L’ECLJ mobilise l’ONU au soutien des chrétiens d’Algérie (06/07/2024)

De l'ECLJ :

Le 2 juillet 2024, le Centre européen pour le droit et la justice a organisé une conférence au Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève pour plaider la cause des chrétiens d’Algérie, persécutés en raison de leur foi par le gouvernement algérien. Parmi les intervenants à cette conférence figurent l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, les Rapporteuses spéciales des Nations unies sur la liberté de religion et la liberté d’association, ainsi que le vice-président de l’Église protestante d’Algérie (voir la vidéo de la conférence, en anglais uniquement).

Voici notre entretien exclusif avec l’ambassadeur Xavier Driencourt, sur la situation des chrétiens en Algérie.

Retrouvez également notre entretien avec le Pasteur Youssef Ourahmane, sur notre chaîne YouTube.

Plusieurs missions diplomatiques auprès des Nations unies ont manifesté un intérêt particulier pour cette cause, en particulier des représentants de la Belgique, des États-Unis, des Pays-Bas, de la Suède et de la Suisse. Cette conférence était coorganisée avec Jubilee Campaign, ONG défendant elle aussi les chrétiens persécutés.

En Algérie, les restrictions de la liberté de réunion pacifique et d’association privent les chrétiens de la liberté d’exprimer et d’exercer leur foi.

L’Algérie compte environ 144 000 chrétiens sur une population totale de 46 millions d’Algériens. Ces chrétiens sont en majorité de nationalité algérienne et se sont convertis au christianisme durant les dernières décennies.

Alors que la Constitution algérienne garantit en principe la liberté d’expression, la loi algérienne condamne pénalement tout ce qui peut tendre à « convertir un musulman à une autre religion » ou à « ébranler la foi d’un musulman »[1]. Quant à la liberté de conscience, elle a été retirée de la Constitution en 2020[2].

Enfin, la législation sur les associations et l’exercice des cultes autres que musulman est appliquée de façon arbitraire. Les autorités algériennes n’accordent plus le statut d’association religieuse aux églises évangéliques. Elles ne reconnaissent plus leurs lieux de culte et les ferment abusivement.

 

En conséquence, aujourd’hui, 43 des 47 églises de l’Église protestante d’Algérie (EPA) sont fermées, et au moins 18 chrétiens sont sous le coup de condamnation à des peines de prison[3] en raison de leur religion, notamment son vice-président, le Pasteur Youssef Ourahmane, qui a été condamné en appel le 2 mai 2024 à un an de prison ferme, six mois avec sursis, et 100 000 dinars d’amende pour avoir célébré un culte non autorisé. L’ECLJ s’est mobilisé à son soutien (voir la tribune dans le Figaro[4]). Il attend son procès en cassation.

 

L’Église catholique, dont les fidèles sont très majoritairement étrangers et d’origine subsaharienne, souffre aussi de ces restrictions qui l’obligent à la plus grande discrétion et lui interdisent d’annoncer l’Évangile ouvertement. Tout catholique quelque peu prosélyte s’expose à des poursuites pénales et au risque d’être expulsé, s’il n’est pas de nationalité algérienne. L’Église catholique en était réduite à témoigner seulement par la Charité. Mais cela lui est aussi interdit à présent, depuis que le gouvernement algérien a imposé la fermeture de l’organisation Caritas Algérie, le 1er octobre 2022. L’archevêque d’Alger Jean-Paul Vesco a déclaré vouloir ne pas « entrer en conflit avec les autorités » et « continuer à faire du bien sans faire de bruit »[5].

En conséquence, l’Algérie fait aujourd’hui partie des pays qui respectent le moins la liberté de religion. L’Algérie est classée en 15e position dans l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2024[6] et figure depuis 2021 sur la liste des pays à surveiller de près de la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF) « pour avoir commis de graves violations de la liberté de religion »[7].

