7 façons dont le Synode sur la synodalité peut (encore) changer l’Église (24/09/2024)

De Jonathan Liedl sur le NCR :

7 façons dont le Synode sur la synodalité peut (encore) changer l’Église

ANALYSE : Le rassemblement d’octobre pourrait conduire à plusieurs changements majeurs qui auront un impact sur la vie quotidienne de l’Église catholique.

Les questions les plus controversées ne seront peut-être pas à l'ordre du jour du Synode sur la synodalité qui se tiendra le mois prochain à Rome. Mais ne vous y trompez pas : la réunion du 2 au 27 octobre pourrait néanmoins conduire à plusieurs changements majeurs qui auront un impact sur la vie quotidienne de l'Église catholique.

Les délégués au synode, qui conclura un processus synodal mondial de quatre ans axé sur la manière d'accroître la participation dans l'Église catholique, discuteront probablement et approuveront éventuellement des propositions touchant à tout, depuis les femmes à des postes de direction jusqu'à la capacité des conférences épiscopales nationales à prendre des décisions doctrinales. 

Le potentiel de changements significatifs demeure même après que le pape François a décidé de transférer des sujets controversés – tels que la possibilité d’avoir des femmes diacres et le discernement de questions doctrinales controversées (y compris celles liées à la sexualité) – à des groupes d’étude dédiés et non à l’assemblée synodale dans son ensemble.

En fait, tant les théologiens concernés que les militants enthousiastes ont émis l’hypothèse qu’en se concentrant sur des sujets plus fondamentaux comme la prise de décision dans la vie de l’Église, le synode pourrait en réalité « ouvrir la porte » aux efforts visant à changer des doctrines et des disciplines particulières.

Et tandis que des participants comme le cardinal Christoph Schönborn de Vienne ont déclaré que les thèmes spécifiques du synode « sont un peu en suspens », le document qui guidera les discussions d'octobre, l' instrumentum laboris (IL), comprend déjà les premières esquisses de plusieurs propositions concrètes.

Plus de 360 ​​délégués votants — dont, pour la deuxième année consécutive, un nombre significatif de femmes et d'hommes non ordonnés — discuteront de ces propositions tout au long du mois d'octobre avant de voter sur un document final. Le pape François prendra ce texte en considération avant d'écrire son propre enseignement post-synodal — à moins qu'il ne décide d'accepter simplement le document final du synode comme magistériel, comme le lui permet un récent changement du droit canon. 

Quoi qu’il en soit, nous nous attendons à un mois d’octobre bien plus important que ceux qui se concentrent uniquement sur les « questions brûlantes » voudraient nous le faire croire.

Voici sept façons concrètes par lesquelles le synode peut encore changer l’Église catholique.

1. Les femmes dans les séminaires — et partout ailleurs

Il faut s’attendre à ce que le synode appelle à une plus grande implication des femmes dans les séminaires. Non, pas comme candidates au sacerdoce, mais comme participantes essentielles au processus de formation des hommes qui y participent.

L’IL souligne l’importance pour les femmes d’avoir accès à des rôles « d’enseignement et de formation » dans les contextes des séminaires, ce qui permettra aux futurs prêtres et aux femmes de « grandir dans leur connaissance mutuelle et leur estime les uns pour les autres et dans leur capacité à coopérer ».

Cette proposition n'est qu'une des nombreuses mesures visant à renforcer le rôle des femmes dans l'Église. D'autres mesures prévoient une plus grande implication des femmes dans les processus de prise de décision, dans les postes de responsabilité diocésaine et en tant que juges dans les processus canoniques. En bref, l'objectif est que les femmes jouent un rôle plus important dans tous les domaines de l'Église qui ne sont pas exclusivement réservés aux clercs. Tout cela fait partie de ce que l'IL décrit comme une « réaffectation des tâches », dont l'accomplissement, sans doute, ne nécessite pas l'ordination. 

Cette approche peut probablement être mise en œuvre dans toutes les parties de l’Église, même s’il est également vrai que sa nouveauté – et donc son impact – variera selon les régions.

Aux États-Unis, par exemple, il est courant, bien que non obligatoire, que les femmes soient professeures de séminaire et occupent des postes de direction diocésaine, comme chancelier ou surintendant d’école.

