Ce que changent les nouvelles règles de la Curie vaticane — et pourquoi elles sont importantes (06/12/2025)

D'Andrea Gagliarducci sur le NCR :

Ce que changent les nouvelles règles de la Curie vaticane — et pourquoi elles sont importantes

ANALYSE : En redéfinissant les compétences, en renforçant la responsabilité et en institutionnalisant la consultation, les nouvelles réglementations définissent comment la Curie romaine fonctionnera sous le pape Léon XIV dans la prochaine phase de la gouvernance papale.

Le nouveau Règlement général et administratif de la Curie romaine, publié le 23 novembre, a marqué la conclusion de la réforme de la Curie initiée par le pape François.

Presque simultanément, Mgr Marco Mellino, nommé secrétaire de la Commission interdicastérielle pour la révision des règlements de la Curie romaine sous le pontificat du pape François, fut nommé secrétaire adjoint du Dicastère pour les textes législatifs par le pape Léon XIV. Cette nomination marque l'achèvement des travaux et l'ouverture d'une nouvelle ère.

Origine et objet de la nouvelle réglementation

La nécessité d’une nouvelle réglementation découle de la profonde réforme de la Curie ordonnée par la constitution apostolique Praedicate Evangelium de mars 2022. Conformément à ce mandat, certaines procédures ne pouvaient plus être appliquées comme auparavant et les responsabilités économiques ont dû être transférées au Secrétariat pour l’Économie. La nouvelle réglementation visait également à concrétiser et à rendre vérifiable la procédure d’écoute requise par l’impulsion « synodale » que le pape François souhaitait donner à l’Église.

Suite à la constitution apostolique, une commission interdicastérielle a été instituée en avril 2022. La composition de cette commission, composée de prélats nommés par le pape François, a précisé les responsabilités qui lui seraient confiées. Elle était présidée par Mgr Filippo Iannone, ancien préfet du Dicastère pour les textes législatifs, nommé depuis par Léon XIV à la tête du Dicastère pour les évêques.

Il comprenait également l'archevêque Edgar Peña Parra, le sostituto (délégué aux affaires générales) du Secrétariat d'État ; l'évêque Nunzio Galantino, alors président de l'Administration du patrimoine du Siège apostolique (APSA) et maintenant retraité ; le père Juan Antonio Guerrero Alves, alors préfet du Secrétariat pour l'économie, qui a démissionné de ce poste en novembre 2022 ; et Vincenzo Buonomo, en sa qualité de conseiller général de l'État de la Cité du Vatican.

L’APSA et le Secrétariat à l’Économie devaient assumer la responsabilité de la gestion économique, notamment en matière de recrutement, de rémunération du personnel et de gestion, auparavant dévolue au Secrétariat d’État. Ce dernier, bien que réduit en raison de sa mauvaise gestion financière, demeurait un acteur central de la coordination des dicastères.

Continuité avec la tradition

Cette réforme présente trois caractéristiques principales : la continuité avec la tradition de l’Église, l’adaptation administrative et une impulsion synodale.

Premièrement, le règlement s’inscrit dans la continuité de la tradition de l’Église, sans rompre avec le passé. La langue officielle demeure le latin, bien que le règlement précise que les documents internes peuvent également être rédigés « dans d’autres langues ». La version précédente du Règlement général indiquait qu’ils devaient être rédigés en latin, les autres langues étant autorisées « en cas de besoin ». Qu’est-ce qui a changé ?

En clair, le nouveau règlement reconnaît que le latin demeure la langue officielle de l'Église, mais que nombre de fidèles n'en ont pas une connaissance suffisante. Le latin reste la langue officielle, mais la possibilité de rédiger des actes dans d'autres langues est élargie. Après tout, l'editio typica (l'édition originale servant de référence pour toute traduction) des documents originaux du pape François était souvent en espagnol et non en latin.

