont le bras. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons dire que le Synode sera parmi nous.

Deuxième réflexion. Le révolutionnaire, par définition, rompt avec le passé, est contre la tradition. Le révolutionnaire en soutane est aussi contre la tradition, mais pour être efficace, c'est-à-dire pour pouvoir faire son travail de subversion des coutumes et de la foi, il doit rassurer tout le monde en disant qu'il respecte la tradition. Ainsi, il ne fera peur à personne et obtiendra du crédit. C'est le stratagème rhétorique de l'antiphrase, mais sans emphase ni ironie : dire une chose pour exprimer son contraire. La réponse du cardinal Fernández est en ce sens paradigmatique. Il évoque saint Thomas, saint Augustin, saint Jean-Paul II et des déclarations antérieures de la Congrégation pour la doctrine de la foi, mais à tour de rôle et en omettant d'autres citations de ces textes, parfois même présentes dans les mêmes documents mentionnés par le même cardinal.

La citation de Thomas, qui se demande si le baptême produit ses effets propres en l'absence d'une disposition adéquate de la part de la personne qui demande le baptême (cf. Summa Theologiae, III, q. 69, a. 9), est exemplaire à cet égard. L'Aquinate répond que le baptisé acquiert le caractère sacramentel, mais pas la grâce. Ce qui pour Thomas est donc une irrégularité à ne pas permettre - mais qui, si elle est permise, produira quand même les effets susmentionnés - entre les mains du cardinal Fernández devient une opportunité à proposer aux personnes homosexuelles et transsexuelles qui, en pleine conscience, ne veulent pas abandonner leur style de vie, lesquelles homosexuelles et transsexuelles, nous rappelle Thomas, comme le Code de droit canonique, ne peuvent s'approcher du baptême parce que leurs choix de vie sont incompatibles avec les conditions minimales requises pour recevoir ce sacrement. C'est-à-dire que leur conduite de vie exprime déjà leur rejet de la grâce qu'ils voudraient recevoir des lèvres. Ce serait une contradiction dans les termes.

L'article suivant, de Gianfranco Svidercoschi - édité par la rédaction de 'Il sismografo', aborde la même problématique :

L'Eglise face aux parrains et témoins trans et homo. Qu'est-ce qui a changé en huit ans de magistère ?

Pour ce qu'il vaut, je dois dire que le document de la Congrégation pour la doctrine de la foi - sur la possibilité pour les personnes trans d'être baptisées et d'agir en tant que parrains ou marraines lors du baptême - m'a laissé très perplexe. Et ce pour deux raisons.

La première, d'ordre général. Si le Christ aime tous les hommes, même avec leurs péchés, et que l'Église, comme le répète souvent le pape François, ouvre ses portes à " tous, tous, tous ", je ne comprends pas pourquoi le département du Vatican en charge des problèmes doctrinaux devrait faire un document spécialement pour les transsexuels. Comme s'il s'agissait d'une "catégorie" à part. Comme si Jésus les aimait un peu moins que les hétérosexuels. N'y a-t-il pas là, même involontairement, quelque chose de "discriminatoire" ? Si une personne trans veut recevoir le baptême, ou être parrain ou marraine, le bon sens pastoral du curé n'est-il pas suffisant pour déterminer s'il y a ou non un risque de scandale, et donc s'il faut ou non accepter la demande ?

Deuxième motif de perplexité. Début septembre 2015, la Congrégation pour la doctrine de la foi, en réponse à la question d'un évêque espagnol, avait répondu que " les transsexuels ne peuvent pas être parrains ".

Ainsi, en l'espace de huit ans, le même dicastère a donné deux versions complètement différentes, en citant à chaque fois des documents de François, "Laudato sì" en 2015 et "Evangelii gaudium" aujourd'hui.

Mais qu'est-ce qui a changé en huit ans pour que le jugement soit si différent ?

Pour le dire positivement, il y a peut-être eu une meilleure interprétation de la doctrine relative à la transsexualité. Ou peut-être, pour le dire avec malice, il y a eu l'arrivée du cardinal Fernandez à la tête de l'ancien Saint-Office : un loyaliste de Bergoglio, l'éditeur de ses textes les plus importants, un théologien aux idées avancées et un ennemi juré des écoles de théologie européennes.

Mais, au-delà de la spéculation, ne peut-on pas demander au Saint-Siège un peu plus de cohérence et de transparence ? Pourquoi ne pas expliquer les raisons du changement de jugement ? Pourquoi faire "disparaître" le document de 2015 de la liste officielle des textes de la Congrégation ? Bref, pourquoi ne pas considérer les conséquences que de tels événements ont sur tant de croyants, créant confusion, perplexité et souffrance ?

09:57 | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook | |  Imprimer |