Et la foi dans tout cela ? (29/03/2012)

 La foi des Cubains, chloroformée par un demi-siècle de communisme: sur le site de “La Vie”, Jean Mercier nous donne son impression, qui recoupe celle des missionnaires de la Communauté Saint-Martin (nous l’avions  évoquée à la veille du voyage pontifical,  ici: Benoît XVI dans l’île rouge)

Extraits du reportage de Jean Mercier:

Lors de la messe à La Havane, sur la place de la Révolution, Benoît XVI a appelé à redécouvrir le courage de la vérité, devant une foule heureuse mais peu enthousiaste.(…)

 L'immense « plaza de la Révolucion » est  bordée de bosquets de palmiers et de grands et laids immeubles en béton, dans la plus pure tradition du réalisme soviétique. Sur l'un d'entre eux, les organisateurs ont posé un immense calicot représentant la fameuse Vierge au manteau d'or. Sur un autre bâtiment, on voit un portrait stylisé de Camilo Cienfuegos, l'un des révolutionnaires de 1959, et sur un troisième, le célèbre portrait de Che Guevara avec la phrase culte : « Hasta la victoria, siempre » (Vers la victoire, toujours). Le décor est planté. C'est sur cette place que, chaque 1er mai, pendant des décennies, Fidel Castro a prononcé ses discours interminables. C'est ici aussi qu'a eu lieu la messe de Jean Paul II en janvier 1998. Ce matin, c'est Benoît XVI qu'attendent 300.000 personnes. (…)

Alors que la messe commence, il règne une atmosphère un peu plombée en dépit d'un ciel sans nuages, d'une belle chaleur adoucie par le vent de l'Océan. La foule est hétérogène et manque de ferveur et de recueillement. Parmi les gens que nous avons sondé au hasard, la moitié ne savent pas vraiment pourquoi ils sont là et assistent pour la première fois à une messe, dont ils ne comprennent rien. Il y a de très nombreux jeunes, mais la plupart sont venus avec un groupe.

Dans la plus pure tradition communiste, où le contrôle social tient une place énorme, les entreprises et les écoles sont venus dans une démarche corporatiste. L'Etat leur a dit de venir, ils ont obéi. « Je suis là par curiosité » explique Luisa, qui est serveuse dans un hôtel. « Mon patron m'a donné ma journée. ». Augustin, un havanais qui a connu la France l'an dernier grâce à un voyage organisé par la CGT, explique sa démarche : « Je ne suis pas croyant, mais je suis là par solidarité avec les catholiques, car les Cubains sont unis dans une même famille. J'étais déjà venu pour Jean Paul II. Chez nous, on peut être militant du parti communiste et bon catholique. » Cet homme sympathique m'offre une pièce de trois pesos ('non convertibles', c'est-à-dire limités à l'usage des Cubains) à l'effigie de Che Guevara et qui porte la mention : « Patria o muerte » (la patrie ou la mort). Tout un programme.

Le manque d'ambiance n'est pas dû qu'à la présence de participants plutôt apathiques : il est aussi dû à des aspects financiers et techniques. Faute de moyens, il n'y a pas d'écrans géants qui font le relais des images au sein de la foule, comme il y en a souvent dans les grands messes papales, ce qui n'aide pas à la participation. On sent aussi planer sur cette « Place Rouge » des Tropiques le spectre de la dictature, à travers les réflexes des foules dressées pour les manifestations de masse. Comme un mécanisme de défense, le corps agit sans que le cœur ne soit partie prenante. D'où une sorte de « joie » sur commande qui fait écho à un manque de spontanéité – voire une peur - que nous avons constaté chez les Cubains lorsqu'on les interroge sur leurs convictions. Beaucoup de personnes sollicitées au cours de nos trois jours sur place ont semblé se dérober (…)

Benoît XVI délivre un message néanmoins très fort à partir de deux textes bibliques puissants qui sont, par un heureux hasard, ceux de la liturgie du jour, à partir du martyre (les enfants dans la fournaise, Daniel 3) et du thème de la « vérité qui rend libre » (Jean 8,31).

(…) En clair, le pape dit aux Cubains : sortez de votre léthargie, libérez vous du mensonge gluant du castrisme. Ne laissez pas votre vie aux mains du parti... Et il redit aux catholiques : assumez votre vocation ! Même si c'est au prix du sacrifice. (…).

Un message radical prononcé devant le visage stylisé du « Che » – effectivement mort pour ses convictions – auquel répondait la statue de la Mère de Dieu qui a fait l'objet d'une véritable passion collective depuis 2010. L'humilité de la foi mariale contre l'idéologie guévariste de la « patrie ou la mort » ? La nouvelle révolution cubaine pourrait bien être, comme l'espère Benoît XVI, celle de la vérité . Ici: Le pape, la "mamamobile" et Che Guevara

10:39 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |