L'autorité papale dans le contexte collégial
Saint Robert Bellarmin (1542-1621), docteur de l'Église, défendit l'institution divine de la fonction papale, insistant sur le fait que le pape, en tant que successeur de Pierre, possède la primauté de juridiction sur toute l'Église. Pourtant, il précisa également les limites de l'autorité papale. Bellarmin enseignait que le pape ne pouvait modifier la révélation divine, annuler les conciles œcuméniques ou ordonner ce qui est contraire à la loi naturelle ou divine. « Si le pape ordonnait quelque chose de contraire à la loi naturelle ou divine, il serait alors légitime de lui résister. »
Il a souligné que le pape est dans l’Église, et non au-dessus d’elle : « Le pape n’est pas au-dessus de l’Église, mais dans l’Église ; il est le premier parmi les évêques, mais il reste évêque » (Controversiae).
L'ecclésiologie de Bellarmin a servi de fondement à la définition de l'infaillibilité papale donnée par Vatican I et protège à la fois du gallicanisme (qui sape l'autorité papale) et de l'ultramontanisme (qui l'étend excessivement). Sa pensée garantit que la véritable autorité papale demeure un service de l'unité et de l'orthodoxie, et non une licence pour la tyrannie ou l'invention. Le leadership papal au sein du collège des évêques favorise un développement doctrinal ordonné dans les paramètres de la Tradition, tout en prévenant une évolution doctrinale conforme aux erreurs populaires.
L'autorité ecclésiastique est-elle sans faille ? Non. Les évêques jouissent du libre arbitre. Il a fallu des siècles pour vaincre l'hérésie arienne, et il fut un temps où la plupart des évêques étaient ariens. De nombreuses hérésies modernes « florissent » dans l'Église, et il faudra peut-être plusieurs siècles pour les éradiquer à nouveau. L'avenir nous le dira, mais cela ne peut se faire sans le pape.
Nous pouvons avoir de mauvais papes et de mauvais évêques qui ne sont pas conformes à la Sainte Tradition, mais nous ne pouvons pas restaurer la Sainte Tradition dans l’Église sans l’autorité du pape en tant que chef du collège.
L'Union de Brest : une affirmation gréco-catholique de l'autorité papale
En tant qu’ecclésiastique gréco-catholique, je manquerais à mon devoir si je ne mentionnais pas l’Union de Brest.
L'Union de Brest (1595-1596) offre un modèle historique de communion ecclésiale qui préserve la diversité liturgique légitime tout en affirmant l'autorité universelle du Pontife romain. Les évêques gréco-catholiques qui ont reconnu l'union avec Rome ont explicitement reconnu le pape comme « chef de l'Église catholique, successeur de l'apôtre Pierre, à qui le Christ notre Dieu a donné pleine autorité pour paître son troupeau ». Parallèlement, ils ont insisté pour conserver leur gouvernance synodale, leurs rites liturgiques orientaux et leurs traditions canoniques, préservant ainsi le patrimoine unique de l'Orient chrétien.
Cet arrangement n'a pas affaibli la primauté papale, mais l'a harmonisée avec une vision collégiale et subsidiaire de la gouvernance de l'Église. Le pape a été reconnu non comme un autocrate, mais comme une source paternelle d'unité dont l'autorité soutient – et non supplante – l'intégrité des Églises particulières. Les évêques ont demandé que leur vie ecclésiale interne ne soit pas microgérée par la Curie romaine, affirmant que leur clergé serait choisi localement et simplement confirmé par Rome.
Ce faisant, l'Union de Brest démontre que la fonction pétrinienne, lorsqu'elle est correctement exercée, renforce plutôt qu'elle n'affaiblit les diverses traditions et le patrimoine ecclésiaux. Elle affirme une vision catholique de l'unité dans la vérité, où la communion avec le successeur de Pierre est essentielle, sans toutefois être en contradiction avec la plénitude de l'identité chrétienne orientale.
Vatican I et Vatican II
Le Pastor Aeternus du Concile Vatican I (1870) a solennellement défini la primauté et l'infaillibilité du Pontife romain. Cette primauté n'est pas déléguée par les évêques ou les conciles, mais vient du Christ lui-même.
Il est important de noter, cependant, que Pastor Aeternus a défini la doctrine de l'infaillibilité papale dans des conditions très spécifiques : lorsque le pape parle ex cathedra , dans l'intention de définir une doctrine de foi ou de morale à adopter par toute l'Église (ch. 4, §9). Ce charisme d'infaillibilité est de nature négative. Il prévient l'erreur dans des circonstances très spécifiques et rares, mais ne garantit pas l'inspiration perpétuelle, la prudence ecclésiastique dans chaque action ou commentaire, ni la sainteté papale personnelle.
L’infaillibilité ne fait pas du pape une source de révélation nouvelle, mais un gardien de ce qui a été divinement révélé une fois pour toutes par le Christ aux Apôtres.
Tout aussi important, Vatican I n'a pas accordé au pape un pouvoir absolu. Son autorité est liée à la Révélation divine, à la Sainte Tradition et au but de sa charge : garder et transmettre la foi du Christ par la continuité apostolique.
Le Concile Vatican II a approfondi cette compréhension. Dans Lumen Gentium , l'Église enseigne que le pape est « la source et le fondement perpétuels et visibles de l'unité des évêques et de toute la communauté des fidèles » (LG §23). Sa fonction est paternelle – unificatrice et sacrificielle – et non impériale.
Vatican II a également souligné l'importance de la collégialité épiscopale. Les évêques, unis au pape, forment un seul corps apostolique. Lumen Gentium précise que l'autorité du pape n'est pas isolée de la vie plus large de l'Église, mais vise à préserver son unité dans la vérité.
