Grande-Bretagne: la relation prêtre-évêque devant le tribunal (09/11/2011)

imagesCATXEU4W.jpgSur son site, l’hebdomadaire “La Vie” note aujourd’hui:

L'évêque dans l'Eglise catholique peut-il être considéré comme l'employeur d'un prêtre? La Haute cour de justice anglaise vient de répondre par l'affirmative à cette question, avec des conséquences multiples pour l'Eglise catholique. Cela signifie en particulier que l'évêque est responsable, en tant que supérieur hiérarchique, des fautes commises par son "employé", notamment dans les cas d'abus sexuels, et qu'il doit donc indemniser les victimes.

 

Le cas qui a permis à la Haute cour de juger en ce sens est celui de JUGE, une plaignante dont on ne connaît que les initiales, qui a été abusée par un prêtre dans un foyer pour enfants de Portsmouth. Dans l'énoncé du jugement, le tribunal observe que s'il n'y a pas de contrat formel entre l'évêque et le père Baldwin, il y avait néanmoins des "caractéristiques essentielles" qui y ressemblaient fort: "Le père Baldwin a reçu [du diocèse] les locaux, la chaire et la garde-robe. Il a été placé dans la communauté avec pleine autorité et a été conduit à agir pleinement en représentant de l'Eglise. Il a été formé et ordonné à cet effet. Il jouissait d'un immense pouvoir qui lui avait été donné par l'Eglise. C'est elle qui l'a nommé à ce poste dont, si les allégations sont prouvées, il a abusé". Cette décision ouvre la voie à toute une série de demandes d'indemnisations par des victimes; le diocèse n'a pas encore décidé s'il se pourvoirait en appel. S'il gagnait un éventuel deuxième procès, cela éviterait à l'Eglise d'avoir à verser le moindre centime aux victimes.

En Belgique, la question des indemnisations des victimes de prêtres abuseurs est également au centre des préoccupations. La Conférence épiscopale belge compte en effet terminer ses travaux sur la question d'ici la fin du mois, et selon deux journaux flamands ce sont près de 700 victimes qui ont été reconnues comme telles. Bien que la plupart des affaires soient prescrites, cela n'empêche en rien une indemnisation.” Ici: GRANDE-BRETAGNE: LA RELATION PRÊTRE-EVÊQUE DEVANT LE TRIBUNAL

Le droit anglo-saxon est une chose, le droit latin une autre… Rappelons qu’en Belgique, alors que les évêques et supérieurs religieux belges ont accepté d’assumer, dans le cadre d’une procédure arbitrale à définir, les conséquences notamment financières d’une responsabilité morale pour des faits d’abus frappés de prescription pénale et donc sans infraction imputable, un collectif de plaignants victimes d’abus sexuels cléricaux pénalement prescrits a en effet choisi de passer à la vitesse supérieure en citant le Vatican mais aussi les évêques et les supérieurs des ordres et congrégations catholiques belges devant la justice civile pour les faits pénalement prescrits.

Leur citation se fonde sur la présumée négligence fautive de l’Eglise. Leur chance d’aboutir n’est pas évidente du tout.  Certes, le privilège du for ecclésiastique a disparu depuis plus de deux siècles. Les évêques ne sont pas au-dessus des lois civiles ni pénales. Mais il faut prouver ce que l’on avance. Pour s’en tenir au volet civil, en cause ici, chacun connaît le célèbre article 1382 du code : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

Encore faut-il apporter les preuves : il n’y a pas de faute présumée sauf à appliquer l’article 1384 qui permet d’engager la responsabilité du commettant sans que la victime ait à prouver la faute de celui-ci : il  suffit à la personne lésée d’apporter la preuve de la faute que le préposé (contractuel ou non : le critère e celui de l’existence d’un lien de subordination) a commise, dans l’exercice des fonctions auxquelles il est employé.

Mais peut-on dire que l’évêque ou le supérieur religieux sont les commettants des curés ou des membres de leur congrégation, qu’il existe entre ceux-ci et eux un lien de subordination au sens de notre loi civile ? A cet égard, dans l’état actuel de la jurisprudence belge, il est permis au juge non pas d’apprécier le bien-fondé de la législation canonique mais de prendre en considération la nature objective du lien qu’elle crée, pour le qualifier. Or, il a été jugé, jusqu’ici, que la large autonomie accordée au curé par le code de droit canonique, ou, a fortiori, la nature du lien créé par les vœux d’un religieux, ne fait pas de ceux-ci des préposés au sens de la loi belge.

Ce qui est déjà problématique dans le cadre de la relation entre le curé ou le religieux et son évêque ou son supérieur l’est a fortiori au niveau du lien que le curé, prêtre ou religieux, entretiendrait avec le pape ou le Saint-Siège, sans même parler de la question des immunités judiciaires dont dispose un chef d’Etat ou une personne juridique de droit international comme le Saint-Siège !

J.P.S.

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