Slovaquie : interdiction de la GPA et réaffirmation de la souveraineté nationale en matière bioéthique (10/10/2025)

Du site de l'Institut Européen de Bioéthique :

Réforme constitutionnelle en Slovaquie : interdiction de la GPA et réaffirmation de la souveraineté nationale en matière bioéthique

Le 26 septembre, le Conseil national de la République a adopté une série d'amendements à la Constitution slovaque, incluant plusieurs changements visant à renforcer la souveraineté nationale sur différents sujets, y compris en matière bioéthique.

La réforme constitutionnelle a été adoptée par 3/5e des députés – soit exactement la majorité minimale requise pour une réforme constitutionnelle – grâce au vote de certains membres de l’opposition.

Parmi les amendements, figurent :

  1. la préservation de la souveraineté nationale de la Slovaquie sur les « enjeux d’identité nationale », tels que les enjeux « culturels et bioéthiques relatifs à la protection de la vie et à la dignité humaine », mais aussi à la vie privée et à la vie de famille, au mariage, à la parentalité et à la famille, à la moralité publique, au statut personnel, à la culture et à la langue, ainsi qu’aux décisions sur des thèmes en lien avec la santé, la science, l’éducation, la formation, le statut personnel et la succession (article 6 de la Constitution amendée, para. 6-7);
  2. l’interdiction des conventions de mère porteuse visant « à porter un enfant pour une autre personne » (article 15, para. 5) ;
  3. la garantie de l’égalité salariale entre hommes et femmes (article 36 para. 3) ;
  4. la reconnaissance de l’homme et de la femme en tant que « parents d’un enfant » (article 41 para. 2) ;
  5. la possibilité de l’adoption reconnue aux couples mariés ou à l’un des membres du couple, ou par une personne célibataire dans le cas exceptionnel où cela correspond aux intérêts de l’enfant (article 41 para. 5) ;
  6. la reconnaissance des droits des parents en matière d’éducation et de formation des enfants sur les sujets liés à la vie intime et à la sexualité, et l’inclusion de la protection de la santé et de la prévention des abus dans l’enseignement des enfants, « de manière appropriée à leur âge » (article 41 para. 7) ;
  7. la reconnaissance exclusive des sexes mâle et femelle tels que définis biologiquement (article 52a).

Sur le plan bioéthique, on retiendra l’affirmation de la souveraineté nationale de manière générale et l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA) en particulier.

La prohibition de la GPA intervient alors que cette pratique des mères porteuses se situait jusqu’alors dans une zone grise du point de vue du droit slovaque, celle-ci n’étant pas autorisée mais pas non plus susceptible de sanctions. L’invalidité constitutionnelle des contrats de GPA – déjà prévue dans une loi sur le droit de la famille – n’empêchera vraisemblablement pas le recours à la GPA dans les pays limitrophes, en particulier l’Ukraine et la République tchèque. Cependant, cette interdiction apparaît comme un signal fort, y compris sur le plan international, et fait écho aux récentes recommandations de la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les violences à l’égard des femmes et des filles en faveur d’une abolition universelle de la GPA (L'ONU plaide pour l'interdiction globale de la GPA au nom des droits des femmes et des enfants). Cet amendement s’inscrit par ailleurs dans le fil de la Déclaration de Casablanca, dont les multiples experts internationaux plaident également pour un traité international d’interdiction de la maternité de substitution.

Quant à l’amendement relatif au renforcement de la souveraineté nationale, celui-ci sonne comme une réaction à certaines velléités d’uniformisation des pratiques nationales en matière bioéthique au niveau européen, en particulier s’agissant de l’Union européenne (UE). Cet amendement s’inscrit dans la continuité des principes de subsidiarité et de respect de l’identité nationale des États membres, tels que prévus par les Traités de l’UE. En pratique, cette nouvelle disposition constitutionnelle pourrait notamment être invoquée à l’avenir par la Cour constitutionnelle slovaque, dans de possibles contentieux relatifs à la compatibilité de certaines orientations du droit européen en matière bioéthique avec la Constitution slovaque.

La représentante de la Commission européenne en Slovaquie a dit « prendre note » de cette réforme, mais regretter que les remarques formulées précédemment par la Commission (relatives notamment à la primauté du droit européen et à l’importance de garantir le principe de non-discrimination) n’aient pas été davantage prises en compte par le Parlement. Celle-ci a néanmoins reconnu que la réglementation sur les questions de fond en matière de droit familial « reste une prérogative des États membres ».

Quant à la Commission de Venise du Conseil de l’Europe (Commission européenne pour la démocratie par le droit), organe consultatif indépendant chargé d’examiner les réformes constitutionnelles, celle-ci a jugé les dispositions substantiellement conformes au droit européen, mais regrette que des consultations plus larges n’aient pas pu être menées avant le vote.

09:29 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |