Les sondages d'opinion, tellement réducteurs ! (12/03/2011)

Une réflexion intéressante sur les sondages d'opinion a été mise en ligne sur AGORAVOX; elle émane de Jean-Luc Charlot à propos du sondage qui a propulsé Marine Le Pen à l'avant-plan de la politique hexagonale.

"...Interrogeons-nous sur ce qu’est un sondage d’opinion. Une technique écrivait Pierre Bourdieu qui fabrique « une » opinion à partir de méthodes qui ne sont pas infaillibles et qui peuvent être contestées sur le fondement même de la science, ou du bon sens, dans certains cas.

Il argumentait ce point de vue (in « Questions de sociologie ») en précisant que leur « fonction la plus importante consiste peut-être à imposer l’illusion qu’il existe une opinion publique comme sommation purement additive d’opinions individuelles. En faisant comme si (en induisant l’illusion d’une certaine façon) que la compétence politique serait universellement répandue. Alors que précise Bourdieu, elle varie grosse modo comme le niveau d’instruction. Autrement dit, que la probabilité d’avoir une opinion sur toutes les questions supposant un savoir politique est assez comparable à la probabilité d’aller au musée. On observe donc des écarts fantastiques et par exemple, mentionne-t-il, là où tel étudiant engagé dans un mouvement gauchiste perçoit quinze divisions à gauche du PSU, pour un cadre moyen il n’y a rien. Autrement dit, dans l’échelle politique (extrême-gauche, gauche, centre-gauche, centre, centre-droit, droite, extrême-droite, etc.) que les enquêtes de « science politique » emploient comme allant de soi, certaines catégories sociales utilisent intensément un petit coin de l’extrême-gauche (ou de l’extrême-droite) ; d’autres utilisent uniquement le centre, d’autres utilisent toute l’échelle, etc. Ce qui relativise d’autant la portée réelle de ces sondages quant à la connaissance de l’opinion.

Patrick Champagne, rappelait quant à lui (dès 1995), que les instituts de sondages, dont l’activité première (et aussi de loin la plus importante), est et reste le marketing économique. Et que ces Instituts ont en fait transposé subrepticement leurs méthodes à la politique, faisant de « l’homo politicus » un consommateur d’idées, de slogans ou d’images politiques (on pourrait ajouter de « marques ») ; que la politique, à travers la technique du sondage, tend à être traitée et perçue à travers les schèmes de l’économie : les hommes politiques sont (aussi) des « produits » ayant une « image de marque » souvent élaborée par des spécialistes en communication issus de la publicité, et que les thèmes des campagnes électorales sont souvent choisis après avoir été « testés » auprès de « panels d’électeurs ».
 
La question n’est donc pas tant de commenter ce sondage, de se réjouir ou de s’émouvoir de son résultat. Ni même de réclamer (ce que va faire vraisemblablement l’Institut de sondage) de tester d’autres « tête d’affiches » socialistes (comme DSK ou François Hollande, par exemple) pour s’apercevoir que certaines d’entre elles arriveront sans doute devant Marine Le Pen. Des résultats qui seront à leur tour abondamment commentés sur le thème de « untel battrait Le Pen au premier tour ». Ce qui est, on en conviendra aisément, une façon assez explicite de « fabriquer l’opinion » et de ne surtout pas (ou plus) parler de politique !

 

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