L'avortement dans la Constitution : le Luxembourg à la croisée des chemins (23/09/2025)
De Thomas Philipp Reiter sur le Tagespost :
L'avortement dans la Constitution : le Luxembourg à la croisée des chemins
Au Grand-Duché, les forces politiques de gauche souhaitent inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution. Le cardinal Jean-Claude Hollerich met en garde contre toute tendance à la division.
22 septembre 2025
Le débat constitutionnel actuel au Grand-Duché de Luxembourg est préoccupant. La proposition du député de gauche Marc Baum d'inscrire un « droit à l'avortement » dans la Constitution luxembourgeoise est non seulement superflue, mais aussi dangereuse pour la coexistence sociale et la culture démocratique du pays. Un examen critique de cette initiative controversée montre que le Luxembourg est peut-être sur la mauvaise voie.
Un droit qui existe déjà
L'avortement est réglementé au Luxembourg depuis 2012 et autorisé jusqu'à la douzième semaine de grossesse. L'affirmation des partisans de ce droit, notamment du parti « Déi Lénk » , selon laquelle un droit constitutionnel serait nécessaire pour « empêcher toute régression » est donc totalement infondée. La loi existante fonctionne et offre une protection juridique suffisante.
Telle est, du moins, la position sans équivoque de l' Église catholique du pays. Le cardinal Jean-Claude Hollerich, par ailleurs peu soupçonné de s'opposer à l'esprit du temps, résume la situation : « Ce droit est déjà inscrit dans la loi ; je ne comprends pas pourquoi il devrait également figurer dans la Constitution. » L'archevêque de Luxembourg prévient que son inscription dans la Constitution serait « un triste jour dans l'histoire du Luxembourg ».
Ce qui est particulièrement inquiétant, c'est la manière dont ce débat est mené. Hollerich y voit une menace pour la démocratie : « On nous impose une sorte d'opinion coercitive. » Si des questions éthiques fondamentales étaient écartées du débat démocratique par un amendement constitutionnel, des précédents dangereux surgiraient.
« Si l'on n'est plus libre de s'exprimer, (...) alors nous sommes face à une démocratie libérale qui a pris les caractéristiques d'un système totalitaire », prévient clairement le cardinal. Cette évolution pourrait pousser les personnes en désaccord à l'extrémisme – un sérieux avertissement contre les tendances à la division sociale.
La résistance se forme
Sans surprise, la résistance à cette proposition émane principalement des camps bourgeois et conservateurs. Le Parti de la réforme démocratique alternative (ADR) rejette ouvertement la modification constitutionnelle, tandis que les partis au pouvoir, le Parti populaire chrétien-social (CSV) et même le Parti démocrate libéral, affichent également de nettes réserves. La ministre de la Santé, Martine Deprez (CSV), a souligné qu'une telle proposition « n'était pas incluse dans l'accord de coalition ».
Même au sein de la population, le soutien est loin d'être aussi unanime que le prétendent ses partisans. Le cardinal Hollerich souligne que toutes les femmes sont loin d'être favorables au droit à l'avortement. « Si cette injustice était inscrite dans la Constitution, j'aurais honte d'être Luxembourgeoise », peut-on lire dans l'un des nombreux commentaires similaires publiés dans les médias luxembourgeois.
La Constitution devrait protéger les droits humains fondamentaux, et non entériner des tendances politiques. Bien que le Conseil d'État luxembourgeois, sorte d'organe de contrôle législatif, ait approuvé la proposition, les huit avis d'experts recueillis dressent un tableau mitigé : sept étaient positifs, un négatif – et, fait significatif, il provenait d'une organisation pro-vie. Cette répartition illustre l'existence d'objections professionnelles bien fondées.
Le Premier ministre Luc Frieden (CSV) affiche une ouverture fondamentale, mais demande que la formulation soit « liberté publique » plutôt que « droit absolu ». Cela n'obligerait pas « les médecins et les hôpitaux, par exemple » à pratiquer des avortements, comme il l'a expliqué à RTL. Ainsi, même parmi les prétendus partisans, de fortes réserves quant à la formulation initiale radicale se font jour.
Le mauvais chemin
Si l'avortement était inscrit dans la Constitution, cela aurait de graves conséquences sur la structure politique du Grand-Duché. Hollerich met en garde avec force : « Je perçois clairement le danger que la minorité catholique soit alors poussée vers l'extrême droite. » Il a déjà observé cette évolution à l'étranger.
Il ne s'agit probablement pas d'une menace, mais plutôt d'une évaluation réaliste des conséquences sociales. « Si une certaine libéralité s'intensifie au point de ne plus être soutenue par une partie de la population, cela aura à terme de très graves conséquences », a déclaré le cardinal.
Le Luxembourg se trouve donc à un tournant décisif. Le pays peut choisir de traiter les différentes croyances avec respect ou d'emprunter une voie qui creuse les divisions sociales. Cette dernière option serait en réalité très peu représentative de la culture politique de ce petit pays.
Il est significatif qu’une pétition publique sur cette question n’ait reçu que 558 signatures parmi les 670 000 habitants – un signe clair que le besoin supposé d’un amendement constitutionnel parmi la population n’est pas aussi grand que le prétendent ses initiateurs.
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