Bénir des couples en situation irrégulière ou des couples de même sexe sans donner l'impression que l'Église ne valide pas leur activité sexuelle est une mascarade (20/12/2023)

Du Père Thomas G. Weinandy, OFM, Cap., sur The Catholic Thing :

Bénédictions divines et enseignement du Magistère

19 décembre 2023

Hier, le cardinal Víctor Manuel Fernández, préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, a publié une Déclaration, avec l'approbation signée du Pape François, intitulée Fiducia Supplicans, " Sur la signification pastorale des bénédictions ".  Cette déclaration articule l'importance des bénédictions dans une perspective biblique, historique et ecclésiale.

La déclaration précise qu'elle "reste ferme sur la doctrine traditionnelle de l'Église sur le mariage, n'autorisant aucun type de rite liturgique ou de bénédiction similaire à un rite liturgique qui puisse créer de la confusion". La valeur de ce document, cependant, est qu'il offre une contribution spécifique et innovante à la signification pastorale des bénédictions, permettant d'élargir et d'enrichir la compréhension classique des bénédictions, qui est étroitement liée à une perspective liturgique".

Ainsi, la Déclaration veut maintenir l'intégrité doctrinale de la bénédiction donnée dans le cadre du sacrement de mariage, tout en autorisant une bénédiction qui est " liée ", mais non similaire, à une bénédiction liturgique donnée dans le cadre du mariage, afin de ne pas créer de confusion entre les deux. La Déclaration s'enorgueillit que cette disposition "implique un réel développement" qui est en accord avec la "vision pastorale" du Pape François. Elle poursuit : "C'est précisément dans ce contexte que l'on peut comprendre la possibilité de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe sans valider officiellement leur statut ni modifier de quelque manière que ce soit l'enseignement pérenne de l'Église sur le mariage."  On perçoit ici la véritable raison pour laquelle cette Déclaration a été rédigée : bénir les "couples en situation irrégulière" et bénir les "couples de même sexe".

La Déclaration développe ces deux situations.  Dans le cadre de cette vision pastorale "apparaît la possibilité de bénédictions pour les couples en situation irrégulière et pour les couples de même sexe, dont la forme ne doit pas être fixée rituellement par les autorités ecclésiales afin d'éviter toute confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage".

Néanmoins, bien que ces bénédictions "ne prétendent pas à une légitimation de leur statut", elles "demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et leurs relations soit enrichi, guéri et élevé par la présence de l'Esprit Saint". La Déclaration considère que ces bénédictions sont en accord avec ce que l'on appelle traditionnellement la "grâce réelle". "Le but de cette grâce est "que les relations humaines puissent mûrir et grandir dans la fidélité à l'Evangile, qu'elles puissent être libérées de leurs imperfections et de leurs fragilités, et qu'elles puissent s'exprimer dans la dimension toujours croissante de l'amour divin".

Dans tout ce qui précède, il y a l'apparence de la raison, mais aussi beaucoup de jargon, de sophismes et de tromperies. Tout d'abord, la Déclaration professe que ce qui est offert est un développement de la doctrine en accord avec la "vision pastorale" du Pape François.  Dans son Essai sur le développement de la doctrine, saint John Henry Newman fournit des critères pour juger ce qui est vrai et ce qui est un développement doctrinal erroné (une "corruption").  En fin de compte, conclut-il, c'est l'infaillibilité de l'Église qui valide un développement authentique.

Newman émet toutefois une hypothèse, bien qu'effrayante.  Que se passerait-il si un concile ou un pape enseignait une doctrine qui contredirait un concile ou un pape précédent ?  Newman déclare que cela réduirait à néant la notion de développement doctrinal, car qui serait alors capable de juger ce qui est authentiquement révélé et ce qui ne l'est pas ?

L'hypothèse alarmante de Newman n'est plus aussi hypothétique aujourd'hui.  Malgré ses affirmations contraires, la Déclaration contredit de manière flagrante l'enseignement magistériel permanent de l'Église concernant les mariages irréguliers et l'activité sexuelle des couples de même sexe. Doit-on conclure, avec Newman, qu'un tel enseignement éradique la notion même de développement doctrinal et, en fin de compte, la notion même de vérité doctrinale ?

Je propose ici une thèse que Newman n'a pas envisagée et qui me semble importante dans le contexte ecclésial actuel.  Newman présume que tout enseignement pontifical ou enseignement des évêques concernant la doctrine et la morale est magistériel. Je propose que tout enseignement pontifical ou enseignement des évêques qui contredit ouvertement et délibérément l'enseignement pérenne des précédents conciles et pontifes n'est pas un enseignement magistériel, précisément parce qu'il ne s'accorde pas avec l'enseignement doctrinal magistériel antérieur.

Le pape ou un évêque peut être, en vertu de sa fonction, un membre du magistère, mais son enseignement, s'il contredit l'enseignement reçu précédemment du magistère, n'est pas magistériel. Un tel faux enseignement ne répond tout simplement pas aux critères nécessaires.  Il ne possède aucun titre d'autorité ecclésiale.  Il s'agit plutôt d'une déclaration ambiguë ou défectueuse qui tente ou prétend être magistérielle, alors qu'elle ne l'est pas.

Deuxièmement, bénir des couples en situation irrégulière ou des couples de même sexe sans donner l'impression que l'Église ne valide pas leur activité sexuelle est une mascarade.  Tous ceux qui assistent à ces bénédictions savent, sans l'ombre d'un doute, que ces relations sont de nature sexuelle.  Personne n'est dupe.  En fait, ils se réjouissent que ces relations sexuelles soient bénies. C'est le but de ces bénédictions.  Ce n'est pas leur abstinence sexuelle qui est bénie, mais leur indulgence sexuelle.

Troisièmement, si les couples en situation irrégulière et les couples homosexuels peuvent être bénis, ce qui ne peut être béni, et donc validé, c'est le péché dans lequel ils sont engagés.  Il est impossible de bénir un acte immoral, et tenter de le faire est un blasphème, car on demande au Dieu tout-puissant de faire quelque chose qui est contraire à sa nature - la sanction du péché.

De plus, bénir les mariages irréguliers et les couples de même sexe, dans le but d'authentifier leur activité sexuelle, est un affront et une dévalorisation du sacrement du mariage lui-même.  De telles bénédictions portent atteinte à la dignité du mariage, signe sacramentel de l'union indissoluble entre le Christ et son Église.

Bien que le document "Sur la signification pastorale des bénédictions" soit bien intentionné, il porte atteinte à la nature même des bénédictions.  Les bénédictions sont les grâces remplies de l'Esprit que le Père accorde à ses enfants adoptifs qui demeurent en son Fils, Jésus-Christ, ainsi qu'à ceux qu'il désire voir devenir tels. Tenter d'exploiter immoralement les bénédictions de Dieu, c'est se moquer de sa bonté et de son amour divins.

Thomas G. Weinandy, OFM, auteur prolifique et l'un des théologiens vivants les plus éminents, est un ancien membre de la Commission théologique internationale du Vatican. Son dernier livre est le troisième volume de Jesus Becoming Jesus : A Theological Interpretation of the Gospel of John : The Book of Glory and the Passion and Resurrection Narratives (Interprétation théologique de l'Évangile de Jean : le livre de la gloire et les récits de la passion et de la résurrection).

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