Les souffrances silencieuses du peuple Amhara en Éthiopie (27/04/2024)

De l'ECLJ :

Les souffrances silencieuses du peuple Amhara en Éthiopie

26 avril 2024

Le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) vient de publier un rapport détaillé sur « La souffrance silencieuse du peuple Amhara en Éthiopie » (The Silent Suffering of the Amhara People in Ethiopia). Ce travail présente un examen approfondi des graves problèmes et violations des droits de l'homme auxquels est confrontée la communauté Amhara en Éthiopie, tout en soulignant la persécution des chrétiens impliqués dans ces crises.

Sur la base de ce rapport, l'ECLJ a soumis un mémoire pour la 47e session de l'Examen Périodique Universel (EPU), afin de discuter de l'état des droits de l'homme en Éthiopie. En effet, l'ECLJ bénéficie du Statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations unies.

Le rapport fait état de nombreux incidents importants survenus dans le pays, notamment une série d'attaques contre des chrétiens, le massacre de Burayu, les massacres de Shashemene et de multiples assassinats ciblés dans le Wollega et la zone de Metekel. En expliquant et détaillant ces violations, le rapport met également en lumière le déplacement forcé de la communauté Amhara, en particulier dans les zones situées autour de la capitale. Ces déplacements, souvent justifiés par le gouvernement sous couvert de projets de développement urbain, ont touché de manière disproportionnée les non-Oromos, ce qui indique une discrimination ethnique.

En outre, le rapport décrit les opérations militaires dans la région Amhara, en particulier après la déclaration de l'état d'urgence en août 2023. Ces opérations ont été marquées par des attaques de drones contre des populations civiles dans des villes telles que Finote Selam[1], Quarit et Dembecha[2], qui ont fait de nombreuses victimes civiles, y compris des femmes et des enfants. L'utilisation de drones contre des populations non combattantes dans ces zones soulève de graves inquiétudes quant au respect par le gouvernement éthiopien du droit international humanitaire et des droits de l'homme.

Le rapport met également en évidence les exécutions extrajudiciaires et sommaires, avec de nombreux récits d'incidents de ce type survenus au cours d'opérations militaires. Ces opérations impliquent souvent des perquisitions de porte à porte, au cours desquelles les personnes soupçonnées de soutenir les groupes d'opposition sont exécutées sans aucune forme de procès. Il est inquiétant de constater que ces actions ont également visé des personnalités religieuses et des étudiants.

Les arrestations massives ont aggravé la situation, des milliers d'Amhara étant détenus sous le prétexte de maintenir la sécurité. Ces arrestations, souvent dépourvues de base légale, ont conduit à des centres de détention surpeuplés, où les détenus seraient soumis à des conditions difficiles et n'auraient qu'un accès limité aux soins médicaux. Ces soins de santé inadéquats auraient contribué à une épidémie de choléra en septembre 2023, entraînant plusieurs centaines de décès dans ces centres de détention[3].

Le rapport aborde également la persécution des chrétiens. Il fait état de l'incendie et de la destruction de plus de 30 églises entre 2018 et 2019. Le schisme au sein de l'Église orthodoxe éthiopienne en janvier 2023 a exacerbé ces persécutions, causant d'importantes pertes parmi les croyants, et illustrant l'enchevêtrement des tensions religieuses et ethniques en Éthiopie. En outre, le rapport fait état d'incidents violents récents contre les chrétiens, notamment dans la zone Arsi de la région d'Oromia où, en novembre 2023, une série d'attaques a entraîné la mort de 36 chrétiens orthodoxes. Des attaques similaires se sont poursuivies en décembre 2023, entraînant la mort d'une douzaine d'autres croyants. En outre, le 16 février 2024, quatre ecclésiastiques ont été enlevés et assassinés, l'Église attribuant ces actes à l'Armée de libération oromo (OLA). Ces actes d'agression contre les chrétiens, qui sont détaillés dans le rapport, constituent de graves violations du droit fondamental à la liberté de religion.

Le Centre européen pour le droit et la justice plaide pour une enquête impartiale menée sous l'égide des Nations unies, visant à faire la lumière sur les graves violations des droits de l'homme rapportées. Il appelle la communauté internationale pour demander à l’Éthiopie de rendre des comptes en matière de justice et de protection des droits de l'homme pour toutes les communautés touchées en Éthiopie. Pour ce faire, il est nécessaire de mener une enquête approfondie et crédible sur les abus présumés, afin de jeter les bases d'actions ultérieures. L’ECLJ espère que ce rapport y contribuera.

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[1] “Ethiopie : plus de vingt personnes tuées dans une frappe aérienne », Le Monde avec l’AFP, 14 août 2023.

[2] Ethiopia Observer, "Air strike kills at least 30 in Dembecha, Quarit," September 19, 2023.

[3] APA News, "Ethiopia: Cholera Outbreaks Hit Several Concentration Camps," September 16, 2023.

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