Les experts de l’ONU demandent à l’Algérie de respecter les libertés d’association et de religion des chrétiens d’Algérie

Face à l’ampleur du drame que vivent les chrétiens d’Algérie, nous avons mobilisé deux Rapporteuses spéciales de l’ONU. La Rapporteuse spéciale sur la liberté d’association, Gina Romero, a présenté le rapport de son prédécesseur Clément Voule, qui avait effectué une visite en Algérie en septembre 2023. Il s’agissait de la première visite d’un Rapporteur spécial depuis 2016 et donc depuis le début du Hirak, le mouvement qui a fait descendre dans la rue des centaines de milliers d’Algériens réclamant des réformes politiques en février 2019.

Le rapport soulève la difficulté majeure de la restriction de la liberté d’association pour les associations religieuses en Algérie, et donc pour les églises[8]. L’Église protestante d’Algérie, fondée en 1972 par l'union de plusieurs églises réformées déjà présentes dans le pays, officiellement agrée en 1974, n’a jamais pu renouveler son agrément depuis la nouvelle loi sur les associations en 2012. Durant son intervention, Gina Romero a insisté sur la nécessité d’accorder à l’EPA son agréement et de garder ouvertes les églises, les considérant comme lieu de vie, de soutien spirituel et moral, dont une communauté a besoin.

La Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion, Nazila Ghanea, a quant à elle évoqué les jugements arbitraires dont ont souffert des chrétiens comme Hamid Soudad, condamné en janvier 2021 à cinq ans de prison pour avoir posté sur Facebook une carricature de Mahomet, et finalement gracié en juillet 2023. Les musulmans eux-mêmes ne sont pas épargnés, et Nazila Ghanea a mis en avant le cas de l’islamologue Saïd Djabelkhir, condamné en avril 2021 à trois ans de prison pour avoir dit que certaines pratiques musulmanes sont antérieures à l'islam et d'origine païenne, et finalement relaxé par la Cour d'appel d'Alger en février 2023, après une mobilisation internationale à laquelle l'ECLJ a participé[9].

Évangéliques comme catholiques n’échappent pas aux persécutions du gouvernement algérien

Le Pasteur algérien Youssef Ourahmane (dont l’ECLJ avait déjà recueilli le poignant témoignage) et sa fille Sarah ont expliqué les causes de ces restrictions dont souffrent les chrétiens : le gouvernement algérien voit d’un très mauvais œil les conversions de musulmans vers le christianisme, qui se multiplient depuis le début des années 2000. Elles contrediraient l’identité algérienne, définie comme étant de langue arabe et de religion musulmane. Le gouvernement amalgame aussi les chrétiens, majoritairement présents en Kabylie, aux indépendantistes de cette région. Pour contrer la progression du christianisme, le gouvernement a alors adopté en 2006 l’ordonnance n° 06-03 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman et dont les dispositions permettent en réalité une discrimination spécifique envers les chrétiens.

L’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, nous a confié que durant ses plus de sept années en poste à Alger, il a eu l’occasion d’intervenir pour faciliter l’octroi de l’agrément à des associations, « sans quoi vous n’êtes rien, vous n’existez pas ». Il a aussi dénoncé le faux semblant de la situation en Algérie. Son gouvernement invite des évêques catholiques à des cérémonies officielles et accepte la rénovation d’églises catholiques, donnant ainsi une apparence d’ouverture et de tolérance interreligieuse. Mais en réalité, la liberté de conscience, et donc la liberté de changer de religion, n’est pas garantie, les chrétiens sont soumis à des dispositions bien plus restrictives et bureaucratiques que les musulmans, les curés de paroisses isolées et les moines sont particulièrement surveillés et le prosélytisme est interdit. Cela va même jusqu’à l’impossibilité pour l’Église catholique de recevoir des virements du Saint-Siège.

L’ECLJ se joint à l’Église protestante d’Algérie, comme aux Rapporteuses spéciales et au Comité des droits de l’homme[10], pour demander à l’Algérie de restaurer la liberté de conscience, d’abroger toutes les dispositions qui portent atteinte à la liberté de pensée, de conscience et de religion et de garantir à tous le plein exercice de leur liberté de pensée, de conscience et de religion.

Nous demandons aussi l’abandon de toutes les poursuites pénales visant des chrétiens en raison de leur religion, la réouverture des églises et de Caritas.

Vous pouvez nous soutenir en partageant ce courriel et en signant notre pétition :

Pour la défense des Chrétiens persécutés

14:14 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |