"Che tempo fa?" (chaîne milanaise Nove) : une nouvelle interview du pape François (15/01/2024)

D'Avvenire :

La guerre, les enfants, l'Eglise. Le Pape chez Fazio : priez pour moi, pas contre moi

14 janvier 2024

Près d'une heure d'interview pour François. "La démission ? Une possibilité, mais pas une pensée, ni un désir". La réforme la plus importante pour l'Eglise ? "Celle du cœur".
    
"Je vous demande de prier pour moi, pour que j'aille toujours de l'avant, pour que je ne manque pas à mon devoir. Mais s'il vous plaît, priez pour, et non contre, merci !" L'ironie avec laquelle le pape François a conclu le long entretien avec Fabio Fazio a suscité les applaudissements de l'assistance, pour un moment de télévision qui ne s'arrête pas à la seule émission.

Assis avec derrière lui l'image de la "Madone qui défait les nœuds", icône chère au pape François qui en a encouragé la diffusion, l'entretien sur "Che tempo che fa" a résumé et relancé le sens et l'esprit du pontificat. Nœuds inclus.

Depuis la Casa Santa Marta, le Pape François s'est connecté aux studios milanais de la chaîne 'Nove'. Environ 55 minutes pour réitérer un réquisitoire très sévère contre les seigneurs de toutes les guerres, les producteurs d'armes, ces "faiseurs de mort" que le pape François désigne comme les principaux promoteurs et bénéficiaires de chaque conflit. Et avec eux, les dirigeants qui décident de commander des armes, sans se soucier du sort de leurs soldats et des victimes civiles. En particulier les enfants, exploités, exploités, tués et souvent oubliés. Et ce sont précisément les plus petits, en vue de la Journée mondiale de l'enfance convoquée par le Pape pour le mois de mai prochain, qui ont été les protagonistes de l'interview télévisée.

Le souverain pontife a rappelé que des enfants ukrainiens accompagnés de leurs parents lui avaient rendu visite un mercredi. "Ils ont vu la guerre mais aucun d'entre eux n'a souri", a déclaré François. "Les enfants sourient spontanément" mais ils "avaient oublié le sourire" et quand "un enfant oublie un sourire, c'est criminel".

Pour le pontife, la guerre n'est pas un événement lointain, même géographiquement. "Chaque jour, j'appelle la paroisse de Gaza et on me raconte les choses terribles qui se passent. Combien de morts chez les Arabes et combien de morts chez les Israéliens, deux peuples appelés à être frères qui se détruisent l'un l'autre ?

En prime time, des paroles ont été diffusées qui ont même fait de l'interview un moment de catéchèse, avec le langage direct et profond de François. Le pape a répondu aux questions de M. Fazio pour réaffirmer certains thèmes clés du pontificat. À commencer par la "miséricorde" et le "pardon", sans lesquels même l'Église ne peut ouvrir ses portes "à tous, sans exclusion".

M. Fazio a rappelé au pape les critiques dont certains de ses choix font souvent l'objet. C'est le cas du récent document sur la bénédiction des personnes vivant en union irrégulière ou homosexuelle. Des critiques que le pape attribue au fait de "ne pas être informé" avant de juger. (1)

La démission de Bergoglio, parfois évoquée et espérée par certains, est tout simplement hors de question. C'est ce qu'a répété le souverain pontife, qui a répondu en faisant taire les déductions et en révélant certains projets sur lesquels le Saint-Père travaille avec ses collaborateurs. Je suis toujours en vie", a-t-il encore plaisanté, et la démission n'est donc "ni une pensée ni un souhait". La démission est une possibilité ouverte pour tous les papes, mais elle n'est pas au centre de mes pensées". Les projets d'avenir sont tracés. Un voyage en Polynésie est prévu à l'automne et à cette occasion, il aimerait se rendre en Argentine, son pays bien-aimé pour lequel il ne cache pas une certaine "préoccupation".