Adaptation administrative

D'autres ajustements administratifs ont été apportés. Le Règlement général et le Règlement applicable au personnel sont désormais distincts. Dans l'ancienne version, le Règlement du personnel (concernant les grades, les traitements, etc.) faisait partie intégrante du Règlement général (relatif à la conduite des employés du Vatican) et constituait la première partie du document. Il est maintenant séparé du Règlement général et placé dans la seconde partie. L'objectif est d'améliorer l'efficacité du travail en définissant clairement les responsabilités et les devoirs de chacun.

En ce sens, les réformes instaurent également une plus grande centralisation et une plus grande responsabilisation. Désormais, les chefs des dicastères sont nommés par le pape, ce qui renforce son contrôle sur les candidats. Auparavant, le choix du chef de dicastère se faisait sur « note du Secrétariat d’État », mais la nomination restait du ressort de chaque dicastère.

Il est frappant de constater que le Secrétariat d'État conserve un rôle central de coordination. Bien que, sous le pontificat du pape François, le Secrétariat d'État ait perdu ses attributions administratives et que ses fonctions aient été fragmentées — notamment la gestion du Bureau de presse du Saint-Siège, confiée au Dicastère pour la Communication —, il demeure l'organe central de coordination de la Curie romaine.

Synodalité et responsabilité

Enfin, l’élan synodal, qui se définit mieux comme le besoin de collégialité et de communion. La « synodalité » se traduit ici par une approche institutionnelle de la priorité synodale centrale qu’est l’écoute, visant une plus grande transparence. Toute demande reçue par un dicastère du Vatican de la part des fidèles doit être enregistrée, confiée à une personne responsable et faire l’objet d’une réponse.

Auparavant, cette procédure n'était pas exigée par les dicastères, bien qu'il fût d'usage d'enregistrer les demandes à des fins d'archivage. L'obligation de répondre constitue toutefois une garantie pour les fidèles. Cette décision peut également être interprétée à la lumière des cas d'abus signalés mais restés sans suite.

Aux termes du nouveau règlement, les dicastères sont également tenus d’échanger leurs points de vue, de consulter le Secrétariat d’État sur les questions sensibles et de soumettre des rapports périodiques et annuels. Cette pratique n’est pas nouvelle non plus. La collaboration entre dicastères faisait partie intégrante de la philosophie des précédentes réformes de la Curie sous saint Jean-Paul II et constituait une méthodologie de travail spécifique.

Le cardinal Tarcisio Bertone, alors secrétaire d'État, a souligné la nécessité de consulter et de coordonner ses actions avec le Secrétariat d'État le 28 janvier 2013, lors d'une réunion interministérielle consacrée à la préparation et à la soumission des documents. Cette réunion faisait suite au premier scandale Vatileaks, marqué par la fuite de documents provenant directement du bureau du pape Benoît XVI.

Cette exigence n'est plus seulement une méthode de travail, mais fait désormais partie intégrante de la procédure. De plus, il est désormais de pratique courante pour les responsables de la Curie de consulter l'évêque du lieu lorsqu'ils doivent prendre une décision concernant un diocèse, et les supérieurs majeurs lorsqu'une décision concerne les Instituts de Vie Consacrée.

Prochaines étapes sous le règne de Léon XIV

Il ne s’agit pas d’une révolution copernicienne, mais plutôt d’une refonte administrative visant à endiguer certaines « mauvaises pratiques ». La réglementation n’est plus qu’une ligne directrice.

Léon XIV pourrait poursuivre les ajustements de la réforme de la Curie souhaités par le pape François. Jusqu'à présent, le pape actuel est intervenu sur deux points mineurs : il a rétabli un office pour la pastorale des gens de mer et il a autorisé les dicastères à investir en dehors de l'Institut pour les œuvres de religion , la « banque du Vatican », revenant ainsi sur une décision prise par le pape François.

D'autres modifications seront probablement apportées pour assurer un fonctionnement optimal. Cependant, la révision de la réglementation est terminée, ce qui constitue un cadre essentiel pour les prochaines étapes.

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