Le Vatican ordonne une visite apostolique à la communauté de l’Emmanuel (29/10/2025)
De Marie-Lucile Kubacki sur le site de l'hebdomadaire La Vie :
Pourquoi Antoine Hérouard conduira une visite apostolique à la communauté de l’Emmanuel
Un décret du Vatican en date du 24 octobre 2025 entérine une visite apostolique à la communauté de l’Emmanuel et annonce que celle-ci a été confiée à Antoine Hérouard, archevêque de Dijon.
28/10/2025
La nouvelle d’une prochaine visite apostolique à la communauté de l’Emmanuel était connue depuis plusieurs mois. Le 6 mars 2025, celui qui en était alors le modérateur général, Michel-Bernard de Vregille, avait annoncé la nouvelle dans une lettre aux membres de la communauté, sans modalités pratiques ni calendrier.
Il aura donc fallu plusieurs mois pour que Rome entérine officiellement la visite apostolique et en détaille les raisons. C’est chose faite avec un décret du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie (dont dépend la communauté de l’Emmanuel) daté du 24 octobre 2025 : « Le Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, dans l’exercice de ses compétences en matière d’accompagnement et de développement des associations de fidèles, a dernièrement reçu de nombreux signalements de la part des évêques, ainsi que des membres de la communauté de l’Emmanuel », peut-on lire sous la plume du cardinal Kevin Farrell, préfet (responsable) de ce dicastère (équivalent d’un ministère au Vatican), dans le document publié sur X en fin de semaine dernière, et que La Vie a pu consulter.
Habitué des missions délicates
Le texte énumère les points de préoccupation : « Les signalants ont fait part à ce dicastère de leur perplexité et de leurs inquiétudes détaillées – qui sont confirmés par le rapport du modérateur datant du 3 octobre 2024 – concernant une gestion centralisée du gouvernement, une intégration inadéquate de l’association dans la vie des églises locales (diocèse), en particulier en ce qui concerne les rapports entre les prêtres membres et les évêques, des points critiques dans la gestion des paroisses confiées à la communauté, des insuffisances dans le traitement des cas d’abus survenus au sein de la communauté. »
Autre annonce du Vatican : la nomination d’Antoine Hérouard, archevêque de Dijon, comme visiteur apostolique, « afin qu’il accompagne le processus de réorganisation de la communauté » avec une attention particulière « au fonctionnement du mouvement, à la structure et à la configuration des fonctions et, en particulier, aux pouvoirs du modérateur », « au mode d’intégration de la communauté dans la vie des diocèses », « à la révision des modalités de traitement des cas d’abus au sein de la communauté », et « à la consolidation des processus de formation internes, en particulier en ce qui concerne l’apostolat auprès des jeunes et la promotion de la communion ecclésiale ».
Antoine Hérouard est un habitué des missions délicates, puisqu’il a déjà mené une visite apostolique dans le diocèse de Fréjus-Toulon en 2023 et une « visite fraternelle » dans celui de Bayonne en 2024.
Crise interne et démission du modérateur
Comme La Vie l’expliquait dans une enquête publiée en mars 2025, cette visite apostolique intervient dans un contexte de remise en cause, au sein de la communauté, quant à son mode de fonctionnement et à sa gestion de certaines affaires, comme celle de Benoît Moulay – un ancien prêtre condamné par la justice canonique en 2023, accusé de viols et d’agressions sexuelles par deux femmes majeures. Un cas dont la gestion controversée avait révélé des « dysfonctionnements », de l’avis même de certains membres de la communauté.
Décret du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie du vendredi 24 octobre chargeant Mgr Antoine Hérouard, archevêque de Dijon, de mener la visite apostolique à la communauté de l'Emmanuel
« Pour certains d’entre nous, la gestion de ce dossier par la communauté a suscité des incompréhensions et a révélé des dysfonctionnements. Dans ce contexte général, un vrai regard extérieur, que l’on ne choisit pas, va objectiver les choses et aider à se poser des questions qu’on ne se serait peut-être pas posées », témoignait alors un membre de la communauté.
« Il faudrait quelque chose de l’ordre d’un contre-pouvoir : pas pour jouer contre ni pour le plaisir de s’opposer. Mais pour que les responsables puissent avoir des lieux organisés où rendre compte de manière objective de leurs actions. Cela permettrait aussi, dans des situations de “plainte”, de distinguer plus rapidement ce qui relèverait de simples incompréhensions ou divergences, des véritables abus d’autorité ou situations d’emprise », renchérissait un autre, ajoutant qu’il était important que l’Église évite aux membres « la tentation de (se) penser comme “supérieurs” à la moyenne ».
A lire aussi : Le modérateur général de la communauté de l’Emmanuel renonce à ses fonctions
Cette crise interne s’était soldée en août par la démission du modérateur général, Michel-Bernard de Vregille, qui avait été réélu en 2023 pour un deuxième mandant de cinq ans.
« Le défi, commente un troisième membre interrogé par La Vie, est de trouver des outils dans la gouvernance et “le devoir de rendre des comptes”, plus en phase avec la taille actuelle du mouvement, qui a connu une croissance importante depuis sa fondation. » La communauté de l’Emmanuel, association publique internationale de fidèles de droit pontifical, revendique en effet 13 000 membres, dont environ 6 500 en France.
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Écrit par : Do Schollaert | 29/10/2025