Une réflexion intéressante sur les sondages d'opinion a été mise en ligne sur AGORAVOX; elle émane de Jean-Luc Charlot à propos du sondage qui a propulsé Marine Le Pen à l'avant-plan de la politique hexagonale.
"...Interrogeons-nous sur ce qu’est un sondage d’opinion. Une technique écrivait Pierre Bourdieu qui fabrique « une » opinion à partir de méthodes qui ne sont pas infaillibles et qui peuvent être contestées sur le fondement même de la science, ou du bon sens, dans certains cas.
Il argumentait ce point de vue (in « Questions de sociologie ») en précisant que leur « fonction la plus importante consiste peut-être à imposer l’illusion qu’il existe une opinion publique comme sommation purement additive d’opinions individuelles. En faisant comme si (en induisant l’illusion d’une certaine façon) que la compétence politique serait universellement répandue. Alors que précise Bourdieu, elle varie grosse modo comme le niveau d’instruction. Autrement dit, que la probabilité d’avoir une opinion sur toutes les questions supposant un savoir politique est assez comparable à la probabilité d’aller au musée. On observe donc des écarts fantastiques et par exemple, mentionne-t-il, là où tel étudiant engagé dans un mouvement gauchiste perçoit quinze divisions à gauche du PSU, pour un cadre moyen il n’y a rien. Autrement dit, dans l’échelle politique (extrême-gauche, gauche, centre-gauche, centre, centre-droit, droite, extrême-droite, etc.) que les enquêtes de « science politique » emploient comme allant de soi, certaines catégories sociales utilisent intensément un petit coin de l’extrême-gauche (ou de l’extrême-droite) ; d’autres utilisent uniquement le centre, d’autres utilisent toute l’échelle, etc. Ce qui relativise d’autant la portée réelle de ces sondages quant à la connaissance de l’opinion.