De Maria numquam satis (05/11/2025)

De Diego Blázquez Bernaldo de Quirós sur Omnes :

"De Maria numquam satis"

La dévotion mariale, vécue pleinement, est essentielle en cette période marquée par la solitude et la désorientation : Marie nous montre que la vraie foi consiste à écouter Dieu, à lui obéir et à lui faire confiance.

11 octobre 2025

Il existe des expressions qui résument une intuition séculaire du cœur chrétien. L'une d'elles, ancienne et féconde, affirme : « De Maria numquam satis » : de Marie, on ne peut jamais en dire assez. Ce n'est pas un slogan pieux, mais une règle d'or spirituelle et théologique : plus nous approfondissons le mystère de la Mère du Seigneur, plus l'horizon de l'Évangile s'élargit, car Marie ne se dresse pas entre le Christ et nous ; elle nous conduit à Lui. Son nom n'est pas un obstacle, mais une porte ; elle ne rivalise pas avec le Fils, elle le désigne ; elle n'éclipse pas l'Église, elle la recrée dans sa forme la plus pure.

1. Marie dans l'économie du Verbe incarné

La foi de l'Église confesse Marie Théotokos, Mère de Dieu, non pour exagérer sa grandeur, mais pour protéger la vérité de Jésus-Christ : vrai Dieu et vrai homme. Nous l'avons appris à Éphèse (431), lorsque les Pères, touchés par la foi des simples, ont proclamé avec force ce qui était déjà vécu dans la liturgie : « Celui qui est né de Marie est le Verbe éternel fait chair ». Si le Christ n'était pas une seule personne divine, Marie ne serait pas la Mère de Dieu ; et si Marie n'était pas la Mère de Dieu, le Christ ne serait pas Emmanuel. En son nom, la christologie est gardée.

Saint Irénée (IIe siècle) l'a perçu avec une grande lucidité : de même que le nœud de la désobéissance d'Ève fut dénoué par l'obéissance de Marie, « ce que la vierge Ève a lié par l'incrédulité, la Vierge Marie l'a dénoué par la foi ». En Marie, Dieu récapitule l'histoire humaine depuis ses origines : une femme, une parole, un « oui ». Ce qui était tordu est redressé dans la simplicité de Nazareth.

2. L'obéissance qui rend le monde fertile

« Qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38). Ce n’est pas de la résignation, c’est la liberté dans son expression la plus pure : la liberté confiée. Saint Ambroise enseignait aux vierges de Milan que, chez Marie, la virginité n’est pas stérile : elle est sponsale, pleinement féconde par l’Esprit. Dans son humanité, elle offre à Dieu la part la plus pure d’elle-même, et Dieu lui répond en lui donnant son propre fruit. Ce n’est pas un hasard si saint Augustin, si zélé pour l’initiative de la grâce, a souligné que Marie a conçu d’abord dans la foi, puis dans le sein maternel : fides concepit, fides peperit. C’est pourquoi son « oui » n’était pas seulement un moment d’émotion ; c’était un chemin de vie. Marie est le « oui » incarné.

3. La Nouvelle Ève et l'Arche de Présence

L’Écriture inscrit en lettres capitales ce que la tradition révélera à la lumière pascale. La Fille de Sion accueille le Saint d’Israël ; l’Arche d’Alliance, que David reçoit avec tremblement, réapparaît lors de la visitation : la Parole entre dans la maison de Zacharie et Jean tressaillit dans le sein d’Élisabeth, comme David dansait devant l’Arche (cf. 2 Sam 6 ; Lc 1). Les montagnes tremblent, l’Esprit Saint couvre de son ombre et la bénédiction se répand sous la forme d’un Magnificat. Saint Éphrem, la Harpe de l’Esprit, affectionne les images saisissantes : l’Infini est porté par les bras d’une jeune fille ; le Feu repose sans brûler ; le buisson brûle sans se consumer. Rien de tout cela n’est littérature : c’est dogmatique en poésie.

4. Vierge, Mère, Épouse

Ces trois noms traversent la liturgie comme une litanie d'identité. Vierge : non par rejet, mais par totale disponibilité à Dieu. Mère : non seulement du Christ, mais des vivants (cf. Jn 19, 26-27), car la maternité de Marie s'accroît à l'heure de la Croix lorsque le Fils la donne en héritage à l'Église naissante. Épouse : icône de l'Église, première croyante, image parfaite de ce que l'Épouse est appelée à être pour l'Époux. Saint Jean Damascène, théologien de la beauté, contemplera dans sa Dormition le passage de celle qui a porté la Vie à sa plénitude, « la Vierge qui, étant le ciel, a fait place à l'Inconcevable ».

5. L’Immaculée Conception et l’Assomption : transparence de la grâce

Lorsque l’Église, des siècles plus tard, proclame l’Immaculée Conception (1854) et l’Assomption (1950), elle n’ajoute pas d’ornements tardifs à une dévotion sentimentale. Elle reconnaît, avec une précision chirurgicale, deux vérités jaillissant du cœur de la Rédemption. L’Immaculée Conception n’est pas une « exception » capricieuse, mais l’accomplissement anticipé de la destinée de l’Église : tout est grâce et la grâce peut – et veut – triompher dès le premier instant. L’Assomption, quant à elle, ne retire pas le pied de Marie de terre ; elle nous le rend au ciel. En elle, nous voyons l’accomplissement de la promesse : la chair, lorsqu’elle est prise par Dieu, ne fait pas obstacle, elle chante.

6. Marie, professeur de théologie

Cela peut paraître paradoxal, mais la théologie apprend de Marie les fondements de sa méthode : l’écoute, la méditation, la vigilance, l’obéissance. Luc révèle que « Marie conservait toutes ces choses, les méditant dans son cœur » (Lc 2, 19). Une théologie qui ne médite pas – qui ne prie pas – se réduit à un jeu de miroirs. Marie enseigne une pensée qui s’agenouille sans renoncer à la rigueur ; qui discerne sans dénaturer le mystère ; qui confesse sans crainte de contrôle. Les Pères priaient en pensant et pensaient en priant : c’est pourquoi leurs traités embaument l’encens. On n’entre pas dans cette école par opposition académique, mais par conversion.

7. Pourquoi n’est-il « jamais suffisant » de parler de Marie ?

Car parler de Marie, c'est parler de la manière dont Dieu sauve. Dieu n'entre pas dans l'histoire par un rugissement impérial, mais en implorant un oui. Il s'expose à la liberté d'une créature – et par ce risque si cher – il inaugure le salut. Lorsque l'Église contemple Marie, elle découvre sa propre nature : elle ne s'impose pas, elle propose ; elle ne conquiert pas, elle engendre ; elle ne se célèbre pas, elle magnifie le Seigneur. « De Maria numquam satis » signifie que nous ne tarirons jamais de louanges pour l'œuvre de Dieu en une femme, et que dans sa petitesse, Dieu s'est fait proche de nous.

8. Marie dans la vie du disciple

Beaucoup réduisent la dévotion mariale à une série d'actes, certes précieux, mais périphériques. La Tradition, cependant, la place au cœur de la vie de disciple. Le Rosaire, prière évangélique par excellence, n'est pas un talisman pour les situations d'urgence, mais une école de vision : par la main de la Mère, les mystères du Christ traversent la journée et la façonnent. La mémoire mariale nous préserve de deux tentations : celle d'un christianisme désincarné (qui méprise les corps, les rythmes, l'histoire), et celle d'un activisme sans âme (qui confond productivité et fécondité). Marie garde le temps : le kairos de Dieu et le chronos de nos obligations ; c'est pourquoi la piété mariale, vécue pleinement, ne nous prive pas du temps, elle le sauve.

9. Médiation maternelle : Christ et l’Église, et non « Christ ou l’Église ».

Depuis les premiers siècles, le peuple chrétien a fait l’expérience de l’intercession de la Mère. L’appeler « avocate » ou « secourable » ne diminue en rien l’unique médiation du Christ (cf. 1 Tm 2, 5) ; cela la place à l’œuvre dans la communion. Toute médiation dans l’Église est participation à l’unique médiation du Seigneur. Marie n’ajoute pas une autre « voie de salut », mais exerce sa maternité dans le Corps mystique : là où le Fils est Tête, la Mère accompagne ses membres. Les Pères l’ont pressenti, les saints l’ont vécu, le Magistère l’a expliqué avec sobriété. Ceux qui craignent que l’amour de Marie ne prenne la place du Christ n’ont pas encore goûté au bon vin de Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2, 5). Tel est son commandement immuable.

10. Une spiritualité de la gratitude

La gratitude est la mémoire du cœur. Marie la chante dans le Magnificat : elle ne se regarde pas elle-même, elle contemple la fidélité de Dieu. C’est pourquoi la véritable dévotion mariale ne se nourrit pas d’émotions passagères, mais d’une gratitude concrète : gratitude pour la foi reçue, pour les douces corrections de la Providence, pour la patience de Dieu face à nos faiblesses. Dans les moments de joie, la gratitude nourrit l’humilité ; dans les moments difficiles, elle nourrit l’espérance. « Désormais, toutes les générations me loueront » (Lc 1, 48) : ce n’est pas de la vanité, c’est une prophétie. Bénir Marie, c’est apprendre à bénir l’histoire : même lorsque les échéances, les silences et les épreuves sont douloureux.

11. Pour un temps qui a besoin d'une mère

Nous vivons sous un orphelinat sophistiqué : hyperconnectés, mais seuls ; informés, mais désorientés ; sensibles, mais fragiles. Dans ce contexte, la maternité de Marie n’est pas un ornement de dévotion, mais le remède de la réalité. Elle nous apprend à accueillir la vie, à la protéger, à la laisser partir en son temps. Elle nous apprend à obéir sans servilité et à résister sans haine. Ceux qui la reçoivent chez eux – comme Jean au pied de la Croix – font l’expérience que l’Église n’est pas une ONG spirituelle, mais une famille : avec une table, des traditions, une mémoire, une mission.

12. Apprendre à dire « oui »

De Maria numquam satis. Ce que nous dirons d'elle ne sera jamais suffisant, car nous ne pourrons jamais épuiser l'œuvre de Dieu en elle. Sa grandeur ne nous repousse pas ; elle nous encourage : si la grâce a pu accomplir de tels miracles en une créature, que ne pourra-t-elle pas faire en nous si nous cessons de négocier avec Dieu et commençons à lui répondre comme des enfants ?

Sainte Marie, Mère de Dieu et notre Mère, enseignez-nous à croire, à espérer et à aimer. Et lorsque nos forces nous manquent, répétez-nous à l'oreille la devise qui vous définit : « Faites tout ce qu'il vous dira. » C'est seulement ainsi, main dans la main, que nous comprendrons que, de vous, Mère, « numquam satis » (ce ne sera jamais assez).

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