Eglise consensuelle
Fidèle à la méthode du pontificat, François, plutôt que des discours ou des projets théoriques, expérimente les réformes chemin faisant, comme il le fit pour l'admission à la communion de certains divorcés-remariés. Ainsi de ce synode sur la gouvernance de l'Église. Il s'annonçait programmatique avec des éléments spectaculaires de réforme, dont le questionnement sur le célibat des prêtres qui apparaissaient dans les documents préparatoires, est devenu une sorte d'expérimentation où toute l'Église doit changer ses méthodes de travail et de prises de décision. Chacun est appelé à donner son avis jusqu'à trouver un consensus, c'est la méthode synodale.
En renonçant à écrire sa propre synthèse post-synodale, François veut donner l'exemple de mise en pratique d'une Église plus démocratique au rebours de la centralisation et d'un fonctionnement hiérarchique pyramidal. Même si c’est lui seul qui validera les décisions à venir car, a rappelé le Vatican, samedi soir, « le document voté n'est pas normatif ».
Reste que ce processus ecclésial ouvert où chacun a désormais la parole, implique aussi, troisième nouveauté, un contrôle et des « évaluations » à tous les étages, entendez le contrôle par la base de ceux qui exercent des responsabilités : curés, évêques, nonces apostoliques, conférence des évêques, dicastères romains. « La transparence et la responsabilité ne devraient pas être exigées uniquement en cas d'abus sexuels, financiers ou autres dit une proposition. Elles concernent également le style de vie des pasteurs, les plans pastoraux, les méthodes d'évangélisation et la manière dont l'Église respecte la dignité de la personne humaine, par exemple en ce qui concerne les conditions de travail au sein de ses institutions ». Même la diffusion de la « synodalité » dans l'Église va être soumise à évaluation, comme dans les entreprises pour en vérifier « les progrès réalisés » et contrôler les « performances de tous les ministères et missions au sein de l'Église » !
Le tout avec une implication plus large « des laïcs et des laïques à toutes les phases des processus décisionnels ». Pourraient être rendus « obligatoires » par exemple, des « conseils » pourtant déjà prévus par le droit canon : « conseil pastoral diocésain, conseil pastoral paroissial, conseils pour les affaires économiques ».
Évêques sous contrôle
Des « laïcs et des laïques », quatrième nouveauté, mis vraiment à l'honneur avec des « ministères laïcs » qui pourraient être créés, selon « la créativité » de chacun en fonction des besoins pastoraux locaux. De même un « ministère de l'écoute et de l'accompagnement » pourrait être inventé, confié à des laïcs pour être à disposition de tous ceux qui auraient besoin d'être entendus.
Des laïcs, enfin, qui pourraient célébrer « des baptêmes et des mariages ». En revanche pour la question de la « prédication » des laïcs, donc des femmes, la possibilité de prononcer des homélies n'a pas recueilli suffisamment de soutiens pour être formalisée comme telle dans le document, mais une étude à son sujet va être lancée par le Vatican.
Il est important d'aider les fidèles à ne pas cultiver des attentes excessives et irréalistes à l'égard de l'évêque, en se rappelant qu'il est lui aussi un frère fragile, exposé à la tentation, qui a besoin d'aide comme tout le monde.
Texte final du synode
Ce sont en revanche les évêques qui se trouvent d'une certaine façon désacralisés, non pas dans leur responsabilité spirituelle mais quant à leur faillibilité humaine. « Il est important d'aider les fidèles à ne pas cultiver des attentes excessives et irréalistes à l'égard de l'évêque, en se rappelant qu'il est lui aussi un frère fragile, exposé à la tentation, qui a besoin d'aide comme tout le monde ». Ainsi « une vision idéalisée de l'évêque ne facilite pas son délicat ministère, qui est au contraire soutenu par la participation de tout le peuple de Dieu à la mission dans une Église véritablement synodale ».
Le Synode appelle donc, désignant ici les prêtres comme les évêques, à « un discernement plus courageux de ce qui appartient en propre au ministère ordonné et de ce qui peut et doit être délégué à d'autres ». Cette répartition des tâches et des responsabilités permettra de lutter contre les « abus sexuels, économiques, de conscience et de pouvoir de la part des ministres de l'Église ».
Églises continentales
Cinquième nouveauté, la mise en place de la subsidiarité entre le Vatican et les Églises locales. Ce qui pourrait bousculer à terme, l'équilibre actuel de l'Église catholique, très centralisée au Saint-Siège où beaucoup de choses sont décidées.