Cette unité s’étend des enseignements du Christ et des Apôtres tels qu’ils sont consignés dans la Sainte Écriture et transmis par la Sainte Tradition – des Apôtres aux Pères de l’Église (100-1100 après J.-C.) jusqu’aux Théologiens (1100-1750 après J.-C.) – ainsi maintenus par l’enseignement cohérent du Magistère depuis le début.
Dans cet esprit, il n’existe pas de « magistère du pape François » ou de « magistère du pape Benoît XVI » si nous comprenons cette expression comme signifiant que le pape régnant actuellement possède son propre « magistère » personnel qui, d’une manière ou d’une autre, remplace ou annule l’autorité d’enseignement continue du Magistère au cours des âges précédents.
Devoirs du Pontife romain : enseigner, gouverner, sanctifier et unifier
L'autorité du pape est indissociable de ses devoirs. Il n'est pas un monarque au sens séculier du terme, mais un serviteur des serviteurs de Dieu ( servus servorum Dei ). S'il néglige son devoir, il est un homme mauvais et pécheur, comme tout homme mauvais qui néglige ses devoirs. Là encore, le Saint-Esprit ne garantit pas que chaque pape sera un saint. Il y a probablement plusieurs papes et de nombreux évêques en enfer. L'Église n'a jamais hésité à le reconnaître. Judas est en enfer (Jn 17,12), et beaucoup d'autres comme lui le sont aussi.
Nous ne devrions pas nous laisser troubler par cela ni perdre la foi à cause de cela. Le baptême en Christ n'assure pas la perfection immédiate et sans erreur, ni aux fidèles ni au clergé. Nous sommes une Église de pécheurs, travaillant à notre salut dans la crainte et le tremblement (Ph 2,12), jugés par Dieu selon nos mérites dans l'accomplissement de nos devoirs.
Les responsabilités essentielles du pape comprennent celles de tout évêque : enseigner, gouverner et sanctifier, mais en plus de ces trois responsabilités, le pape a également le devoir de maintenir l'unité de la foi en tant que chef du collège des évêques :
• Enseigner avec clarté : Le pape est le gardien du dépôt de la foi (1 Tm 6, 20), et non son inventeur. Son office consiste à « affermir les frères » (Lc 22, 32) dans la foi, et non à créer de nouvelles doctrines. En tant que maître suprême de l'Église, il doit proclamer l'Évangile en continuité avec la Sainte Tradition. Son autorité d'enseignement se limite à guider les fidèles vers le salut, en harmonie avec les enseignements magistériels cohérents de l'Église concernant la foi et la morale.
• Gouverner pour le bien de l'Église : Le gouvernement du pape comprend le pouvoir de légiférer (droit canonique), d'approuver les évêques, de définir la doctrine si nécessaire et de superviser l'administration des sacrements et la discipline des fidèles. Son gouvernement comprend un pouvoir législatif, judiciaire et disciplinaire ancré dans le mandat de préserver le dépôt de la foi et de sanctifier l'Église par un culte juste. Le pape gouverne non pas en tant que dirigeant mondain, mais en tant que père spirituel, guérisseur et gardien de la communion de l'Église avec le Christ.
• Sanctification de l'Église : Par sa gouvernance de la liturgie, des sacrements et de la discipline, il est chargé de garantir l'accès des fidèles aux sacrements. Il est également chargé de veiller à ce que l'ordre sacramentel soit exempt d'erreur et exercé avec intégrité, en harmonie avec la Sainte Tradition.
• Principe d'unité : Sans communion avec le Pontife romain, la structure visible de l'Église se fragmente en revendications concurrentes d'autorité, de doctrine et de validité sacramentelle. Les Pères de l'Église, tels saint Irénée et saint Cyprien, ont constamment affirmé que l'unité avec le Siège de Rome était essentielle pour rester au sein de l'Église une, sainte, catholique et apostolique. Le pape lie les évêques dans la communion apostolique. Sans la fonction papale, l'unité ecclésiale est laissée au simple consensus, toujours vulnérable à la division. Ainsi, le pape n'est pas un élément facultatif de la gouvernance de l'Église, mais un signe essentiel et un serviteur de l'unité catholique.
Un chemin vers l'avenir : redécouvrir la fonction papale
En cette époque de confusion morale, de scandales cléricaux et de fragmentation ecclésiale, une compréhension renouvelée de l'autorité papale est urgente. Il ne s'agit pas d'un appel à l'autoritarisme ou au maximalisme papal, mais à la fidélité à l'enseignement de l'Église sur la fonction et les limites des devoirs et responsabilités du pape.
Le pape est le père de l'Église. Mais comme tout père, son autorité est dévoyée si elle ne sert pas la vie, la vérité et l'ordre divin. La restauration ne viendra pas de la nouveauté papale, mais de la fidélité papale au Christ, à l'Écriture et à la Tradition.
Les fidèles doivent prier avec ferveur pour un nouveau Saint-Père qui assumera pleinement ses devoirs et le soutiendra dans son enseignement de la vérité. Nous devons également prier pour nos évêques, afin qu'ils aient le courage de lancer un appel et de rappeler au pape, parfois, les devoirs que Dieu lui a confiés, s'il s'en écarte. Car, comme saint Paul a réprimandé Pierre en face (Ga 2,11), nous devons nous rappeler que même le pape doit être respectueusement repris lorsqu'il manque à son devoir. Le pape est humain et pécheur, comme nos pères biologiques, et comme nos pères, nous devons l'honorer et lui obéir tant qu'il ne contredit pas la loi de Dieu.
L'autorité est une bénédiction, et non un fardeau, lorsqu'elle est enracinée dans la vérité et orientée vers le salut. Puisse l'Église redécouvrir le but sacré de l'autorité papale et, par elle, restaurer la foi et l'ordre divin en son sein.