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Grande-Bretagne: la relation prêtre-évêque devant le tribunal

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imagesCATXEU4W.jpgSur son site, l’hebdomadaire “La Vie” note aujourd’hui:

L'évêque dans l'Eglise catholique peut-il être considéré comme l'employeur d'un prêtre? La Haute cour de justice anglaise vient de répondre par l'affirmative à cette question, avec des conséquences multiples pour l'Eglise catholique. Cela signifie en particulier que l'évêque est responsable, en tant que supérieur hiérarchique, des fautes commises par son "employé", notamment dans les cas d'abus sexuels, et qu'il doit donc indemniser les victimes.

 

Le cas qui a permis à la Haute cour de juger en ce sens est celui de JUGE, une plaignante dont on ne connaît que les initiales, qui a été abusée par un prêtre dans un foyer pour enfants de Portsmouth. Dans l'énoncé du jugement, le tribunal observe que s'il n'y a pas de contrat formel entre l'évêque et le père Baldwin, il y avait néanmoins des "caractéristiques essentielles" qui y ressemblaient fort: "Le père Baldwin a reçu [du diocèse] les locaux, la chaire et la garde-robe. Il a été placé dans la communauté avec pleine autorité et a été conduit à agir pleinement en représentant de l'Eglise. Il a été formé et ordonné à cet effet. Il jouissait d'un immense pouvoir qui lui avait été donné par l'Eglise. C'est elle qui l'a nommé à ce poste dont, si les allégations sont prouvées, il a abusé". Cette décision ouvre la voie à toute une série de demandes d'indemnisations par des victimes; le diocèse n'a pas encore décidé s'il se pourvoirait en appel. S'il gagnait un éventuel deuxième procès, cela éviterait à l'Eglise d'avoir à verser le moindre centime aux victimes.

En Belgique, la question des indemnisations des victimes de prêtres abuseurs est également au centre des préoccupations. La Conférence épiscopale belge compte en effet terminer ses travaux sur la question d'ici la fin du mois, et selon deux journaux flamands ce sont près de 700 victimes qui ont été reconnues comme telles. Bien que la plupart des affaires soient prescrites, cela n'empêche en rien une indemnisation.” Ici: GRANDE-BRETAGNE: LA RELATION PRÊTRE-EVÊQUE DEVANT LE TRIBUNAL

Le droit anglo-saxon est une chose, le droit latin une autre… Rappelons qu’en Belgique, alors que les évêques et supérieurs religieux belges ont accepté d’assumer, dans le cadre d’une procédure arbitrale à définir, les conséquences notamment financières d’une responsabilité morale pour des faits d’abus frappés de prescription pénale et donc sans infraction imputable, un collectif de plaignants victimes d’abus sexuels cléricaux pénalement prescrits a en effet choisi de passer à la vitesse supérieure en citant le Vatican mais aussi les évêques et les supérieurs des ordres et congrégations catholiques belges devant la justice civile pour les faits pénalement prescrits.

Leur citation se fonde sur la présumée négligence fautive de l’Eglise. Leur chance d’aboutir n’est pas évidente du tout.  Certes, le privilège du for ecclésiastique a disparu depuis plus de deux siècles. Les évêques ne sont pas au-dessus des lois civiles ni pénales. Mais il faut prouver ce que l’on avance. Pour s’en tenir au volet civil, en cause ici, chacun connaît le célèbre article 1382 du code : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

Encore faut-il apporter les preuves : il n’y a pas de faute présumée sauf à appliquer l’article 1384 qui permet d’engager la responsabilité du commettant sans que la victime ait à prouver la faute de celui-ci : il  suffit à la personne lésée d’apporter la preuve de la faute que le préposé (contractuel ou non : le critère e celui de l’existence d’un lien de subordination) a commise, dans l’exercice des fonctions auxquelles il est employé.

Mais peut-on dire que l’évêque ou le supérieur religieux sont les commettants des curés ou des membres de leur congrégation, qu’il existe entre ceux-ci et eux un lien de subordination au sens de notre loi civile ? A cet égard, dans l’état actuel de la jurisprudence belge, il est permis au juge non pas d’apprécier le bien-fondé de la législation canonique mais de prendre en considération la nature objective du lien qu’elle crée, pour le qualifier. Or, il a été jugé, jusqu’ici, que la large autonomie accordée au curé par le code de droit canonique, ou, a fortiori, la nature du lien créé par les vœux d’un religieux, ne fait pas de ceux-ci des préposés au sens de la loi belge.

Ce qui est déjà problématique dans le cadre de la relation entre le curé ou le religieux et son évêque ou son supérieur l’est a fortiori au niveau du lien que le curé, prêtre ou religieux, entretiendrait avec le pape ou le Saint-Siège, sans même parler de la question des immunités judiciaires dont dispose un chef d’Etat ou une personne juridique de droit international comme le Saint-Siège !

J.P.S.

Commentaires

  • Je ne suis pas très calé en droit, mais comment se fait-il qu'un employeur soit considéré responsable des délits commis par son employé ? Si un employé commet un délit, son supérieur hiérarchique devra-t-il indemniser les victimes ?