Ce n’est pas le cas dans tous les contextes. Dans de nombreux pays d’Afrique, par exemple, la pénurie de théologiens laïcs qualifiés rendrait plus difficile l’intégration des femmes dans la formation au séminaire, ce qui témoigne peut-être de la nécessité de changements plus fondamentaux.

Ainsi, même si des propositions concrètes concernant le rôle des femmes dans l’Église sont susceptibles d’émerger du synode, leur réception comme un appel à un changement radical ou simplement comme « plus de la même chose » variera probablement selon le contexte.

2. L'autorité accrue des conférences épiscopales

Le pape François a appelé à une « décentralisation solide » de l'Église. Le document préparatoire du synode propose de renforcer les conférences épiscopales, comme un pas dans cette direction.

Les participants au synode doivent débattre de la question de savoir si les conférences épiscopales – organismes d’évêques sur un territoire donné comme la Conférence des évêques catholiques des États-Unis – devraient devenir des « sujets ecclésiaux dotés d’une autorité doctrinale » canoniquement reconnus, capables de prendre des décisions liturgiques, disciplinaires et même théologiques. 

Ce type de décentralisation a été favorisé lors du synode, entre autres, par les participants allemands, qui y voient probablement un moyen de leur permettre de mettre en œuvre les changements souhaités liés à l'enseignement de l'Église sur la sexualité et la possibilité d'ordonner des femmes en Allemagne. 

L'IL note que ce type de « style synodal » peut aider à « surmonter l'idée selon laquelle toutes les Églises doivent nécessairement avancer au même rythme sur chaque question », bien qu'il ajoute également que des décisions plus localisées ne devraient pas affecter « l'unité de doctrine, de discipline et de communion de l'Église ».

Les changements dans le statut canonique des conférences épiscopales – et leur niveau d’autorité correspondant – pourraient entraîner des bouleversements radicaux sur le terrain. Les critiques avertissent que cela pourrait conduire les Églises locales à suivre leur propre voie sur des questions clés de doctrine et de discipline, n’étant en communion que de nom. Attendez-vous à ce que ce sujet soit l’un des plus âpres débats du mois prochain.

3. Évaluations des évêques

Afin de promouvoir la transparence et la responsabilité, le synode proposera probablement des moyens concrets permettant aux communautés ecclésiales d’évaluer leurs dirigeants.

En plus des normes canoniques déjà existantes, l’IL affirme qu’il est nécessaire de développer « des structures et des formes d’évaluation régulière de la manière dont les responsabilités ministérielles de toutes sortes sont exercées ».

« L’évaluation, comprise dans un sens non moraliste, permet aux ministres de s’adapter rapidement et favorise leur croissance et leur capacité à mieux accomplir leur service », indique le document.

La proposition est présentée comme un moyen de lutter contre le cléricalisme et sera probablement bien accueillie par ceux qui voudraient que les dirigeants de l'Église soient plus responsables envers leur peuple lorsqu'ils prennent des décisions, qu'il s'agisse des finances, de la réorganisation diocésaine ou même de l'horaire des messes paroissiales.

Cependant, d’autres s’inquiètent probablement du fait que rendre la relation entre les ministres et ceux qu’ils servent excessivement évaluative pourrait mettre à rude épreuve ce qui est également censé être un lien spirituel. 

Après tout, une étude a révélé qu’un effet similaire s’est produit aux États-Unis après que les protocoles de prévention des abus sexuels ont conduit de nombreux prêtres à avoir le sentiment que leurs évêques les considéraient principalement comme des responsables juridiques potentiels. 

Les délégués du synode, dont la plupart sont des évêques, voudront probablement se prémunir contre des résultats imprévus similaires dans tout processus d’évaluation formel qui serait établi.

4. Ministère de l'écoute

Le document préparatoire propose d’établir un nouveau « ministère d’écoute et d’accompagnement » comme moyen de faire de la synodalité une expérience plus concrète dans la vie des croyants ordinaires.

Ce ministère servirait de « porte ouverte » à la communauté, permettant aux gens d'entrer sans se sentir menacés ou jugés. De plus, le ministère est envisagé comme permettant au discernement communautaire d'avoir lieu au niveau local, éventuellement en facilitant la méthodologie de « conversation dans l'esprit » du synode .

