Mgr Rey : ses choix, ses combats et ce qu'il croit (17/11/2025)
Du Forum Catholique (DumVolviturOrbis) :
Le Figaro Magazine publie des extraits exclusifs du livre de Mgr Dominique Rey intitulé « Mes choix, mes combats, ce que je crois ».
Ce texte revient sur les raisons de sa démission demandée par Rome, ainsi que sur plusieurs controverses ayant marqué son épiscopat, notamment les questions de gouvernance, de séminaire, de finances, mais aussi son engagement sur les sujets de société et sa vision anthropologique.
L’article original est ici :
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/ma-demission-a-ete-un...
Mgr DOMINIQUE REY
« Mon combat pour ce que je crois »
Évêque emblématique et peu conformiste de Fréjus-Toulon de 2000 à 2025, Mgr Dominique Rey a fini par démissionner sur fond de tensions avec le Saint-Siège. Dans « Mes choix, mes combats, ce que je crois », livre au titre en forme de profession de foi, il s’exprime sur ce départ vécu, selon ses mots, comme une expérience « crucifiante ». Extraits exclusifs de ce livre écrit avec les journalistes Samuel Pruvot et Henrik Lindell.
LES RAISONS DE SA DÉMISSION
À la demande du pape François, Dominique Rey a envoyé sa démission à Rome le 7 janvier 2025. La fin définitive de cet épiscopat long d’un quart de siècle a été accompagnée par des cris de victoire et des soupirs de soulagement de ceux qui le critiquaient [...] Pourquoi, au juste, Dominique Rey devait-il démissionner ? Contrairement à ce que suggèrent nombre d’enquêtes journalistiques orientées ou serviles à l’égard de l’évêque, une réponse précise et objective à cette question est difficile à obtenir. Le rapport de la visite apostolique n’a pas été rendu public et ne le sera jamais. Mais l’homme n’a pas convaincu ses adversaires et n’a jamais été admis à la justice pour les faits qu’ils auront avancés. Si sa gestion était parfois critiquée en interne, par exemple pour une organisation normative « bordélique », et si certaines nominations et ordinations pouvaient surprendre plus d’un, y compris au Vatican, il nous semble difficile de prouver que Dominique Rey a commis de véritables fautes graves nécessitant son départ.
Samuel Pruvot et Henrik Lindell
Mgr Dominique Rey :
« Fin 2024, le nonce m’a informé que le pape François me demandait de déposer ma charge d’évêque diocésain de Fréjus-Toulon. Par fidélité au successeur de Pierre, j’ai accepté de remettre la charge qui m’avait été confiée en l’an 2000 par Jean-Paul II. Au moment même où j’écris, j’aurais déjà fait mes adieux au diocèse lors de la messe d’action de grâce célébrée le 1er février au domaine de La Castille. Que m’a-t-on reproché ?
La critique la plus sévère qui m’a été faite concernait l’accueil trop large, dans le diocèse, de communautés et de personnes par lesquelles beaucoup venaient de l’étranger. J’aurais fait preuve d’un manque de prudence et d’un excès de décision, jugent le nonce, Pierre, et, certainement, certains évêques qui, venant de l’extérieur, sont peu révélés. Certaines de ces réceptions portaient surtout sur des prêtres externes et de groupes issus du monde traditionaliste, ce qui aurait fragilisé l’unité du diocèse.
Troisièmement, ma gouvernance n’aurait pas été suffisamment collégiale. Enfin, le dernier reproche concernait l’équilibre financier du diocèse, qui connaissait effectivement, comme beaucoup de diocèses français, des difficultés économiques, en partie liées à la prise en charge des prêtres et communautés accueillies.
Face aux incompréhensions, aux pressions et aux attaques publiques manifestes pour l’unité de l’Église et suite à la demande du Saint-Père, j’ai remis ma charge d’évêque de Fréjus-Toulon. Le critère ultime du discernement reste pour moi l’appel de l’obéissance au successeur de Pierre.
Je n’ai pas été surpris par ces mises en cause, tant sur le fond que sur la forme. La réception de ma démission a été une expérience crucifiante. Certaines indications, j’ai pu manquer de prudence, que j’ai reconnue ; mais l’idée selon laquelle la gestion du diocèse a été abusive, jusqu’au délabrement, au point de rendre mon départ nécessaire, m’a semblé injuste. [...]
Prenons le reproche concernant le nombre important de séminaristes accueillis dans mon diocèse. L’idée selon laquelle j’aurais manqué de prudence en acceptant trop facilement des séminaristes qui ne seraient pas aptes à exercer un ministère actif conduit le Vatican à suspendre les ordinations prévues en juin 2022. Nous avons accueilli dans le diocèse des prêtres diocésains rares dans l’histoire de l’Église, pour lesquels des candidats présentés pour le rectorat ont été arrêtés pour des raisons liées non pas à l’imbécile. La preuve en est que ces séminaristes qui avaient été bloqués en 2022, puis en 2023, ont été appelés à l’ordination, à une exception près, par l’évêque coadjuteur qui a finalement levé ce manque de prudence. »
UN ÉVÊQUE TROP À DROITE ?
