L’aveu sans fard (21/09/2012)
C’est celui exprimé par le Père Serge-Thomas Bonino, secrétaire de la Commission théologique internationale, à l’occasion de l’Année de la Foi qui s’ouvre avec la célébration du cinquantenaire de « Vatican II ». Dans une interview publiée par « Famille chrétienne » et dont le blog « Salon Beige » reproduit des extraits il tient des propos autrement significatifs que les déclarations des cardinaux Ravasi sur la dévotion mariale bien tempérée ou Mauro Piacenza sur l’extraordinaire effet du concile oecuménique illuminant l’Eglise (voir Belgicatho ici Cherchez l'erreur ):
« […] L’idée d’une nouvelle évangélisation est très liée au contexte occidental. L’Europe a été évangélisée en profondeur, et cette première évangélisation a donné naissance à une civilisation chrétienne d’une richesse exceptionnelle, au Moyen Âge puis aux temps modernes. Mais, peu à peu, pour des raisons fort complexes, le christianisme a cessé d’irriguer les cultures européennes jusqu’à la situation actuelle, à propos de laquelle Jean-Paul II n’hésitait pas à parler d’« apostasie silencieuse ». C’est un fait : même si nos contemporains continuent tant bien que mal à vivre inconsciemment de valeurs d’origine chrétienne, le christianisme n’est plus une référence vitale pour la plupart d’entre eux. [...]
Le christianisme dit « sociologique » a-t-il disparu ?
Il ne survivra pas longtemps. Dans le contexte actuel, où elle ne s’incarne plus dans les structures culturelles, la foi ne peut exister que si elle est vécue en vérité par des croyants qui la prennent au sérieux, et en font l’axe essentiel de leur vie. Sinon, le christianisme n’est plus qu’un vernis culturel, un héritage que l’on n’habite plus vraiment. Une coquille vide. Nos contemporains ne vivent-ils pas comme des étrangers dans leur propre culture ? [...]
La foi n’est jamais facile, et chaque époque connaît ses propres difficultés. Aujourd’hui, la foi est surtout menacée par le relativisme ambiant, qui méconnaît le caractère absolu de la Vérité. Nos contemporains ont du mal à comprendre que la foi n’est pas une simple opinion parmi d’autres. Or, quand la foi est vécue sous forme d’opinion, on en prend et on en laisse. L’enseignement de l’Église devient un vaste supermarché où chacun fait ses courses en fonction de ses désirs subjectifs : je prends ce qui me plaît ou me parle… et je laisse tomber le reste. Au lieu d’accepter que la parole de Dieu donne un sens à ma vie, c’est moi qui prétends lui donner un sens acceptable ! Or la foi est au contraire un accueil inconditionnel de la parole de Dieu comme vérité définitive sur Dieu et sur l’homme. [...]
L’acte de foi est la réponse de l’homme à la parole de Dieu, communiquée à travers la prédication de l’Église. Elle n’est pas un vague sentiment sans objet, mais une adhésion de l’intelligence à un contenu intellectuel, à un ensemble de vérités qui définit qui est Dieu et quel est son projet pour l’humanité. Mais cette adhésion de l’intelligence engage ma personne dans toutes ses dimensions. [...] [Sur cette déclaration, lire le 1er commentaire ci-dessous, NDMJ]
La foi et la croyance sont quand même deux notions très différentes…
Imaginez que je doive me rendre à la cathédrale d’Auch pour mon mariage. J’ai tout prévu pour être à l’heure. Mais voilà que, sur cette petite route de campagne, je me retrouve derrière un camion des Déménageurs bretons qui roule à 30 km/h. Impossible de doubler, je n’ai aucune visibilité. J’enrage. Mais au bout d’un moment, le chauffeur du camion me fait signe par sa fenêtre de le dépasser. Motivé par le désir de retrouver à temps ma promise, je décide de faire confiance au chauffeur, de le « croire », et de doubler. Ce faisant, je risque ma vie ! L’acte de foi ne fonctionne pas autrement. Par moi-même, je ne peux pas savoir si telle ou telle affirmation qui dépasse mon intelligence est vraie ou fausse. Mais je fais confiance à quelqu’un qui est mieux informé que moi. Croire, c’est tenir quelque chose pour vrai sur l’affirmation d’un témoin qualifié. Dans la foi, je fais confiance à Jésus qui sait mieux que moi ce dont Il parle. Notez bien que si je ne veux pas faire confiance, je trouverai toujours mille raisons de ne pas faire confiance. J’irai imaginer que le chauffeur du camion a la berlue, ou qu’il me veut du mal… Telle est la tentation de l’homme contemporain. [...]
La confiance est toujours difficile, car faire confiance, c’est prendre le risque de dépendre d’autrui, et donc de ne plus maîtriser parfaitement sa vie. Ainsi, par la foi, je cesse d’être le seul maître de ma vie pour la remettre au Seigneur. Mais il est vrai aussi que le développement contemporain de l’individualisme renforce cette difficulté. L’individualisme revendiqué isole les personnes. L’unique rapport possible avec autrui devient alors le contrat mutuel. D’où la dérive judiciaire qui, dans nos sociétés, s’infiltre partout et tend à se substituer aux rapports humains. On aimerait tant que toute la vie soit réglée par des contrats en bonne et due forme. On éviterait ainsi d’avoir à faire le saut de la confiance en autrui ! Mais, grâce à Dieu, c’est impossible."
Référence : La foi au défi du relativisme et de l'individualisme
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