Profanation de Saint-Pierre : un avertissement sur la sacralité perdue (16/10/2025)
De Stefano Chiappalone sur la NBQ :
Profanation de Saint-Pierre : un avertissement sur la sacralité perdue
L'attentat de vendredi contre l'autel papal est le troisième en deux ans. Ces actes portent atteinte au caractère sacré du site : une dimension presque oubliée dans le safari touristique qui envahit basiliques et cathédrales.
15_10_2025

Lundi 13 octobre, le cardinal Mauro Gambetti, archiprêtre de la basilique vaticane, a célébré un rite de réparation pour la profanation survenue le vendredi 10 octobre. Un homme avait alors gravi les marches de la confession et, avant d'être arrêté par les forces de sécurité, avait eu le temps de baisser son pantalon et d'uriner contre l'autel papal sous le regard des personnes présentes. L'identité et la nationalité du profanateur, arrêté par la gendarmerie vaticane, restent inconnues. L'incident de vendredi est le troisième en un peu plus de deux ans. Le 1er juin 2023, un homme nu se tenait sur l'autel, arborant un slogan pro-ukrainien sur le dos ; deux jours plus tard, Gambetti a célébré le rite de réparation. Le 7 février de cette année, un autre homme est monté sur l'autel, renversant le candélabre. Ces graves incidents soulèvent une fois de plus la question de la sécurité, ainsi que l'indignation répétée au sein de l'Église catholique.
D'après divers journaux, il semble que le Saint-Père se soit adressé au cardinal archiprêtre de manière assez pressante – on parle d'une rencontre « houleuse » –, déconcerté par l'acte du profanateur et par le retard pris dans la réparation nécessaire. Pourquoi une telle précipitation ? C'est le Caeremoniale Episcoporum qui stipule qu'« un dommage causé à une église doit être réparé au plus vite par un rite pénitentiel ; tant que ce rite n'est pas accompli, ni l'Eucharistie, ni les autres sacrements ou rites liturgiques n'y seront célébrés » (1071). Tous les jours sont bons, « sauf pendant le Triduum pascal, les dimanches et les solennités » (1073). Le rite aurait donc pu être célébré le lendemain, samedi, qui avait été reporté au lundi.
Si le malheureux événement s'était produit à Montecitorio ou au Quirinal – aussi élevé que soit le siège institutionnel et grave que soit l'offense – on ne parlerait pas de profanation (sauf au sens large et métaphorique). Le lieu majestueux aurait évidemment été nettoyé, le vandale arrêté, mais sans qu'aucune liturgie réparatrice ne soit nécessaire – ce qui est pourtant nécessaire non seulement à Saint-Pierre, mais aussi dans la paroisse la plus reculée de la campagne. Parce que, dans une église, un espace sacré est endommagé, « une atteinte grave est portée aux saints mystères » et – citant à nouveau le Caeremoniale – de tels actes « sont si graves et contraires à la sainteté du lieu qu'il n'est plus permis d'y exercer le culte jusqu'à ce que l'atteinte soit réparée par un rite pénitentiel » (1070).
Pour rappeler à ceux qui s'apprêtaient à franchir le seuil de la « sainteté du lieu », une phrase récurrente figurait – et elle est toujours – sur les portails de nombreuses églises antiques : « Terribilis est locus iste ».« Ce lieu est terrible », extrait du livre de la Genèse (28:17), dans l'épisode du rêve de Jacob. Naturellement, ce « terrible » ne doit pas être compris au sens italien courant, comme si derrière l'inscription se trouvait une galerie d'horreurs ; les anglophones auraient peut-être mieux traduit par « impressionnant », qui englobe une gamme de significations, de l'exceptionnel à l'imposant, en passant par le majestueux. Mais il suffit de lire le reste de la phrase pour en saisir le sens : « C'est vraiment la maison de Dieu, c'est la porte du ciel. » La majesté divine y réside, et il va sans dire que l'outrage commis en ce lieu est infiniment plus grave que celui commis ailleurs.
Paradoxalement, la « sainteté du lieu » semble un lointain souvenir dans les grandes basiliques et cathédrales, à la merci des safaris touristiques, où les smartphones prennent le pas sur l'émerveillement et où même la perception de ce « sacralité profane », due au moins au patrimoine artistique, disparaît. Même lorsque le Vicaire du Christ est présent, presque plus personne ne le voit directement, surtout lorsqu'il est très proche : ce n'est plus la distance qui agit comme un filtre, ni les écrans géants, mais plutôt les « mini-écrans ». Là où reposent les ossements de Pierre, où Michel-Ange et le Bernin (pour n'en citer que deux) ont travaillé, on déambule avec la même nonchalance désinvolte que ce touriste autrichien qui, en 2020, à la Gipsoteca di Possagno, dans la province de Trévise, a cassé les orteils (en plâtre, bien sûr) de Pauline Borghèse pour s'asseoir à côté d'elle et prendre un selfie .
Qui sait, peut-être que pour une fois, le choc présumé des personnes présentes à la vue de cette urination sacrilège leur a soudain rappelé une réalité oubliée : « Terribilis est locus iste », ce n'est pas un lieu comme les autres. Si tel n’était pas le cas, des incidents similaires seraient destinés à se multiplier, car chacun se sentirait autorisé à le faire – dans ce cas littéralement – en dehors du vase, même dans le lieu le plus saint de la chrétienté, d’une profanation à l’autre.
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