Certes, Dominique Rey et la politique, l’évêque originaire d’Annecy n’a pas joué les novices. Fin 2015, la pomme a été croquée à la Sainte-Baume, symboliquement dans le jardin de Marie-Madeleine. Chacun se souvient de la polémique qu’il s’est attirée à la suite de l’invitation de Marion Maréchal Le Pen, alors jeune députée frontiste, à une table ronde à une université d’été organisée par l’Observatoire socio-politique (OSP) de Fréjus-Toulon.
À l’origine, ce think tank catholique créé en 2005 par Mgr Rey était destiné à aider de nouvelles générations catholiques désireuses de conjuguer engagement politique et foi religieuse à travers la doctrine sociale de l’Église. Une initiative diocésaine qui trouva une audience nationale à l’heure de la Manif pour tous.
En été 2015, les médias s’emballèrent en soulignant que Mgr Rey avait brisé un tabou en donnant officiellement la parole au Front national.
Mgr Dominique Rey :
« J’ai toujours pensé que l’Église devait s’investir dans la politique.
Ce ne sont pas des vues partisanes qui m’impliquaient politiquement, mais la nécessité pour l’Église de se prononcer sur les choix de société, dans la fidélité à la doctrine sociale et à une certaine vision de l’homme et du bien commun.
J’avais des préventions sur les personnalités du bord, et j’ai cultivé les occasions de débats sur des sujets que je ne pensais pas être du tout comme neutres. Certains médias se sont saisis de toute rencontre faite avec des personnalités qui ne sont pas politiquement correctes et m’ont taxé d’évêque ultraconservateur, proche de l’extrême droite.
Mais je ne me suis jamais défini par rapport à une tendance politique. Ma mission de prêtre et d’évêque est aussi d’intervenir auprès des personnalités publiques, non pas en raison d’affinités politiques, mais parce qu’elles ont choisi d’œuvrer au bien commun. [...]
En invitant Marion Maréchal Le Pen, comme je l’ai fait avec des personnalités issues d’autres courants politiques, je n’ai jamais fait de promotion de tel ou tel parti.
En 2015, comme aujourd’hui, le RN faisait preuve d’un tropisme particulier dans le sud de la France.
Cet apprentissage m’a permis de découvrir des personnes, et dans le Var, plusieurs communes, dont Fréjus, étaient dirigées par des maires appartenant au RN. Les députés du Var sont aujourd’hui aussi majoritairement RN. »
LE DÉFENSEUR DE LA VIE
Mgr Rey ne peut croire seulement en Dieu, mais aussi en l’homme. Il fait partie de cette frange d’évêques qui n’a pas hésité à soutenir la Manif pour tous au nom d’une certaine idée de l’homme héritée du judéo-christianisme.
D’autres sujets sociétaux brûlants sont sur sa table.
On pense évidemment au projet de loi sur la fin de vie voté le 2 mai 2025 à l’Assemblée nationale. Mgr Rey, encore une fois, fait partie des évêques qui ont dénoncé la création d’un droit à mourir.
Mgr Dominique Rey :
« L’homme contemporain est en crise en lui-même. Il ne sait plus qui il est, ni où il va, ni d’où il vient.
Cette situation nous invite à retrouver les repères anthropologiques qui fondent notre humanité.
L’Église ne peut fermer les yeux sur les débats actuels qui traversent notre société et qui mettent en péril notre humanité.
Ce n’est plus la rédemption qui est remise en cause dans ces débats, mais la création elle-même. [...]
Le christianisme offre à la fois une vision de Dieu et une vision de l’homme.
Sans points d’appui stables, les institutions chargées de transmettre et garantir une culture de l’homme sont fragilisées et même prises en otage par des idéologies wokistes ou LGBT.
La société ne fonctionne plus selon des principes chrétiens.
L’abolition de la liberté morale aboutit à la perte des repères anthropologiques les plus fondamentaux. [...]
L’homme veut choisir ce qu’il est.
Il décide qui il est et quand il doit mourir, ce qu’est sa sexualité, d’être un homme ou d’être une femme.
L’abolition de la liberté anthropologique chrétienne est incompatible avec le fait de se recevoir d’un Autre. [...]
Le cadeau de Dieu, la vie, nous est donné.
Nous devons l’assumer jusqu’au bout.
Être heureux ne vient pas de manière passive mais active.
Il n’y a pas d’identité sans altérité. [...]
Ce que je reproche à la proposition de loi relative à l’aide à mourir, c’est qu’au lieu d’accompagner la personne jusqu’au terme de sa vie, dans sa fragilité, on lui propose d’interrompre son existence. »
Pendant la crise du Covid, une chose a été déterminante :
« On m’empêchait de mourir comme on m’empêchait de vivre. »
Extraits du livre « Mes choix, mes combats, ce que je crois », par Mgr Dominique Rey, avec Samuel Pruvot et Henrik Lindell.
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