Nouveaux cardinaux : l’Afrique sanctionnée, la revanche de Fiducia Supplicans (07/10/2024)

De Nico Spuntoni sur la NBQ :

Nouveaux cardinaux : l’Afrique punie, la revanche de Fiducia Supplicans

7 octobre 2024

Les Africains sont quasiment absents parmi les 21 cardinaux nommés par François : le manque de reconnaissance des bénédictions homosexuelles leur interdit l’entrée au sacré collège. De son côté, Radcliffe, le prédicateur dominicain pro-LGBT du Synode, a été promu.

Il y a quelques semaines seulement, le Pape écrivait aux membres du Sacré Collège pour leur demander de réduire les coûts et d'éviter le superflu. Mais hier, il a annoncé la création de 21 nouveaux cardinaux le 8 décembre, portant le nombre d'électeurs à 141, soit 21 de plus que la limite de 120 fixée par Paul VI dans la constitution apostolique  Romano Pontifici Eligendo.

En parcourant la liste lue hier place Saint-Pierre à la fin de l'Angélus, peut-être plus que pour les neuf autres consistoires, ressort le critère de choix purement personnel. Ce n'est qu'ainsi que l'on pourra expliquer le cardinalat décerné à un fonctionnaire de la Secrétairerie d'État, un monseigneur indien George Jacob Koovakad, responsable des voyages pontificaux depuis trois ans. Lors du premier vol avec lui, celui à destination de Budapest en 2021, François a loué son habitude de toujours rire tandis qu'il y a un an, il a complimenté sa grand-mère lors d'un appel vidéo pour l'éducation qu'elle a transmise à son petit-fils. Un voyage papal a probablement aussi été décisif pour un autre cardinal élu, l'évêque de Bogor Monseigneur Paskalis Bruno Syukur qui, en Indonésie, a eu l'occasion de faire connaître au Pape tout son enthousiasme pour le message de "fraternité humaine" au centre de la Déclaration d'Abou Dhabi.

Le nom le moins surprenant de la liste est celui de Mgr Rolandas Makrickas et non pas parce qu'il est titulaire d'un archidiocèse prestigieux ou pour des mérites pastoraux ou théologiques particuliers : tout le monde au Vatican sait depuis un certain temps et tout simplement que le Lituanien de 52 ans est depuis longtemps dans les bonnes grâces du Pontife. En moins de trois ans, il a reçu le poste de commissaire extraordinaire de Sainte-Marie-Majeure, puis le titre d'archevêque, le rôle d'archiprêtre coadjuteur de la basilique romaine et maintenant aussi le cardinalat. Destin similaire à celui du Père Fabio Baggio qui, avant même de devenir évêque, a été élu cardinal, alors qu'il n'était « que » sous-secrétaire du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral. Le point fort de Baggio est la question des migrants et il peut se vanter de la confiance du Pape qui lui a confié la direction du centre d'enseignement supérieur "Laudato si'", avec lequel il oriente les réfugiés vers le travail dans les jardins des Villas Pontificales de Castel Gandolfo.

Malgré la focalisation sur les banlieues, toutes ces nominations sont concentrées entre Rome et le Vatican : c'est aussi le cas du seul cardinal non-électeur, le presque centenaire Monseigneur Angelo Acerbi, déjà nonce apostolique dans le monde mais depuis plus de vingt ans voisin du Pape à Santa Marta. Ce choix pourrait être un hommage à Paul VI car Acerbi est l'un des derniers à avoir été ordonné évêque par Montini.

Un autre nom très prévisible est celui de Baldassare Reina qui, en un peu plus de deux ans, en tant que recteur du séminaire d'Agrigente, a gravi tout le cursus honorum devenant évêque, auxiliaire de Rome, puis vice-gérant et maintenant aussi cardinal-vicaire, mettant fin à la confusion créée après le transfert d'Angelo De Donatis, tombé en disgrâce à Santa Marta, à la pénitencerie apostolique. Le fait que tous les paramètres utilisés auparavant pour les consistoires ont désormais disparu est également mis en évidence par le choix de créer comme cardinal l'archevêque de Turin Roberto Repole, bien que son prédécesseur Cesare Nosiglia ait été laissé sans promotion cardinalice pendant 9 ans et que le même traitement ait été réservé aux titulaires d'archidiocèses tels que Milan, Venise, Naples et Gênes.

Les choix sont tout à fait personnels, comme le démontre le cardinalat de Monseigneur Mykola Bychok, évêque rédemptoriste des gréco-catholiques ukrainiens de Melbourne. Il est difficile de ne pas interpréter cette décision, quelle que soit la valeur du prélat de 44 ans, comme un camouflet à l'encontre de Mgr Sviatoslav Ševchuk, archevêque de Kiev et chef de l'Église gréco-catholique ukrainienne. Mgr Sevchuk a entretenu une longue histoire de relation permanente avec le Pape mais ne lui a pas épargné, au cours des dernières années de guerre, des reproches pour ses sorties audacieuses; il est aussi connu pour ses positions plus conservatrices sur la doctrine.

De même qu'apparaît évidente la « punition » infligée à l'Église la plus vivante et la plus florissante, celle d'Afrique, qui n'aura qu'un seul cardinal lors du consistoire de décembre : Mgr Ignace Bessi Dogbo, archevêque d'Abidjan et quatrième Ivoirien de l'histoire à entrer au Sacré Collège. Une autre « gifle » contre l'épiscopat africain qui s'est rebellé contre les bénédictions arc-en-ciel est le choix de récompenser un évêque français en Algérie, Mgr Jean-Paul Vesco, expression de la très petite minorité d'évêques d'Afrique du Nord (mais pas d'Africains) qui ont « soutenu » Fiducia Supplicans et qui, ces derniers jours, par l'intermédiaire de l'ancien cardinal Cristóbal López Romero, se sont également plaints de leurs frères dirigés par Fridolin Ambongo.

En Europe, François ne fait cardinal que l'archevêque de Belgrade, tandis que l'épiscopat américain est une fois de plus ignoré. En Amérique du Nord, cependant, l'archidiocèse de Toronto comptera à nouveau un cardinal archevêque, Francis Leo. Pour le Sacré Collège qui devra élire son successeur, Bergoglio se concentre avant tout sur « son » Amérique latine, en confiant le cardinalat aux évêques progressistes de Lima (Carlos Castillo Mattasoglio a fréquenté la paroisse de Caprona avec Don Severino Dianich), de Porto Alegre, de Guayaquil, tandis que l'archevêque de Santiago du Chili Fernando Chomalí a une orientation moins partisane et a fait preuve d'une bonne résistance contre les lois sur l'avortement et l'euthanasie. La création de Mgr Vicente Bokalic Iglic comme cardinal était également dans l'air après qu'en juillet dernier François ait élevé Santiago del Estero au rang d'archidiocèse et en ait fait son titulaire et même primat d'Argentine. D'autres noms sont ceux de Mgr Tarcisio Isao Kikuchi, archevêque de Tokyo, Mgr Pablo Virgilio Siongco David, évêque de Kalookan aux Philippines et Dominique Joseph Mathieu, archevêque franciscain conventuel de Téhéran Ispahan en Iran.

Mais le nom qui fait le plus débat est sans doute celui du père dominicain britannique Timothy Peter Joseph Radcliffe, l'un des théologiens pro-LGBT les plus connus de l'Église et dont la Bussola avait déjà parlé à l'occasion de l'ouverture du Synode. Son entrée au Sacré Collège à l'âge de 79 ans est un message sans équivoque et éteint l'espoir qu'à la fin de ce pontificat il y ait un renversement de la tendance. Une reconnaissance de "l'œuvre de toute une vie" que le pape refuse une fois de plus au pair de Radcliffe, Mgr Vincenzo Paglia, qui s'était récemment aventuré dans quelques interviews répondant à des questions sur son hypothétique cardinalat.

Les mots de prudence pour l'inauguration du Synode et le beau témoignage offert lors du voyage en Belgique (ce qui a peut-être coûté le chapeau rouge à l'archevêque de Malines-Bruxelles Luc Terlinden) avaient donné l'illusion d'un pape fatigué d'être exploité par l'aile la plus extrémiste du progressisme catholique. Malheureusement, l’annonce du nouveau consistoire a définitivement réfuté ce scénario. Par ailleurs, un fait important dans la liste annoncée hier est l'âge : beaucoup de nouveaux cardinaux sont très jeunes. Une caractéristique qui n'est pas fortuite mais qui indique la volonté de François de donner une empreinte précise à l'Église dans les prochaines générations et pas seulement, comme on l'écrit souvent, au prochain conclave. Ce qui, il faut le reconnaître, n'est pas proche car le Pontife, à presque 88 ans, jouit d'une excellente santé et n'a pas l'intention d'abandonner. Celui de décembre prochain sera probablement le pire consistoire des dix précédents bergogliens, un consistoire qui, paradoxalement, arrive dans l'un des meilleurs moments du pontificat, après que l'issue du voyage en Belgique avec le Pape qui a dû faire face aux polémiques anticléricales des hommes politiques et des journalistes ait réuni une Église de plus en plus divisée.

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