7 000 adultes ont été baptisés dans la nuit de Pâques. Depuis 10 ans, le nombre de personnes demandant à devenir chrétiennes a fortement augmenté. Le journaliste et écrivain Jean-Pierre Denis, s’interroge sur ce paradoxe : l’image de l’Eglise semble atteinte et, pourtant, un printemps de la foi se dessine.
31/03/2024
Qu’est-ce qu’un catholique, pardon, « un catho » ? Une sorte de benêt réactionnaire, un peu méchant, un peu sénile, qui marmonne des textes abscons, préfère la messe à la grasse matinée et s’obstine à obéir à une secte rétrograde dont la principale activité est de couvrir des abus sexuels. Ce dévot-là n’a que trois obsessions : interdire aux femmes de faire ce qu’elles veulent de leurs corps, empêcher les personnes LGBT de mener leur vie et obliger les malades à souffrir le plus longtemps possible. Ce catho-là est, logiquement, le dernier des Mohicans, un démodé, un poussiéreux. Pour ne rien arranger, cet ahuri n’a pas compris que Jésus n’a jamais existé, puisque ainsi Michel Onfray l’affirme. Cela vous fait envie ? Comment ça, non ? À moi non plus, cela dit, maintenant que j’y songe.
Et voilà que le nombre d’adultes qui ont été baptisés au cours de la vigile pascale fait un bond sans doute jamais vu, comme La Croix l’a relevé. Depuis plusieurs mois d’ailleurs, les capteurs catholiques sentent d’ailleurs qu’il se passe quelque chose, qui échappe au discours officiel sur la société française. Dans certains diocèses, comme à Montpellier, les catéchumènes ont été cette année deux fois plus nombreux que l’an dernier. C’est choquant ! On aurait pu prévenir ! Comment ces gens peuvent-ils vouloir tomber dans le bénitier quand tout est fait pour les en dissuader, et quand ils ne savent même plus ce qu’est un bénitier ? Ces nouveaux catholiques surgis de nulle part ignorent-ils l’image que les médias et les réseaux sociaux véhiculent ? Ont-ils demandé l’autorisation à l’administration de la société sécularisée ? Sont-ils mal informés ? Manipulés ? Après tous les efforts déployés pour les dégoûter, ils y mettent sans doute de la mauvaise volonté. Que fait la police ?
Nul ne sait si le printemps de la foi durera. Il y a parfois de ces gelées tardives qui vous mettent à bas une jolie floraison et hop ! finie la récolte que l’on fantasmait. En attendant, Dieu se rit. C’est écrit dans les psaumes, d’ailleurs : « Les rois de la terre se dressent, les grands se liguent entre eux contre le Seigneur et son messie : faisons sauter nos chaînes, rejetons ces entraves ! Celui qui règne dans les Cieux s’en amuse. »
Le facétieux Créateur se moque tout autant de nos plans pastoraux, probablement, si j’en juge par nos résultats. Dieu va chercher les « cathos » où ça lui chante, et même là où nous ne chantons pas. Ne lis-je pas dans Le Pèlerin l’humble témoignage d’un jeune assistant parlementaire que le Messie est venu chercher quand il avait douze ans ? Le jeune homme s’est acheté clandestinement un évangile avec ses petites économies, et le mal était fait : le voici chrétien. Il n’est pas le seul à qui semblable mésaventure soit arrivée, même en politique, de la France insoumise à Reconquête en passant par toutes les couleurs, j’en connais.
L’Évangile nous le dit pourtant : les disciples s’éparpillent quand le temps se fait noir. Dans la Passion selon saint Marc, seuls deux marginaux confessent en geste ou en mot la messianité du Christ. Une femme brise un vase de parfum précieux sur la tête de Jésus, et quand tout est achevé dans le plus effarant des échecs le flic de garde — un centurion romain, même pas catholique de toujours — proclame le crucifié « Fils de Dieu ». Et si, au fond, ils étaient les plus grands théologiens, ces nouveaux chrétiens qui ne connaissent rien à rien, mais rien, vraiment rien ? C’est au plus bas que le très-haut se laisse toucher. Quand l’Église est par terre et que nous, les disciples canal historique, nous errons hébétés au milieu des dernières pierres qui tombent, c’est le bon moment pour entrer dans le club des loosers. Tout cela sent les commencements.