Les moments n'ont pas manqué où le pape François a rappelé ses racines italiennes, racontant que sa langue maternelle n'était pas l'espagnol mais le piémontais qu'il avait appris de ses grands-parents à Buenos Aires. La ville dont il a été l'archevêque et dans laquelle, a-t-il confié, il n'a refusé le pardon qu'une seule fois en 54 ans de sacerdoce, "à cause de l'hypocrisie de la personne". Un mal, au même titre que l'envie, que le Pape cite parmi les grands virus qui intoxiquent les relations et construisent cette "culture de la rancœur" qui déclenche la haine et le conflit.

Après le temps du Jubilé de la Miséricorde, le Pape François est revenu sur une mission qui lui est chère, celle des prêtres chargés du sacrement de la réconciliation : "Je dis toujours aux confesseurs : vous pardonnez tout et vous traitez les gens avec une grande bonté comme le Seigneur nous traite. Ensuite, si vous voulez aider les gens, vous pouvez parler et les aider à aller de l'avant, mais pardonnez à tout le monde. Depuis 54 ans que je suis prêtre, c'est une confession, 54 ans que je suis prêtre, je suis vieux ! Au cours de ces 54 années, je n'ai refusé le pardon qu'une seule fois, à cause de l'hypocrisie de la personne. Une fois. J'ai toujours tout pardonné, mais aussi en sachant que cette personne rechutera peut-être, mais le Seigneur nous pardonne. Aidez-la à ne pas rechuter ou à moins rechuter, mais pardonnez toujours".

Quelle est la réforme la plus importante pour l'Église ? François n'en doute pas : "Il faut réformer le cœur chaque jour, changer le cœur. C'est un travail quotidien. Lorsque nous ressentons une certaine méchanceté dans le cœur, l'envie par exemple, ce vice jaune, comme j'aime à l'appeler, qui ruine toutes les relations, nous devons nous repentir et changer le cœur en permanence. Nous devons nous repentir et changer le cœur continuellement et être attentifs à ce qui se passe dans mon cœur pour changer. Changer et ensuite changer les structures, les structures doivent être changées parce que l'histoire continue. Les choses qui étaient bonnes au siècle dernier ne le sont plus aujourd'hui. Mais la vraie liberté est de les changer, parce qu'elles ne sont pas des choses absolues en elles-mêmes, mais relatives au moment historique".

Et puis, un appel à la protection des laissés-pour-compte, en particulier les migrants et les réfugiés. "Avec le problème des migrants, il y a tant de cruauté, dans le traitement de ces migrants, depuis le moment où ils quittent leurs maisons jusqu'à leur arrivée en Europe.

(1) Crux Now précise :

Le pape a également évoqué la récente controverse suscitée par la déclaration du Dicastère pour la doctrine de la foi intitulée "Fiducia Supplicans : Sur la signification pastorale des bénédictions", publiée le 18 décembre, qui autorise les pasteurs à donner des bénédictions spontanées, non liturgiques, aux couples en situation irrégulière, y compris les couples divorcés et remariés et les couples de même sexe.

Après la publication de la déclaration, les critiques se sont multipliées, accusant le pape d'hérésie, tandis que ses partisans saluaient une avancée significative dans l'action pastorale en faveur de la communauté LGBTQ+.

Certaines conférences épiscopales ont salué cette décision, tandis que d'autres, notamment l'ensemble de l'Afrique, ont refusé de bénir les couples de même sexe, en tant que couples ou en tant qu'individus, en invoquant des sensibilités culturelles et la possibilité de créer une confusion.

Dans son interview, le pape François a déclaré que, parfois, "les décisions ne sont pas acceptées" et que les gens ne comprennent pas vraiment ce qu'ils critiquent.

"Le danger, la chose que je n'aime pas, c'est d'arriver à de vilaines conclusions", a-t-il dit en faisant référence aux accusations d'hérésie, au lieu de "parler, d'exprimer des doutes et de poursuivre une discussion fraternelle".

C'est ce qui s'est passé avec Fiducia Supplicans et il a insisté, comme il l'a souvent fait, sur le fait que "le Seigneur bénit tout le monde, tout le monde, tout le monde, tous ceux qui viennent". Tout le monde".

"Ensuite, les gens doivent voir quel chemin le Seigneur leur propose, mais nous devons les prendre par la main et les aider à parcourir ce chemin, et non les condamner dès le début. C'est l'action pastorale de l'Église", a-t-il déclaré.

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