Que pouvons-nous déduire des premiers pas du pontificat de Léon XIV ? (30/06/2025)
D'Andrea Gagliarducci sur Monday Vatican :
Léon XIV : les premiers pas
30 juin 2025
Les premiers pas d'un pontificat sont toujours un exercice de communication : le nouveau pape - quel qu'il soit - fera de petites choses qui en diront long sur ses intentions, et c'est pourquoi il est important d'observer attentivement les nouveaux pontificats et de les analyser avec soin. Le pontificat de Léon XIV n'échappe pas à cette règle, et il sera donc important de décortiquer les indications subtiles mais indubitables qu'il a données, ou que les faits sur le terrain dictent ou laissent supposer aux observateurs
De même, le pape Léon n'a pas encore commencé à prendre de véritables décisions en matière de gouvernance. Il ne le fera probablement qu'en septembre, après avoir soigneusement examiné toutes les possibilités. Les nominations épiscopales publiées jusqu'à présent ont généralement été décidées à l'avance, dans le cadre d'un processus plus long auquel Léon XIV n'a pas touché. À la Curie, il n'y a pas encore eu ce que l'on appelle communément le « spoils system » (la substitution de fidèles à ceux qui sont en place). Il est donc également important pour les observateurs du nouveau pontificat de ne pas trop chercher à lire dans le marc de café.
Que pouvons-nous donc comprendre de ces premiers pas du pontificat de Léon XIV ? Quelle sera la direction prise par le Pape ?
Premier point : Léon XIV donnera du poids et de l'importance aux Églises orientales. Déjà, le 14 mai, peu après son élection, rencontrant les pèlerins des Églises orientales pour leur Jubilé, il dit que « leur témoignage est précieux ». Le 26 juin, rencontrant les membres de la Réunion des œuvres d'entraide pour les Églises orientales, il va même jusqu'à pointer du doigt « les incompréhensions de la communauté catholique elle-même », s'inscrivant ainsi dans la lignée de son prédécesseur Léon XIII. Les historiens évoqueront Benoît XV, qui a redonné de l'importance à l'Orient dans la vie de l'Église universelle, et noteront que Pie X a affirmé avec force la nécessité pour l'Occident de comprendre l'Orient. Mais c'est Léon XIII qui, par sa lettre encyclique de 1894, Orientalium dignitas, a commencé à sortir les Églises orientales du cône d'ombre dans lequel les préjugés de l'Église latine les avaient reléguées.
Cette attention portée aux Églises orientales n'est pas seulement formelle. Léon XIV montre qu'il apprécie la diversité ; il se rend compte du travail que ces Églises accomplissent au niveau local. Dans de nombreux cas, les Églises catholiques de rite byzantin ont été la bouée de sauvetage des populations chrétiennes persécutées et attaquées au-delà du rideau de fer ou dans un Moyen-Orient ensanglanté. Les Églises orientales sont l'expression d'un peuple, et Léon XIV le sait bien.
Le deuxième point est d'ordre diplomatique. Dès le début, Léon XIV a établi sa priorité pour une diplomatie de la vérité. Dès le premier Regina Coeli après son élection, il a lancé un appel à la paix en Ukraine qui était précis dans sa manière et sa forme, et de cette manière, tous les appels à la paix qu'il a lancés au cours de ce premier mois et demi de pontificat ont été esquissés. Pour Léon XIV, la diplomatie n'est pas un exercice extemporané, une simple demande aux parties de cesser le feu et de se réunir avec bonne volonté. Elle doit être poursuivie, et le pape le fera avec les membres de son corps diplomatique, à qui il a rappelé, par un anneau hautement symbolique, qu'ils travaillent sous le sceau de Pierre. C'est un signe d'attention, mais il doit aussi s'inscrire dans la nécessité d'apporter une harmonie et une réponse univoque aux grandes crises en cours.
Le troisième point est d'ordre conceptuel. Léon XIV est précis dans son langage et ne manque pas de se référer à la tradition de l'Église. Il parle du mariage non pas comme d'un idéal mais comme d'un don et balaie ainsi toutes les objections possibles au fait que la vie chrétienne est compliquée et qu'il faut donc accepter des compromis. La vie est complexe. La vie chrétienne est une vocation à poursuivre, mais le fait qu'elle soit difficile ne signifie pas qu'il faille perdre de vue sa vocation dans la vie.