L’établissement de ce nouveau ministère, affirme l’IL, indiquerait le « caractère prophétique » de l’écoute, démontrant à la fois que l’écoute est une partie ordinaire de la vie de l’Église mais aussi qu’elle est une priorité ecclésiale. 

Le pape François a déjà montré sa volonté d'instituer de nouveaux ministères pour répondre à un besoin perçu, en créant le ministère de catéchiste en 2021. Le « ministère de l'écoute » étant déjà précisé dans le document préparatoire de la session synodale de 2024, on peut s'attendre à ce qu'une forme de ce ministère soit proposée à la fin du mois d'octobre - et que le pape François agisse rapidement pour le mettre en œuvre.

5. Votes plus que consultatifs

L’un des principaux objectifs du mois prochain sera d’impliquer davantage de personnes dans la prise de décisions pastorales au sein de l’Église. 

L’IL affirme que l’autorité ecclésiale compétente sera libre de prendre des décisions finales sans « concurrence ni conflit », puisque cette autorité est enracinée dans la « structure hiérarchique de l’Église établie par le Christ ».

Mais le texte implique également qu’un évêque est en quelque sorte tenu d’accepter « l’accord général qui émerge » des processus consultatifs. 

Il n’est pas clair comment les conflits qui pourraient surgir seraient finalement résolus d’une manière qui respecte à la fois la hiérarchie de l’Église et la vision de la synodalité proposée.

Ce tableau devient encore plus confus lorsque l’IL propose de corriger la formule canonique qui parle d’un « vote consultatif uniquement », car elle « diminue la valeur de la consultation ». 

Même si les détails de ce qui est réellement proposé concernant une participation élargie à la prise de décision restent extrêmement flous, un tel changement pourrait avoir d’énormes conséquences. Il faut s’attendre à ce que les délégués du synode demandent plus de clarté pendant leur séjour à Rome.

6. Solidarité intra-ecclésiale

En raison de son caractère international, le Synode sur la synodalité a été salué par les participants comme un moment d’approfondissement de la solidarité et d’enrichissement mutuel entre les catholiques de l’Église universelle. En outre, comme le dit l’IL, « l’existence d’Églises riches et d’Églises qui vivent dans de grandes difficultés est un scandale ».

Il faut donc s’attendre à ce que des propositions émergent qui formalisent le partage des dons respectifs des Églises locales, non seulement matériels, mais aussi catéchétiques et ministériels. 

Certes, des efforts de collaboration existent déjà entre, par exemple, les Églises les plus riches de l’Occident et les Églises les plus dynamiques du Sud, notamment des échanges de prêtres et de ressources financières. Mais une proposition concrète du synode pourrait susciter un engagement renouvelé en faveur de ce type de « partage des dons », à l’image de la directive de saint Jean XXIII qui a suscité un mouvement de paroisses missionnaires parrainées par l’Amérique du Nord en Amérique centrale et en Amérique du Sud dans les années 1960.

7. Un synode sans fin

L'avant-dernier projet du résumé de la session synodale de 2023 comprenait une proposition visant à créer « un synode permanent d'évêques élus par les conférences épiscopales pour soutenir le ministère pétrinien » — en d'autres termes, un « super-synode » permanent et géographiquement représentatif pour conseiller le pape sur une base continue.

La proposition n'a pas été retenue à l'époque, mais des passages connexes ont été repris dans le document préparatoire de la session de 2024.

Citant la constitution apostolique Episcopalis Communio du pape François de 2018 , le document appelle à la transformation du synode « d'un événement occasionnel en un processus ecclésial qui s'étend dans l'espace et le temps ». 

Bien qu'aucun détail concret n'ait été fourni sur la manière de faire passer le Synode des évêques d'un « événement occasionnel » - habituellement une fois tous les trois ans sur un sujet déterminé par le pape - à un « processus ecclésial » continu, le document parle de manière affirmative du « processus par étapes » du Synode sur la synodalité. La session de clôture d'octobre intervient après trois années de sessions diocésaines, nationales et régionales.

Le Synode sur la synodalité pourrait se conclure à la fin du mois d’octobre. Mais si une sorte de « super-synode » est proposé par les délégués et accepté par le pape François, nous entendrons parler de synodes à Rome bien au-delà de cette année.

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