Cette idée qui vient du Concile Vatican II a été réactivée par les sept « Assemblées ecclésiales continentales » qui se sont tenues au début de l'année 2023 pour préparer ce synode et qui pourraient devenir un nouveau schéma d'organisation et de niveaux de décision. Le texte adopté samedi stipule : « Leur statut théologique et canonique, ainsi que celui des groupements continentaux de Conférences épiscopales, devra être mieux clarifié afin de pouvoir exploiter leur potentiel pour le développement ultérieur d'une Église synodale. Il revient en particulier aux Présidents des groupements continentaux des Conférences épiscopales d'encourager et de soutenir la poursuite de cette expérience. »
Une autre proposition du texte va aussi dans ce sens qui rendrait le Vatican dépendant et non plus dominant vis-à-vis des conférences épiscopales. Il est demandé qu'aucun texte romain important ne puisse être adopté sans que les conférences épiscopales aient été consultées : « Avant de publier d'importants documents normatifs, les Dicastères sont invités à entamer une consultation avec les Conférences épiscopales. »
Avec cette suggestion : « On pourrait identifier, par une étude théologique et canonique, les matières qui devraient être réservées au pape (reservatio papalis) et celles qui peuvent être renvoyées aux évêques dans leurs Églises ou groupements d'Églises ».
Cela dit, une forte poussée des évêques allemands pendant le synode avait cherché à donner encore plus de pouvoir, et donc d’autonomie, aux conférences épiscopales au détriment de Rome mais ce mouvement a été contenu par l’assemblée et n’apparait qu’en filigrane dans le texte final.
De même, est envisagée, la création d'une liturgie adaptée à la synodalité. Ce projet va donner lieu à un groupe d'études pour « aider toutes les communautés chrétiennes, dans la pluriformité de leurs cultures et de leurs traditions, à adopter des styles de célébration qui manifestent le visage d'une Église synodale ». Interrogés sur ce point, samedi soir, lors de la conférence de presse, les responsables du synode sont toutefois restés très vagues.
Ce décentrement du Vatican pourrait cependant conduire à un affaiblissement de l'autorité actuelle du Saint-Siège même si le document assure : «Dans une Église synodale, la compétence décisionnelle de l'évêque, du Collège des évêques et de l'évêque de Rome est inaliénable, car elle s'enracine dans la structure hiérarchique de l'Église établie par le Christ au service de l'unité et du respect de la légitime diversité. Cependant, elle n'est pas inconditionnelle. »
Revoir l'autorité papale
Le texte observe : « l''évêque de Rome, principe et fondement de l'unité de l'Église, est le garant de la synodalité : c'est à lui qu'il revient de convoquer l'Église en Synode, de le présider et d'en confirmer les résultats. En tant que successeur de Pierre, il a un rôle unique dans la sauvegarde du dépôt de la foi et de la morale, en veillant à ce que les processus synodaux soient fructueux pour l'unité et le témoignage.»
Andréa Tornielli, un laïc, directeur éditorial des médias du Vatican, expliquait samedi soir l'enjeu de toute cette affaire : « Le Synode sur la synodalité appelle à un changement de mentalité. Il demande de ne pas considérer la synodalité comme une tâche bureaucratique à mettre en œuvre de manière paternaliste avec quelques petites réformes superficielles. Le synode appelle à repenser le service de l'autorité, y compris celui du Successeur de Pierre. Il appelle à un rôle de plus grande responsabilité pour les laïcs et en particulier pour les femmes. »
Pour ce responsable du Vatican, il s'agit de créer « une nouvelle image de l'Église où les structures ecclésiales, dans cette nouvelle perspective, ne représentent plus le lieu vers lequel les laïcs doivent converger, mais un soutien au service que le peuple de Dieu accomplit dans le monde. » Le but étant de relancer l'Église vers la mission : « L'horizon de ce texte, que le Pape François a immédiatement voulu donner à toute l'Église, est la mission. »
Commentaires
Cela me donne l'impression que l'on veut gouverner l'Eglise comme une grande entreprise ou un état moderne : on va multiplier les comités, les niveaux de décision, les intervenants.... On devra ensuite mettre des organes de communication et de coordination entre toutes ses entités., pour finalement ne plus trop savoir qui fait quoi et qui est responsable de quoi. L'Eglise va pouvoir passer son temps à ce gérer. Je ne suis pas du tout convaincu que cela va permettre "de mieux et plus accomplir sa mission dans le monde". Déjà que l'Eglise manque de fidèles et de personnes qui servent, si il faut maintenant passer plus de temps à "gérer et se consulter"....
Écrit par : Etienne | 28/10/2024