Le sel de la terre ? (19/11/2011)

Frederic-Lenoir.jpgLe  15 novembre dernier , les Grandes Conférences Catholiques organisaient un « dialogue » entre Frédéric Lenoir, directeur de la rédaction du « Monde des religions » et  le journaliste Eddy Caekelberghs (RTBF), co-préfacier (avec le chanoine Eric de Beukelaer) du récent ouvrage  d’Hervé Hasquin sur les catholiques belges et la franc-maçonnerie (sous-titré : de la rigidité Ratzinger à la transgression).

Cette conférence à deux voix avait pour thème : « Dieu en questions ». La relation qu’en fait le jésuite Charles Delhez sur le site de l’agence interdiocésaine Cathobel porte un titre en forme de point d’interrogation, comme il  les affectionne : « Dieu survivra-t-il » ?

N’attendons pas une réflexion d’ordre théologique ou philosophique, même si Frédéric Lenoir a publié des ouvrages de « spiritualité » (sur Socrate, Bouddha ou Jésus dont il nous explique comment il est devenu Dieu) : le regard du sociologue et de son faire-valoir s’apparente davantage à l’entomologie appliquée aux sociétés humaines, de leur naissance à nos jours.

Le Père Delhez en fait un compte rendu dépourvu de tout jugement critique . Extraits :

« Depuis toujours, l’homme ne se contente pas du visible et ritualise la mort (…). La religion est-elle en lien avec l’angoisse ?” demande Eddy Caekelberghs. Le rédacteur en chef du Monde des Religions est tenté de dire oui. La religion s’enracine dans un besoin d’assistance, de sécurité, et répond à l’angoisse de la mort. Freud en donnait cette explication. (…).

Frédéric Lenoir note (…) que la question de l’au-delà précède celle de Dieu. Les tombes ont toujours été ritualisées, particulièrement en Égypte. La création des grands empires entraînera la rencontre des panthéons. Il faut dès lors rationaliser le ciel et hiérarchiser les dieux La création des grands empires entraînera la rencontre des panthéons L’empereur en sera l’expression terrestre.(…).

Quant au monothéisme, un seul Dieu universel, il semble bien apparaître avec Akhenaton, au 14e siècle av. J.-C., mais pour un court instant. Chez les Juifs, il n’est seulement attesté qu’à partir du 7e siècle. La religion zoroastrienne, qui a influencé les Juifs en exil à Babylone, est un autre monothéisme pratiquement concomitant. On y trouve déjà l’idée d’universalité, de messianisme, ainsi que les anges et le jugement dernier. Pour les chrétiens, Jésus sera ce Messie et Frédéric Lenoir de rappeler que le Christ n’est pas un fondateur de la religion. Il n’a jamais quitté le judaïsme. C’est à la suite des débats parmi ses disciples, et notamment avec saint Paul, que naîtra l’Église. Le concile de Jérusalem est le moment-charnière (…).

Et en Orient ? La conception d’un dieu unique et créateur, la notion d’un temps linéaire avec une fin du monde sont propres à l’Occident. Les orientaux restent davantage cycliques, panthéistes, en communion avec la nature où visible invisible se mêlent. Le monothéisme n’y apparaît pas. Toutes les religions ont cependant plusieurs points communs, l’humanité semblant progresser par paliers un peu partout à la fois. Ainsi l’éthique, mais aussi la quête de l’immortalité, que ce soit dans la fusion avec le Grand Tout ou dans un paradis. En Orient, cependant, il s’agit d’effacer ce qui donne l’illusion d’individualité. Il est donc plus facile d’accepter la vie comme elle est, note le sociologue. Mais le côté négatif, c’est qu’on ne cherche pas à changer le monde.

Le christianisme, lui, a conduit à ce qu’on se batte pour améliorer le sort des gens (…). Frédéric Lenoir souligne alors que Jésus a tout ramené à l’amour, qui seul fonde le salut.

La violence existe dans toutes les religions, y compris le bouddhisme, que l’on croit si pacifique, rappelle Frédéric Lenoir. Il y a des lamas qui assassinent d’autres lamas même au Tibet. Mais il faut reconnaître que monothéisme rend plus intolérant, puisque son dieu est le seul (…)

Toutes les sociétés ont été religieuses jusqu’au 19e siècle. Aujourd’hui encore, les 2/3 des Européens sont croyants, 90 % des Américains et des Latinos. Ce qui se vit en France et en Belgique, est de l’ordre de l’exception. Serions-nous les laboratoires de l’ultramodernité ? (…)  Quoi qu’il en soit, trois tendances ses dessinent depuis 30 ans en Occident: la féminisation du divin, son intériorisation et le recul de son caractère personnel. Un autre phénomène est l’écologie qui devient une espèce de religion collective. En sauvant la terre, on sauve l’humanité.” Cette religion n’a pas besoin de Dieu. » Le tout ici : Dieu survivra-t-il?

Et voilà cqfd : au fond, le christianisme est la religion de la sortie de la religion,  comme dirait Marcel Gauchet, il se sécularise et, pour le reste,  se désenchante et s’évapore comme cette « anima vagula blandula » dont parlait  l’empereur Hadrien. Quelle belle conférence catholique !

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