Et puis, il y a la question de la Doctrine sociale. Peut-être arrivera-t-il tôt ou tard une encyclique sur la paix - demandée entre autres par les Églises orientales, et en particulier par l'Église gréco-catholique ukrainienne - ou une encyclique encore plus spécifique sur l'intelligence artificielle. En effet, Léon XIV a d'emblée souligné que le thème de l'intelligence artificielle était central pour lui, en soulignant qu'il s'inscrivait dans la continuité des nouveaux défis du monde du travail, à partir de Rerum Novarum, l'encyclique de Léon XIII qui a « baptisé » la Doctrine sociale de l'Église. Peut-être y aura-t-il donc tôt ou tard un Rerum Digitalium.
Cependant, le pape a déjà donné sa définition de la doctrine sociale le 17 mai, lors d'une réunion avec les membres de Centesimus Annus Pro Pontifice. « La doctrine sociale nous enseigne à reconnaître que plus que les problèmes ou les réponses à y apporter, c'est la manière dont nous les affrontons, avec des critères d'évaluation et des principes éthiques, et en nous ouvrant à la grâce de Dieu, qui est importante », a déclaré le pape. Cela servira probablement de ligne directrice pour l'ensemble du pontificat.
Le quatrième point concerne la synodalité. Le 26 juin dernier, lors d'une rencontre avec le Secrétariat général du Synode des évêques, Léon XIV a déclaré que la synodalité était une attitude, un « style ». Dans son premier message après son élection, il a dit qu'il voulait continuer dans le cadre de la Synodalité définie par le Pape François.
Oui, mais quelle synodalité ?
La synodalité de Léon XIV semble être une pratique d'écoute plutôt qu'une approche de gouvernance. Dans son discours au Conseil du Synode des évêques, il l'a appelé « Synode des évêques ». Il a réitéré son caractère institutionnel, soulignant que l'institution devait remonter à ses origines, en particulier au pape Paul VI. La synodalité de Léon XIV sera probablement moins idéologique et, par conséquent, il y aura moins de place pour les idées « corporatives » de gestion de l'Église.
Le cinquième point, enfin, est d'ordre christologique. Dès le début de son pontificat, Léon XIV a cherché à remettre le Christ au centre. Pas l'Église, pas la prière, pas la communauté des croyants, mais le Christ. Léon XIV aime célébrer la messe, il le fait chaque fois qu'il le peut et il dirige toujours les célébrations. Lors du Jubilé du Saint-Siège, il a conduit le pèlerinage jubilaire à la Porte Sainte, en portant la Croix. Lors de la procession de la Fête-Dieu qui est revenue dans les rues de Rome, c'est le pape qui tenait le Saint-Sacrement pendant la procession, comme c'était le cas dans précédemment.
Ces cinq points précèdent les choix de gouvernance que fera le pape. Nous verrons si son pontificat porte les idées directrices déjà discernées tout au long et au-delà de ses décisions de gouvernance, quelles qu'elles soient.
Au niveau du gouvernement, beaucoup de choses vont changer. La Secrétairerie d'État devrait rester inchangée au sommet, du moins pendant un certain temps. Mais nous aurons besoin d'un nouveau préfet pour le Dicastère des évêques. Le pape choisira probablement un préfet de la Maison pontificale. Il le prendra dans le milieu diplomatique pour maintenir un lien entre la Secrétairerie d'Etat et les appartements (et le nom qui persiste est celui du nonce Rajic, qui semblait initialement candidat au rôle de substitut de la Secrétairerie d'Etat).
Plusieurs chefs de dicastère partent à la retraite, notamment les cardinaux Farrell, Semeraro, Czerny et Koch. Pour l'instant, le Pape a choisi son organisateur pour les voyages, qui seront probablement plus fréquents et plus longs, envisageant peut-être toujours un lieu augustinien au cours de l'année.
Léon XIV se tourne vers l'Amérique latine pour trouver des personnes de confiance, pour l'instant. Mais il n'en sera pas toujours ainsi. Léon est, en fin de compte, un pape appelé à apporter l'harmonie. Il a donné des signaux essentiels dans cette direction. Peut-être tendra-t-il également la main au monde traditionaliste. Il a d'ailleurs envoyé un message de vœux au pèlerinage traditionnel de Paris-Chartres.
Il n'est pas facile de penser que le Pape va créer de nouvelles structures. Il renouvellera les structures existantes. Et ce sera, après tout, une petite révolution.
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