    Cela me paraît impossible qu'un supérieur hiérarchique puisse assumer la responsabilité de tous les délits commis par toutes les personnes qui ont un lien de subordination avec lui. Sauf s'il était démontré que c'est sur ordre explicite du supérieur que les subordonnés ont commis le délit, bien sûr.

  • Ce qui est considéré ici, ce n'est pas le délit pénal mais son aspect de faute civile. Le "commettant" est civilement responsable du fait de l'autorité qu'il exerce sur le "préposé" pour les fautes commises par ce dernier dans l'exercice de sa fonction, comme l'indique le "post".

    Le défaut de prévoyance et de précaution du commettant dans l'exercice de sa responsabilité constitue une faute présumé par la loi (et ce de manière irréfragable pour les commettants) comme le montre la lecture du texte de l'article du code civil.

    Art. 1384 du code civil belge: "On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
    [Le père et la mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs.]
    Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
    Les instituteurs et les artisans, du dommage cause par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
    La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère, instituteurs et artisans, ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.

  • @ jps ... Merci pour cet article en référence. Mais, selon moi, un prêtre n'est ni un enfant mineur sous la garde de ses parents, ni un domestique aux ordres d'un chef de maison, ni un élève ou apprenti dirigé par un maître. Surtout quand le délit qui lui est reproché est singulièrement hors de ce que le Christ lui demande, et même totalement contraire.

    En outre, dans la doctrine de l'Église catholique (enseignement du Christ), le plus petit serviteur est le plus haut placé. Autrement dit, le Pape est au service des 1,2 milliards de catholiques dans le monde, ce ne sont pas ceux-ci qui sont à son service. Comment combiner cette logique religieuse avec une logique de droit profane ?

    Prenons aussi l'exemple Van Gheluwe, où les faits reprochés se sont produits dans le cadre familial, et non pas dans le cadre de sa charge ecclésiastique. Tout le monde sait que le cadre familial, du fait d'une plus grande intimité entre générations, est instigateur du maximum de cas de pédophilie. Comment la Justice civile va-t-elle distinguer ce cas d'un prêtre, qui serait aussi oncle ? Qui devra répondre de ses actes, le prêtre ou l'oncle ?

    Et enfin, a-t-on connaissance d'un précédent, d'un cas de délinquant sexuel, quel qu'il soit (policier, éducateur, animateur, moniteur, infirmier, médecin, pédo psychiatre, etc...) et pour lequel sa hiérarchie éventuelle aurait dû répondre du délit commis ?

  • Ne faudrait-il pas dès lors vérifier que c'est dans l'exercice de ses fonctions que le prêtre s'est livré à des actes délictieux?

    Quand (et où )le prêtre agit-il dans l'exercice de ses fonctions , et quand est-il dans sa vie privée ?

  • @ patrick p... Je n'arrive vraiment pas à comprendre la logique de la Justice et des médias. À ma connaissance, les nombreuses personnes qui se font prendre pour pédophilie ou pédopornographie, que ce soient des enseignants, des plombiers, des fonctionnaires, des médecins, des policiers, des cadres, des avocats, etc... se font juger comme simples citoyens, avec présomption d'innocence et autres garanties (judiciaires et médiatiques). Peu importe leur métier, leur firme, leur supérieur hiérarchique. Ceux-ci ne sont jamais mis en cause.

    Pourquoi, dans les très rares cas où il s'agit de prêtres, se font-ils juger comme prêtres, en impliquant quasiment toute l'Église ? Et pourquoi les médias en font-ils immédiatement les gros titres, avant même toute enquête, en laissant entendre que ça ne se passerait que là ?

    C'est comme s'il y avait deux sortes de justiciables en Belgique, les prêtres d'un côté (pratiquement jugés comme coupables d'office sur simple dénonciation ou suspicion), et tous les autres citoyens d'un autre côté. Pourquoi donc cette pratique du lynchage judiciaire et médiatique contre les prêtres, et par ricochet contre l'Église ?

    Quand on épingle un entraîneur de football, par exemple, met-on en cause toute la Fédération de Football, et lui demande-t-on d'indemniser les victimes ? A-t-on jamais fait une descente pour saisir tous les dossiers de la Fédération, suite aux cas de pédophilie dans le milieu du football ?

    Je ne crois donc pas que la Justice soit équitable en Belgique. Un prêtre ne peut faire ainsi l'objet d'une Justice d'exception, uniquement parce qu'il est prêtre.

  • Nous sommes bien d'accord: la jurisprudence belge, jusqu'à présent en tout cas, n'a jamais accepté de considérer qu'un évêque, ni a fortiori le pape, étaient les commettants de leur clergé, ni les membres de celui-ci leurs préposés, au sens de l’article 1284 du code civil.

    Les juges belges saisis sur cette base ont toujours considéré que le lien établi par le droit canonique ne constituait pas un lien d’autorité et de subordination au sens de notre législation civile

    La seule question qui puisse éventuellement se poser se situe dans le cadre de l’article 1382 : si un plaignant considère qu’un évêque a commis une faute dans l’affaire qui le concerne il doit en apporter la preuve. Celle-ci ne peut pas être présumée.
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