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Benoît XVI dans l’île rouge

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Cuba-pretres.jpgOn se souvient de l’accueil fort prévenant que le régime communiste cubain avait réservé à Jean-Paul II que Fidel Castro tenait, semble-t-il, en grande estime. Mais qu’en est-il de la situation réelle du catholicisme dans l’île, à la veille de la visite de Benoît XVI ? 

C’est ce que le bimensuel « L’Homme Nouveau » a demandé à Don Jean-Yves Urvoy. prêtre de la Communauté Saint-Martin,  installé, avec trois autres membres de cette communauté, depuis six ans à Placetas, petite ville située au centre de l'île de Cuba.

La Communauté Saint-Martin est une association de prêtres et de diacres séculiers désirant vivre leur apostolat en vie commune au service  des évêques désireux de leur confier des missions apostoliques variées : paroisses, aumônerie de collège et d’internat, sanctuaire, maison de retraite… Et cela en France ou à l’étranger. D’inspiration liturgique et doctrinale très classique, cette communauté a donné récemment un nouvel évêque à l’Eglise : Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne.

Voici l’interview de Don Urvoy :

À quelques jours de la visite du Pape à Cuba, pouvez-vous nous faire un état des lieux de l'Église sur cette petite île ?

 40 % de la population se reconnaissent catholique aujourd'hui à Cuba, autant se disent protestants, le reste se revendique sans religion. Mais la pratique dominicale ne concerne qu'1 % des catholiques ! Ils se sentent parfois très croyants, mais l'ignorance religieuse est dramatique, bien plus qu'en France ! Parmi ceux qui se disent catholiques et très croyants, certains ne savent même pas que Jésus est le Fils de Dieu…

Il y a sur l'île de Cuba 300 prêtres, dont la moitié d'étrangers, pour 11 millions d'habitants, soit, proportionnellement, dix fois moins qu'en France. L'Église est unie et respectée mais on constate chaque jour l'évangélisation assez superficielle qui a été faite. Néanmoins aujourd'hui l'Église va bien et les Cubains sont réceptifs à son message.

Et l’état des lieux moral ?...

Lui est vraiment grave. Il y a d’abord une culture de machisme « latino » très forte, ce qui donne un pays où les femmes portent tout toutes seules, les hommes sont très absents.

Mais il y a aussi cinquante années d’idéologie communiste… La politesse était par exemple considérée comme l’affaire des bourgeois… Le mariage n’existe pratiquement pas non plus dans la mentalité cubaine, si bien que la famille, comme cellule constituée des époux-parents et de leurs enfants, non plus. Même les petites filles de 10 ans ne rêvent pas de mariage, cela n’existe plus… Mais les concepts d'éducation, de valeurs humaines reviennent petit à petit dans le vocabulaire du parti… Ils sentent bien que rien n’a fonctionné…

Dans un environnement pareil, où mettre la priorité dans votre mission  

Nous avons décidé de la mettre sur la jeunesse. Et les jeunes sont très présents dans la paroisse. Nous avons maintenant une centaine d’enfants de chœur. Il est impensable pour eux de nous voir le dimanche et nous dire à la semaine prochaine ! On se revoit forcément avant. Il y a aussi cette question du père absent qui revient… Beaucoup nous confient que nous sommes leurs pères…

Et quelles difficultés rencontrez-vous ?

La génération que nous avons vraiment du mal à toucher est celle de leurs parents. Elle est très bienveillante, et ravie de ce que nous faisons avec leurs enfants, mais cela va rarement plus loin. Cette génération ne présente pas un modèle familial pour la jeunesse. Tout ce que nous voulons construire avec ces jeunes est assez inexistant, il nous faut partir de zéro. C’est difficile, surtout que nous n’avons pas le droit de rentrer dans les écoles. Il faut rencontrer les jeunes autrement.

Et avec le régime ?

Les relations sont très hypocrites. Nous savons qu’ils viennent nous surveiller, mais quand vous les voyez dans l’église, vous pensez que ce sont les paroissiens les plus fervents ! Je sais aussi que tout ce que je dis en chaire est noté, que nos faits et gestes sont observés.

Mais le parti montre envers nous toute sa faiblesse. Je pensais en arrivant subir des vexations, mais c’est tout l’inverse, si l’Église est en force, le parti se montrera rarement agressif.

Les attaques sont beaucoup plus insidieuses. En revanche ils laissent des habitants marqués par un fatalisme dramatique, ne serait-ce que vis-à-vis du régime lui-même.

Il est interdit de critiquer le régime. Comment vous placez-vous ?

Je n’ai pas envie de m’en vouloir dans quelques années parce que j’aurais été lâche. Je dis très clairement ce que je pense à mes fidèles, et publiquement. Je sais que mes propos sont surveillés et rapportés… Les fidèles parlent assez librement avec nous, mais sont quand même beaucoup plus prudents en présence de tierce personne. C’est frappant de voir combien ce régime entretient les gens dans la peur et la méfiance vis-à-vis de quiconque. Nous le voyons même parfois en confession…

Qu’attendez-vous de cette visite pontificale ?

À quelques jours de sa venue, tout le monde en parle, mais un peu coupés du monde, les Cubains ne mesurent pas forcément l’immense honneur qu’est cette visite pontificale. Jean-Paul II était venu les voir, il s’agit pour eux d’une visite normale. J’espère simplement que le Saint-Père sera bien renseigné sur la réelle situation dans le pays. Parce que l’apparence de la situation est vite trompeuse. Vous verrez que Benoît XVI sera parfaitement accueilli la semaine prochaine, mieux sans doute que dans beaucoup d’autres pays. Tout semblera aller très bien. Mais l’accession au pouvoir de Raoul Castro n’a rien changé, si ce n’est sur quelques points économiques. Jean-Paul II avait demandé aux Cubains de devenir protagonistes de leur Histoire. Le message est toujours le même, il faut leur faire désirer liberté et vérité, et donc prier.

Référence  Cuba : avant l’arrivée du pape

 

 

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